La Chine et le
Patrimoine culturel et naturel mondial
LES
gens de partout dans le monde ont célébré l'arrivée
du XXIe siècle de manière différente, tout
en aspirant à ce que l'avenir soit éclatant. Pourtant,
au seuil du nouveau siècle, l'existence de recoins obscurs
est incontestable. La voie qui mène l'humanité vers
un monde meilleur est longue et semée de vicissitudes. La
mélodie dominante de la paix et du développement recèle
encore des notes discordantes. Les calamités naturelles et
les désastres causés par l'homme se sont succédé,
des statues de Bouddha en pierre ont même été
endommagées. La destruction du Bouddha géant de Bamyan
a bouleversé le monde.
Bamyan et Losana
Le Bouddha géant de Bamyan en Afghanistan,
d'une hauteur de 53 m, est la plus haute sculpture de Bouddha debout
dans le monde, érigée il y a plus de 1 500 ans. On
ne sait à combien de catastrophes elle avait échappé,
avant de s'effondrer sous les feux d'artillerie des Talibans. Une
autre statue de Bouddha, haute de 37 m et située à
proximité, a subi le même sort. Pourtant, la tragédie
ne s'arrête pas là car les statues de Bouddha en Afghanistan
se trouvent, selon les dires, en grand danger.
Le Bouddha géant de Bamyan, en tant que Patrimoine culturel
mondial, n'est pas étranger aux Chinois. En 632, Xuan Zang,
un moine des Tang (618-907), l'a adoré à son arrivée
à Bamyan, alors qu'il était à la recherche
des canons bouddhiques. Le Datang Xiyu Ji (Récit sur les
contrées de l'Ouest des Tang) en faisait mention.
Ce qui nous console un peu, c'est que " des frères bouddhistes
" à peu près du même âge que lui,
sont encore conservés sur la terre chinoise, dont le Bouddha
géant des monts Leshan et le Bouddha géant Losana
des grottes de Longmen, classés au Patrimoine mondial. Depuis
un millénaire, tout comme Bamyan, ils ont subi maintes calamités
naturelles et de nombreux désastres causés par l'homme.
Maintenant, leur destin ne fait plus problème.
Le Bouddha géant des monts Leshan a été classé
en 1996 sur la liste du Patrimoine mondial. On débuta la
construction de ce Bouddha en 713, début du règne
Kaiyuan de l'empereur Xuanzong des Tang et on l'acheva en 803, 19e
année du règne Zhenyuan de l'empereur Dezong. Agrippée
aux falaises, aux confins des trois fleuves du Sichuan, cette uvre
est une statue de Maitreya assis. Ses 71 m en font la plus grande
statue de Bouddha gravée sur pierre de l'Antiquité
dans le monde. Récemment, les travaux d'aménagement
de la première étape ont été achevés,
ce qui comprenait l'enlèvement des herbes folles et des enduits
de ciment inconvenants sur le corps du Bouddha, l'application d'un
nouveau mortier et la réparation des fissures et des endroits
endommagés.
Quant
à Losana, il jouit encore d'une bonne fortune. Le 18 décembre
2000, une foule énorme inondait Longmen de Luoyang (Henan).
Un tapis rouge s'étendait de la plate-forme, devant Losana,
vers une scène provisoire dressée au milieu de la
rivière Yishui. Les habitants de Luoyang célébraient
dans la solennité l'inscription des grottes de Longmen au
Patrimoine culturel mondial. Avec les grottes de Dunhuang et celles
de Yungang, elles constituent les trois grandes grottes de l'art
bouddhique antique de Chine et sont bien protégées
par l'État.
Débutée en 494, la construction des grottes de Longmen
a duré plus de 400 ans. Sises sur les falaises bordant la
rivière Yishui près de Luoyang, ces grottes conservent
actuellement 1 352 grottes bouddhiques et quelque 700 niches qui
abritent près de 100 000 statues. Celle de Losana, haute
de plus de 17 m et datant de 675, est la statue dont la beauté
est la plus illustre et la plus réputée parmi les
bouddhas en pierre de Chine. Selon la légende, pour flatter
Wu Zetian, impératrice de l'empereur Gaozong des Tang qui
deviendra plus tard souveraine, les surveillants auraient donné
à Losana une ressemblance avec Wu Zetian, qui était
gracieuse, digne et de belle allure. Losana domine l'eau de la rivière
qui coule vers l'est, tout comme Wu Zetian gouvernait le pays avec
sa puissance.
Afin que les grottes de Longmen puissent faire partie du Patrimoine
culturel mondial, les habitants de Luoyang leur ont apporté
un entretien minutieux et ont donné sans compter. Pour remettre
en état les espaces verts, ils ont démoli des édifices
nouvellement construits mais non réglementaires, en investissant
plus de 60 millions de yuans. Leur choix a gagné le respect
du commun des mortels et aussi le titre honorable de Patrimoine
culturel mondial.
Abondantes réserves
du patrimoine
La
Chine est un vaste pays, riche en ressources naturelles. La civilisation
de la nation chinoise est universellement reconnue comme une des
grandes civilisations du monde et comme la seule civilisation ininterrompue
depuis près de 5 000 ans. L'uvre divine de la nature
et le travail et l'intelligence des ancêtres ont laissé
à la nation chinoise un patrimoine naturel et culturel riche
et mystérieux.
Le Shaanxi est l'une des grandes provinces de Chine au plan des
vestiges et des monuments. Une histoire y circulait, il y a des
années. Un jour, un musée local reçut un document
de l'échelon supérieur, lui demandant d'affecter quelques
objets anciens pour une exposition prévue à l'achèvement
du musée provincial. Le chef du musée local s'inquiétait
de ne pas pouvoir récupérer ces objets, mais s'il
n'obtempérait pas aux ordres, il lui serait difficile de
se justifier. Le lendemain, à l'aube, quelqu'un vit le chef
se rendre en dehors du village, avec une pelle de fer et une corbeille.
On lui demanda: " Que faites-vous si tôt?" Tout
en marchant, il répondit avec un sourire amer: " L'échelon
supérieur me demande des objets anciens, je vais aux champs
pour en trouver." Il lui semblait que les pièces archéologiques
du Shaanxi étaient nombreuses comme les ciboules dans les
champs qu'on peut arracher en temps voulu. La légende dit
que cette histoire était bien fondée. Par cette histoire,
on montre que les objets anciens enterrés sont légion
dans le Shaanxi.
Dans les années 50 du XXe siècle, les vestiges de
Banpo du néolithique furent découverts sur le chantier
d'une usine d'électricité. Dans les années
70, les paysans découvrirent les Chevaux et Guerriers en
terre cuite au moment de creuser un puits. Tout fut le fruit du
hasard. Aujourd'hui, c'est différent. Dans les années
90, tel que la loi le prévoit, avant la mise en chantier
des routes spéciales de l'aéroport international de
Xianyang, une équipe archéologique a été
stationnée dans la zone des tombeaux des Han qui faisait
partie de la sphère du chantier, afin de procéder
à des études archéologiques. Elle a fini par
lever le voile du mystère du tombeau Yangling de l'empereur
Jingdi des Han, couvert des poussières de plus de 2 100 ans,
et elle a accompli de grandes réalisations. Les autres provinces
qui renferment aussi un grand nombre d'objets anciens comme le Shaanxi
sont le Shanxi, le Henan, etc.
Au
Henan, bien qu'on n'entende pas d'histoires sur le ramassage d'objets
anciens avec une corbeille sur le dos, donner un coup de pied et
déterrer par hasard des fragments d'une poterie d'il y a
plus de 2 000 ans est chose normale. Yanshi, un district sans histoire,
en est un exemple frappant. Les pièces archéologiques
qu'il a léguées au pays peuvent se compter sur les
doigts de la main, tant pour leur importance que pour leur quantité.
Les vestiges de Erlitou, les fondements essentiels des Xia, des
Shang et des Zhou, les trois époques les plus anciennes de
l'histoire de la Chine, s'y trouvent. Dans le sol de champs qui
semblent ordinaires sont enterrés quantité d'objets
anciens, dont la capitale des Xia que l'on peut faire remonter à
l'an 2070-1600 av. J.-C.
Lü Buwei, premier ministre des Qin qui aida l'empereur Shihuangdi
à unifier la Chine et à monter sur le trône,
fut inhumé à Yanshi et son tombeau existe encore.
Xuan Zang des Tang, qui partit à la recherche des canons
bouddhiques dans les contrées de l'Ouest, était originaire
de Yanshi et son ancienne résidence a été restaurée.
Y restent encore l'emplacement de l'Observatoire de Zhang Heng,
homme de science des Han, il y a plus de 1 800 ans, et la sculpture
sur pierre autographiée par Wu Zetian, qui est en bon état
de conservation. Les vestiges sont trop nombreux pour être
comptés. Malgré ses vestiges de si grande importance,
Yanshi n'est pas très en vue dans le Henan, puisqu'on n'y
compte pas moins de dix districts et villes similaires.
Le Shanxi abrite actuellement plus de 35 000 sites archéologiques
sur le terrain, quelque 500 000 objets anciens collectionnés
dans les musées, 56 unités de sites protégés
par l'État et cinq célèbres cités historiques
et culturelles du pays. Le Henan est aussi la province ayant le
plus d'édifices antiques conservés actuellement en
Chine. De l'époque des Tang à l'ère moderne,
les temples, couvents, palais, pavillons, terrasses, anciennes résidences
de mandarins, prisons, pagodes et ponts sont omniprésents,
pour atteindre quelque 18 000. Parmi eux, bon nombre de chefs-d'uvre
représentatifs de leur époque ; citons le temple Suspendu,
le temple de Guanyu de Xiezhou, le plus grand du genre de Chine,
la pagode en Bois de Yingxian (construite en 1056 et haute de plus
de 67 m ), la structure en bois la plus ancienne et la plus haute
au style de pagode existant actuellement en Chine. Les anciennes
résidences populaires du Shanxi sont non seulement nombreuses,
mais sont aussi dotées d'un trait distinctif et en bon état
de conservation. La grande cour des Qiao de Qixian est connue partout,
alors que celle des Wang de Lingshi, qui vient d'être découverte,
a une envergure plus grandiose et une architecture plus raffinée,
si bien que des experts la qualifient de " trésor national,
trésor humain et trésor inestimable ".
En
1997, lorsque la Cité antique de Pingyao a été
classée au Patrimoine culturel mondial, le jury international
était d'avis qu'elle est un exemple remarquable des cités
de la nationalité han à l'époque des Ming et
des Qing, qu'elle a conservé toutes ses caractéristiques
et qu'elle révèle un panorama extraordinaire du développement
culturel, social, économique et religieux du développement
historique de la Chine.
Les grottes de Yungang, l'une des trois grandes grottes de Chine,
se trouvent en banlieue de Datong (Shanxi). Datant de l'an 460,
elles sont des grottes d'envergure qui ont été creusées
assez tôt en Chine du Nord. La plupart étaient terminées
vers l'an 494, et elles renferment en tout 51 000 petites et grandes
statues de bouddhas. Pour protéger cet art antique, le gouvernement
a investi quelque 200 millions de yuans pour changer la route nationale
qui passait devant les grottes et construire une ligne touristique
spéciale du tronçon de Yungang. Maintenant, les documents
destinés à inscrire les grottes de Yungang à
la liste du Patrimoine mondial ont été remis au Bureau
d'État de l'administration des musées et du patrimoine
culturel.
La coexistence et les
bénéfices réciproques
À l'heure actuelle, le monde compte plus
de 600 endroits classés au Patrimoine mondial, et la Chine
en a 27.
Pour un pays dont le patrimoine est si riche, c'est un chiffre infime.
Les raisons sont multiples. D'une part, l'entretien et la protection
du patrimoine, ainsi que la standardisation et la construction des
sites exigent de gros investissements, ce qui est sans aucun doute
une lourde charge pour un pays en développement comme la
Chine. Pour figurer au Patrimoine mondial, il y a des critères
stricts qui dépendent du temps et du développement
économique. D'autre part, l'histoire a entraîné
un retard des connaissances et du travail de préservation.
En 1972, lorsque Paris a adopté la " Convention pour
la protection du Patrimoine mondial, culturel et naturel ",
la Chine se trouvait aux prises avec les désordres de la
révolution culturelle (1966-1976). Les vestiges et les monuments
historiques, ainsi que les hautes montagnes et les grands fleuves
étaient soit tombés en décrépitude soit
abandonnés.
Après
la révolution culturelle, la Chine s'est engagée sur
la juste voie de la croissance accélérée. En
novembre 1985, le gouvernement chinois a décidé d'adhérer
à la " Convention pour la protection du Patrimoine mondial,
culturel et naturel ". En décembre 1987, six sites,
dont la Grande Muraille, ont été les premiers à
faire partie du Patrimoine mondial.
Maintenant, beaucoup de Chinois ont réalisé que bien
protéger les patrimoines légués par la nature
et les ancêtres est une responsabilité qu'ils doivent
assumer face aux autres peuples. De plus, ces patrimoines, qui ont
reçu une reconnaissance de classe mondiale, leur ont apporté
non seulement l'honneur, mais aussi des retombées économiques
considérables. Par exemple, bien progéter depuis des
centaines d'années la Cité antique de Pingyao a permis
aux habitants du Shanxi d'être payés de retour. Après
son classement au Patrimoine mondial en 1997, rien que pour le tourisme,
le revenu annuel est passé de 180 000 yuans à plus
d'un million de yuans. L'aspect de la ville et l'état d'esprit
des habitants se sont améliorés.
Aujourd'hui, tout ce qui touche au patrimoine culturel a vu sa cote
monter au plus haut en Chine, et dans certains endroits, il y a
même eu des différends. Par exemple, dans tous les
coins du pays, surgissaient tout d'un coup plusieurs tombeaux de
Du Fu, grand poète des Tang, et chacun avait sa version de
l'affaire.
Le cur de la Convention du Patrimoine mondial est la protection
en commun. Cette notion a gagné de jour en jour l'attention
des Chinois, et le patrimoine culturel est considéré
comme une richesse. Bien sûr, ceux qui portent atteinte à
ce patrimoine seront punis.
On dit que, à l'heure actuelle, la Chine compte une trentaine
de sites classés sur l'inventaire préparatif du Patrimoine
mondial, et quantité de nouveaux endroits ont adressé
leur demande.
La Chine a déployé des efforts pour sauvegarder le
Bouddha géant de Bamyan et regrette vivement sa destruction.
Mais ce qui est source de consolations pour tous, c'est que la Chine
veut bien et est en mesure de contribuer à remédier
à la perte des trésors du patrimoine mondial et à
enrichir et à développer continuellement cette cause.
HUO JIANYING
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