CHINAHOY

28-September-2017

Huizong des Song (1100-1126)

 

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

 

Huitième empereur de la dynastie des Song, Huizong illustre de son triste destin les limites du principe confucéen de l'« empereur vertueux ». L'empereur se doit de donner l'exemple et ses vertus rejaillissent sur tout l'empire, certes. Mais il doit aussi savoir être dur, impitoyable, inflexible devant l'adversité. Sinon...

 

 
Portrait de Huizong des Song
 
 

Vers la fin, la dynastie des Song du Nord (960-1127) s'épanouissait dans un développement culturel comparable à la Renaissance européenne 500 ans plus tard : l'abondance due aux progrès des sciences et des techniques agricoles conduisit à l'enrichissement des marchands, lesquels se mirent à apprécier le luxe et à encourager les arts. Le principe confucéen du savoir accessible à tous était mis en pratique avec le système de l'examen impérial hérité des Tang (618-907), mais perfectionné en l'ouvrant à de plus larges catégories de la population. L'empire se constitua en méritocratie, sélectionnant les plus capables et non les plus riches pour les postes à responsabilité.

 

Le jeune Zhao Ji n'avait pas vocation à monter sur le trône. 11e fils de l'empereur Shenzhong, c'est suite à un concours de circonstances et au décès prématuré de son frère ainé, l'empereur Zhezong, qu'il se retrouva, en l'an 1100, catapulté au sommet de l'empire sous le nom de Huizong. Il avait dix-huit ans, et ce couronnement signait la fin de son enfance insouciante.

 

Il semblait pourtant être le candidat idéal. Esprit universel, sorte de Léonard de Vinci chinois, Zhao Ji montra dès son plus jeune âge un intérêt passionné pour les arts, les lettres et les sciences. Il adorait la musique et jouait excellemment de son instrument préféré, le guqin. Son éducation d'élite ne s'arrêtait pas là : il savait apprécier la peinture classique et on compte des centaines de tableaux réalisés par l'empereur en personne, comme cette copie du célèbre Dames de cour préparant de la soie à tisser, dont l'original est perdu, ou cet autre intitulé En écoutant le qin. Ses talents touchaient à presque tous les arts connus, puisqu'il était également poète et calligraphe. Il a lancé son propre style calligraphique que l'on appelle aujourd'hui « écriture en fil d'or ». Très féru de poésie, il connaissait tous ses classiques et fut l'auteur de poèmes particulièrement appréciés des lettrés de tous temps.

 

Connaisseur et collectionneur de tableaux, il se constitua un musée personnel de 6 000 pièces qu'il intégra à l'Académie Hanlin où étaient entreposés, depuis quatre siècles déjà, les trésors culturels les plus précieux de l'empire. Ainsi se passa la première moitié de sa vie, dans une studieuse oisiveté, l'empereur entouré à toute heure d'artistes et de lettrés, rivalisant de talent et de créativité avec les esprits les plus brillants de son époque... Modeste, fidèle en amitié, compréhensif des faiblesses humaines, il était le type même de l'empereur sage et vertueux.

 

Malheureusement, l'empereur est tributaire des destinées de son empire. En 1106, ses voisins du Nord et Nord-Est, la dynastie des Jin (1115-1234), vinrent lui proposer une alliance militaire pour envahir le royaume de Liao situé au Nord et Nord-Ouest, offre qu'il se résolut à accepter. Mal lui en prit !

 

Huizong, à force de réduire le budget de défense et de négliger la chose militaire, avait fini par plonger la dynastie dans un état de vulnérabilité qui n'échappa pas à ses nouveaux alliés. À peine la campagne contre les Liao bouclée, c'est contre lui que se tournèrent les Jin, en 1126. Horrifié par cette traîtrise inimaginable, l'empereur doux et sensible préféra abdiquer en faveur de son fils qui prit le nom de règne de Qinzong. Bardé de son titre d'« empereur retraité », il se retira à Bianjing pour retrouver ses poèmes et ses peintures. Trop tard : sous la pression des assaillants, la défense de l'empire craquait de partout. Les Jin assiégèrent la capitale, et en 1127, finirent par arriver à leurs fins : la dynastie des Song du Nord vivait ses derniers jours.

 

L'empereur démissionnaire, son harem, son fils récemment couronné et toute la cour impériale tombèrent aux mains des Jin qui leur firent signer un traité de paix calamiteux, les cloîtrèrent en résidence surveillée. Comble de l'humiliation, l'ex-empereur se vit décerner par les occupants le titre humiliant de « Duc Hunde », c'est-à-dire de « Duc fou ». Exilé au Helongjiang, il vécut ses dernières années en captivité avant de décéder, déchu et misérable, à l'âge de 52 ans.

 

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