CHINAHOY

9-March-2016

Qu' apporte la réforme structurelle axée sur l'offre ?

 

HU JIANGYUN*

La Conférence centrale sur le travail économique qui s'est tenue en décembre 2015 a indiqué que l'accent serait mis, pendant l'année 2016 ou pour une période un peu plus longue, sur une réforme structurelle axée sur l'offre, tout en prenant des mesures suffisantes de stimulation de la demande. La réunion a souligné que cette réforme structurelle est une nécessité pour s'adapter à la nouvelle normalité de l'économie chinoise.

La question est maintenant de savoir quelles sont les raisons du lancement de cette réforme et la façon dont cette réforme sera mise en pratique.

La réforme est urgente

Avec la réforme de 1978, la Chine a entamé la refonte de ses campagnes et de ses entreprises publiques, elle a pratiqué la gestion forfaitaire, la gestion d'entreprise à durée déterminée, et le système de responsabilité des directeurs d'usine. Le pays a mis en place quatre zones économiques spéciales : Shenzhen, Zhuhai, Xiamen et Shantou. En 1984, la Chine a désigné 14 villes dont Dalian et Qinhuangdao comme villes côtières ouvertes sur l'étranger et zones de développement économique et technique. Enfin en 1988, elle a conféré à la province de Hainan le rang de zone économique spéciale, stimulant l'enthousiasme des travailleurs.

En 1992, l'objectif lancé par la Chine pour la réforme de son système économique fut de mettre en place un système d'économie de marché socialiste. Les produits, qui étaient autrefois de piètre qualité et produits en quantités insuffisantes, sont devenus variés et abondants. Lors de la crise financière asiatique, la Chine est passée d'un marché de vendeurs à un marché d'acheteurs. Les investissements étrangers ont été autorisés et le commerce de la sous-traitance s'est développé rapidement, faisant de la Chine « l'atelier du monde ». Selon les statistiques, la Chine détient le premier rang mondial pour la production de 220 catégories de produits, dont la plupart des produits agricoles et industriels. La Chine a produit une grande quantité de biens destinés au marché intérieur et a pratiquement résolu le problème de la pénurie de marchandises.

À la suite de la crise financière 2008, la reprise de l'économie mondiale a été faible, et l'économie de nombreux pays n'a pas retrouvé le niveau qui était le leur avant la crise, d'où une demande affaiblie. Mais le marché intérieur chinois possède toujours un vaste potentiel de croissance. D'après les statistiques de la Banque mondiale, la Chine figure parmi les pays à revenu intermédiaire et supérieur : en 2014 le revenu moyen annuel par habitant atteignait 7 400 dollars, 13 170 dollars pour le revenu calculé à parité de pouvoir d'achat. Selon des statistiques publiées en octobre 2015 par le Crédit Suisse, 109 millions de Chinois possèdent un revenu moyen, tandis que 360 millions gagnent entre 10 000 et 100 000 dollars par an et 23 millions se situent dans la fourchette entre 100 000 et 1 million de dollars par an. Sans compter 1,33 million de personnes au revenu annuel dépassant le million de dollars.

Avec l'augmentation de leurs revenus et l'amélioration de leur niveau de vie, les Chinois sont devenus plus exigeants envers la qualité des produits et services. Les consommateurs, surtout les plus aisés, se soucient non seulement des prix, mais aussi de la qualité, de la sécurité des aliments et du service accompagnant les produits. Cependant, la qualité des biens et services produits en Chine est loin de toujours satisfaire ces attentes. L'intégration du marché intérieur est lente et les barrières du marché ne sont pas toutes levées. De plus en plus de consommateurs achètent des produits de qualité étrangers par des transactions transfrontalières sur Internet ou lors de voyages à l'étranger.

Face à cette clientèle au fort pouvoir d'achat, les entreprises chinoises sont incapables de fournir des produits et des services de qualité suffisante. Même lorsqu'elles y parviennent, toutes sortes de problèmes, comme les coûts élevés, viennent miner leur position. Tout cela montre que la structure de l'offre n'est pas adaptée. La réforme structurelle initiée par le gouvernement chinois a pour objectif de promouvoir un développement durable, à la fois économique et social.

Accroître l'offre utile

Selon les règles fondamentales de l'économie, le marché est constitué de deux facteurs : l'offre et la demande. Le point de vue basé sur l'offre considère que l'offre peut créer une demande correspondante. Cette opinion suppose une répartition optimale des facteurs tels que la main d'œuvre, la terre, les matières premières, les capitaux, les techniques, l'innovation, utilisés pour fournir ces produits et ces services. L'autre point de vue, axé sur la demande, affirme que c'est la demande qui décide du développement économique et que la compétition juste et non faussée et le plein emploi sont les conditions idéales de l'économie de marché. Lorsque la demande est insuffisante, on peut la stimuler par un accroissement des investissements, une relance de la consommation et la promotion du commerce extérieur, de sorte à réaliser l'équilibre entre l'offre et la demande, et le développement économique et social.

Ces deux opinions ont chacune leurs limites, puisque leur mise en œuvre nécessite un environnement politique, économique et social adapté.

Depuis la crise financière en 2008, les différents pays ont adopté des mesures orientées vers la demande et accru leurs investissements. De cette façon, ils ont résolu le problème de l'insuffisance de la demande effective à court terme en créant plus d'emplois et en stimulant la reprise de l'économie. Pourtant, au fil du temps, l'endettement des gouvernements locaux s'est alourdi dans certaines régions, le coût de transactions s'est accru ; les accidents liés à la qualité des produits se sont multipliés. Des incidents qui ont ébranlé la confiance des consommateurs dans les produits nationaux, plaçant le développement devant un dilemme.

C'est pourquoi à l'heure actuelle l'économie chinoise doit résoudre le problème de la demande, mais aussi celui de l'offre. Pour encourager la réforme structurelle du côté de l'offre, il faut d'abord assurer la mise en place du système d'économie de marché, et guider le développement du marché par les règles de prix définies par l'offre et la demande ; deuxièmement, il faut pousser le gouvernement à exercer son pouvoir en vertu de la loi et guider le marché, sans remplacer le marché, ouvrir les secteurs concurrentiels la plus large possible, accroître les investissements dans les secteurs du service public pour offrir un service public de qualité à l'ensemble de la société ; troisièmement, le gouvernement doit réduire les barrières existant sur le marché, promouvoir l'intégration des marchés extérieur et intérieur, réduire le coût de transaction, aider les acteurs principaux du marché à répartir les ressources nationales ou internationales, encourager le progrès et l'innovation des techniques afin d'améliorer la compétitivité des acteurs principaux du marché et la qualité des services ; quatièmement, il faut réduire le plus possible le coût des différents facteurs, inciter les acteurs principaux du marché à accroître l'efficacité de leur production et la qualité de leurs produits pour favoriser la restructuration et l'optimisation des structures économiques.

Intégration des marchés intérieur et extérieur

Fin 2015, le gouvernement chinois a annoncé les axes principaux de son action pour 2016 : l'élimination des surcapacités de production, l'écoulement des stocks, le deleveraging, la baisse des coûts de production et le renforcement des maillons faibles. Trouver des moyens de mettre en œuvre la réforme structurelle axée sur l'offre est une tâche urgente et concrète à laquelle nous faisons face.

La qualité des produits et des services est cruciale pour la compétitivité internationale des entreprises. C'est pourquoi la Chine doit accorder de l'importance à la qualité des produits et des services. Au niveau national, les autorités compétentes diffusent et font appliquer les lois, comme par exemple la loi sur la qualité des produits, la loi sur la sécurité alimentaire, la loi sur les brevets d'invention, la loi sur le droit d'auteur, la loi sur la marque de fabrique, la loi contre la concurrence déloyale. Le pays va améliorer davantage les lois et règlements concernant la qualité, la sécurité, la propriété intellectuelle et la concurrence, et surtout intensifier les efforts pour sanctionner les infractions. La réforme structurelle axée sur l'offre doit fournir un système légal complet à la population pour garantir la qualité des produits et des services tant dans les villes que dans les régions rurales.

Le gouvernement chinois accélère son action visant à lever les barrières existant sur les marchés intérieur et extérieur. La Chine a signé avec certaines entités économiques des accords de libre-échange et promu la construction des nouvelles Routes de la Soie terrestre et maritime. Dans ce cadre, elle a conclu avec des pays le long des deux Routes des mémorandums de coopération sur les capacités de production pour fournir des opportunités et des marges de manœuvre à la restructuration et la mise à niveau des industries chinoises. Par exemple, en 2016, les accords de libre-échange avec la Corée du Sud et avec l'Australie sont entrés en vigueur, une forte baisse des droits de douane est prévue et les brrières non tarifaires sont levées. À l'heure actuelle, la Chine et l'ASEAN mènent des négociations visant à renouveler l'accord de libre-échange existant. Tout cela est favorable à la reconversion des entreprises chinoises et l'amélioration de leurs services.

Au niveau national, en 2016, le pays va poursuivre la stratégie visant à intégrer le développement de Beijing, de Tianjin et du Hebei, ainsi que la stratégie dite de la ceinture économique du Yangtsé, dont la tâche primordiale est de promouvoir l'intégration du marché régional, de faciliter le transport, de réduire le coût du transport qui entraînera au final une réduction du coût des produits et des services de qualité qui jouissent d'un grand crédit sur le marché des métropoles telles que Beijing.

Dans cette nouvelle situation économique, la Chine et les autres pays ont connu des changements considérables tant dans le domaine de la production que dans celui de la consommation. L'offre des produits moyens est supérieure à la demande. Mais les produits et les services personnalisés, fabriqués sur mesure et dans l'intérêt du public ne parviennent pas à suffire à la demande. Les gouvernements locaux doivent établir et améliorer activement les services publics dans les quartiers résidentiels comme dans les régions rurales, qu'il s'agisse des soins médicaux, de la culture, de l'éducation ou du sport afin de résoudre le problème de l'insuffisance de ces services.

En ce qui concerne les PME, le gouvernement chinois doit agir sur trois fronts. Premièrement, établir des plates-formes publiques, abaisser les charges, encourager les PME à améliorer leur niveau technique et à innover. Deuxièmement, créér des opportunités pour permettre aux PME à s'établir sur le marché. Troisièmement, leur accorder des soutiens financiers.

Il faut encourager les entreprises à éliminer leurs surcapacités de production, écouler leurs stocks, modérer l'effet de levier financier. Les capacités de production excédentaires impliquent une faible productivité. Les stocks en quantité excessive suggèrent que les produits ne sont pas suffisamment compétitifs. La réforme structurelle axée sur l'offre demande aux acteurs principaux du marché d'innover. Certaines entreprises situées dans les régions côtières comme Shenzhen et Shanghai innovent, surtout depuis la crise financière internationale. Profitant de la circulation relativement libre des facteurs de production dans le contexte de la mondialisation, ces entreprises utilisent les techniques d'Internet basées sur le Big data, réorganisent les maillons de la chaîne industrielle, de sorte qu'elles atteignent les objectifs de réduction des surcapacités de production, de déstockage et de réduction des coûts. Selon les statistiques du ministère du Commerce, les touristes chinois ont dépensé à l'étranger 1 000 milliards de yuans en 2014 et 1 200 milliards de yuans en 2015. Nous estimons que si la réforme structurelle axée sur l'offre est achevée, les produits chinois pourront remplacer au moins une partie de cette consommation des Chinois à l'étranger. Le « made in China » y gagnera des parts de marché.

 

* HU JIANGYUN est chercheur du centre de recherches sur le développement du Conseil des affaires d'État.

 

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