CHINAHOY

29-June-2017

« Impérialisme chinois » ? Quel impérialisme chinois ?

 

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

« La Chine est bien une puissance impérialiste », affirme Médiapart sous le prétexte un peu curieux que son territoire serait actuellement plus vaste qu'à aucune autre époque de son histoire. Dans le Washington Times, un ancien amiral américain affirme que la volonté chinoise de faire respecter sa souveraineté en mer de Chine méridionale n'est « rien d'autre que de l'impérialisme agressif ». Le New Yorker s'attaque lui à la présence chinoise en Afrique pour titrer Chinafrique : les nouveaux impérialistes ? D'autres préfèrent employer des euphémismes ou des synonymes. La Tribune signe un article qui trouve la Chine « agressive », cette fois principalement sur le plan économique. Les uns citent la mise en chantier d'un second porte-avions, d'autres l'accroissement de ses dépenses militaires... D'autres encore parlent d'« impérialisme culturel » et de « rouleau compresseur ». Impérialiste la Chine, sérieusement ?

Si l'on se réfère à la définition de l'impérialisme, qui selon le Larousse consiste en des « visées de domination et d'expansion d'un État », force est de constater qu'on n'a jamais vu d'impérialisme aussi retenu. La politique étrangère de la Chine, toute à son rôle de grande puissance modeste, n'est en rien comparable à celle de l'Oncle Sam. Soyons sérieux : qu'il s'agisse de nombre de porte-avions (2 contre 12), de bases militaires à l'étranger (0 contre 800), de budget militaire (150 milliards de dollars contre 603 milliards), les chiffres sont éloquents. Si les États-Unis se découvrent, dans chaque recoin de la planète, des « intérêts vitaux » qui les obligent à bafouer les souverainetés, la Chine s'engage au contraire pour un monde multipolaire et se contente de défendre ses intérêts dans le cadre de la loi et des conventions internationales.

Le contraste est encore plus criant si l'on comprend l'« impérialisme » non pas seulement comme une « volonté de domination », toujours vague et difficile à quantifier, mais plutôt comme le nombre d'actions entreprises en vue de cette domination. Comptons le nombre d'aventures militaires non sanctionnées par l'ONU depuis 2001. Zéro pour la Chine contre une bonne douzaine pour les États-Unis qui ont avoué avoir effectué 26 000 « frappes » de missiles à l'étranger en 2016 (y compris dans des pays contre lesquels ils ne sont pas en guerre !) On ne compte plus les tentatives de déstabilisation, les coups d'État, les blocus, les embargos organisés par le « gendarme du monde » pour plier à ses volontés les dirigeants de presque tous les pays du globe, inventant de toutes pièces un « droit d'ingérence » que l'« hyperpuissance » réserve jalousement à son strict usage. Rien de tel ne peut être reproché à la Chine qui fait affaire avec les dirigeants des divers pays dans le respect des souverainetés respectives.

Dans son célèbre pamphlet L'impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), Vladimir Lénine soutient la thèse selon laquelle le capitalisme tend à concentrer et non à redistribuer les richesses, et c'est le développement de l'oligarchie qui en découle qui provoque l'émergence de l'impérialisme. Il définit l'impérialisme non pas comme une simple volonté de domination coloniale mais plutôt comme « la poursuite par des moyens militaires d'une domination économique ».

La situation présente semble lui donner raison. Même si tous les pays, à quelques rares exceptions, ont adopté un mode de développement capitaliste, on peut constater que seuls se conduisent de manière impérialiste, à des degrés divers, les membres de l'Otan. L'impérialisme occidental est presque toujours inspiré par des motifs bassement mercantiles : derrière l'invasion de l'Irak, le blocus de l'Iran, les diverses interventions armées en Afrique et au Proche-Orient, il est facile de trouver une volonté, inspirée par les banques et les actionnaires des multinationales, d'appropriation de ressources, de sécurisation des approvisionnements ou tout simplement de relance du complexe militaro-industriel. Lorsque ce n'est pas le pétrole de tel ou tel pays « peu coopératif » qui attise les convoitises, ce sont des gisements d'uranium qui doivent être sécurisés ou le tracé d'un oléoduc qu'il convient de rectifier par une intervention armée.

La « guerre au terrorisme » qui embrase un continent après l'autre sert en réalité de paravent à des opérations beaucoup plus prosaïques. Déclarée voici plus de quinze ans, elle a encore de beaux jours devant elle puisqu'elle produit plus de terroristes qu'elle n'en élimine. Il n'est d'ailleurs pas interdit de penser que c'était justement l'objectif de ses initiateurs.

La Chine deviendra-t-elle impérialiste à son tour ? On peut dire que non. Et cela, paradoxalement, grâce à son principe du rôle dirigeant du Parti communiste qui maintient l'autorité de l'État, et donc l'intérêt national, au-dessus des corporations et de leurs visées prédatrices.

 

 

La Chine au présent

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