La vogue
Flash en Chine
LES
animations réalisées avec Flash sont un nouvel art
populaire qui est en vogue en Chine. Flash est un logiciel d'animation
conçu par Macromedia, une compagnie de logiciels des États-Unis.
Au départ, ce logiciel devait être un outil à
l'usage des professionnels de l'ordinateur, mais sa sphère
les a de loin dépassés. La vulgarisation de l'ordinateur
et d'Internet est sans aucun doute la cause de ce phénomène.
À l'heure actuelle, la Chine compte plus de dix millions
d'ordinateurs et quelque 20 millions d'internautes, ce qui forme
un contingent considérable d'amateurs et de producteurs d'animation.
" La scène
Internet "
Lao Jiang est un des producteurs d'animation Flash
les plus connus en Chine. En juin 2000, Rock sur la nouvelle Longue
Marche, une MTV qu'il a conçue avec Flash, a été
téléchargée pas moins de quelques milliers
de fois pendant des jours. Maintenant, il y a au moins 300 000 personnes
qui l'ont vue.
En réalité, Lao Jiang n'est pas âgé,
bien qu'en chinois, lao signifie " vieux ". Il n'a qu'une
vingtaine d'années. Il en est de même pour des autres
noms bizarres comme " Pi San ", " Bai Ding "
et " Xiao Xiao ", qui sont les surnoms des utilisateurs
de Flash et aussi les signatures de leurs ouvrages. Personne n'a
fait remarquer qu'ils devraient adopter des surnoms plus élégants.
Sur Internet, les sobriquets ont un air de liberté et sont
acceptés plus facilement.
C'est grâce à ces jeunes qui aiment vivre sans se poser
de questions que les animations Flash se sont répandues en
Chine. Celles-ci témoignent surtout du désir des jeunes
de s'exprimer et de leur état d'esprit personnel. Jusqu'à
maintenant, elles n'ont pas de touche commerciale.
La
vogue d'Internet, commencée en 1998, a fait apparaître
des dizaines de milliers de sites en Chine et a permis au nombre
de jeunes qui s'étaient lancés dans l'informatique
de connaître une augmentation fulgurante. Dans les universités,
l'ordinateur et Internet ont suscité un intérêt
croissant.
Au début, l'utilisation de Flash ne se limitait qu'au travail.
Mais ces jeunes ont très vite remarqué, qu'à
part les tâches imposées par leurs patrons, ils pouvaient
réaliser leurs propres créations avec Flash. Pendant
un certain temps, faire des petites animations avec Flash est devenu
une mode.
En 1999, lorsque Lao Jiang a commencé à vouloir maîtriser
l'animation Flash, il ne pouvait pas trouver de livre de référence.
Par un bulletin électronique, il a alors procédé
à des échanges et à des essais avec d'autres
amateurs. Son autre moyen : chercher des documents sur les sites
étrangers.
C'est aussi à ce temps-là que Pi San a découvert
Flash. Après seulement une semaine, il s'était déjà
essayé à la " création ". Pour lui
qui apprend la peinture à l'huile, il était difficile
d'imaginer qu'il pourrait accomplir des uvres artistiques
avec Flash, mais celles-ci l'ont rempli de satisfaction.
Si Flash peut devenir un véritable art populaire, c'est qu'il
est un phénomène du peuple. D'abord, c'est facile
à maîtriser. Tant pour les spécialistes de l'ordinateur
que pour les néophytes, ce logiciel n'est pas très
difficile à maîtriser.
Ensuite, comme Flash combine de multiples moyens d'expression, telles
l'écriture, le son, l'image et l'interactivité, l'auteur
peut déployer pleinement sa créativité.
Le facteur le plus important est que Flash est le seul " art
" qui permet à n'importe qui de réaliser un coup
de maître. Pour ces gens, tourner un film serait certainement
un rêve impossible à réaliser, mais faire une
animation avec Flash n'est pas une chose difficile et peut aussi
leur permettre de s'exprimer.
À travers Internet, ces amateurs échangent des points
de vue en profitant de Flash. Personne ne prête attention
à ce que la facture de ces uvres de " classe amateur
" soit belle ou pas ; bien sûr, les " grands maîtres
" comme Lao Jiang et Pi San sont bien appréciés.
Sur la " scène Internet ", chacun est susceptible
de devenir auteur. " Tout le monde peut être un utilisateur
de Flash " est le slogan publicitaire d'un site chinois qui
publie les uvres réalisées avec Flash.
Le caractère populaire
et la commercialisation
Dans
la deuxième moitié de 1999, la Chine a vu apparaître
les premiers sites basés sur la publication des uvres
Flash, dont Flash Empire. À cette époque-là,
sur la liste du classement hebdomadaire établie par ce site,
on ne trouvait que cinq uvres, et le champion d'alors n'avait
reçu que 20 ou 30 votes.
Cependant, deux ans plus tard, chaque semaine, des centaines de
milliers d'uvres sont transmises à Flash Empire, et
c'est aussi chose courante qu'un bon ouvrage remporte mille votes.
En outre, la fréquentation des sites est passée à
plus de 30 par jour.
Plusieurs sites similaires sont bien accueillis. Certains grands
sites d'intérêt général ont eux aussi
ouvert une rubrique spéciale consacrée à Flash.
Ces sites ont offert un forum aux auteurs et aux amateurs de Flash
en Chine. Même aujourd'hui, réaliser et exposer des
animations Flash constituent une expérience personnelle et
sont teintés d'une forte couleur populaire.
Les uvres exécutées avec Flash sont principalement
des MTV, des courts métrages et des jeux. Elles présentent
des styles de toutes sortes, l'humour, la plaisanterie et la satire
étant les plus à la mode. D'autres parlent d'amour
et d'amitié. Pourtant, la plupart ont un style difficile
à décrire, car elles expriment un instant de la vie
de l'auteur. Il y a aussi des uvres érotiques et morbides,
pas trop poussées, puisque la plupart des gens ne l'apprécieraient
pas et qu'elles ne seraient donc pas bien vues.
Tout comme les pirates informatiques, les " flashers "
se considèrent aussi comme des amis aux intérêts
communs dans leurs contacts sur Internet, cet espace virtuel. Ils
cherchent à créer des uvres plus remarquables
que celles des autres, bien que presque personne croie que ces créations
personnelles ont une quelconque valeur commerciale.
En 2001, la Chine a organisé le premier concours national
des uvres Flash. Pendant des mois, l'organisateur a reçu
plus de 4 000 uvres, dont 12 ont été primées
après vote. À la fin d'août, la cérémonie
de remise des prix a eu lieu dans le plus beau théâtre
de Beijing, ce qui démontre que Flash est passé du
peuple au " palais ".
Ce qui a attiré le plus d'attention n'est pas la magnificence
de la cérémonie, bien que plus d'un millier d'amateurs
de Flash de tous les coins du pays y aient participé, mais
le patronage commercial qu'elle a reçu.
Le support de Macromedia n'est pas surprenant, mais celui d'Intel,
le plus grand fabricant de circuits intégrés au monde,
est significatif. Comme le dit l'un de ses hauts officiers, la vogue
Flash a donné une impulsion à la demande de renouveau
des équipements informatiques sur le marché. En même
temps, cela signifie aussi que Flash peut déjà générer
une valeur commerciale en Chine.
Parmi ceux qui ont pris part à la cérémonie,
on trouvait aussi la Société de disques Gunshi, très
influente dans les milieux de la musique. La production de MTV est
considérée comme le premier domaine Flash pouvant
être commercialisé. En Chine, les uvres Flash
de cette catégorie sont aussi les plus appréciées.
Puisque c'est une création impulsive, il est impossible aux
" flashers " de respecter le droit d'auteur des uvres
d'autrui dans leur création, et ce, même pour la plus
remarquable MTV Flash de Chine : Rock sur la nouvelle Longue Marche.
Si remarquable soit-elle au plan de la production et quel que soit
l'accueil favorable qu'elle ait reçu, cette uvre ne
pourrait être commercialisée.
Cette
situation est en train de changer. Quelques excellents producteurs
d'uvres Flash ont déjà été invités
à réaliser des pièces commerciales. Certains
s'en inquiètent. Pour eux, la commercialisation changerait
l'essence même du Flash, de telle sorte que celui-ci perdrait
son mode d'expression populaire, libre et individuel. C'est pourtant
là que réside l'esprit Flash, ce qui lui permet de
se différencier du cinéma, des dessins animés
et des autres formes artistiques. La commercialisation n'évitera
pas l'écueil de produire des uvres Flash empesées
et routinières.
Pourtant, il est fort peu probable que cette inquiétude se
concrétise. Internet offre aux créateurs un espace
très libre, en Chine aussi. Si cet espace existe, les "
flashers " peuvent publier leurs ouvrages. Par conséquent,
le plus préoccupant n'est pas la commercialisation, mais
que, dans le contexte difficile des secteurs liés à
Internet, il y ait des gens qui continuent à offrir aux "
flashers " l'occasion de publier gratuitement leurs uvres.
De toute façon, faire payer l'auteur ou le lecteur ne serait
pas réaliste.
Si cette situation préjudiciable se produit, ce sera très
regrettable, puisque les internautes chinois se sont habitués
à admirer cet " art populaire " libre.
ZHAO JI
|