CHINAHOY

8-March-2016

XIIIe Plan quinquennal : des opportunités pour l'Europe

 

WANG YIWEI*

 

« La Chine a un plan quinquennal, un plan décennal, et aussi les Objectifs des deux centenaires. Elle pense à ce qui doit être fait sur les dix ans à venir, et même cinquante ans lorsqu'elle remplit son plan sur cinq ans. Alors qu'en Europe, l'horizon est la prochaine élection : un mois, un an... » Bien des Européens envient le mode chinois.

Le XIIIe Plan quinquennal, dernier en date des plans quinquennaux du premier objectif centenaire, attire les regards des Européens. À l'occasion de la tenue des « deux sessions » dédiées à son examen, Les Échos écrivent : « L'initiative ''une Ceinture et une Route'' fournit une nouvelle idée au monde qui, depuis la fin de la guerre froide, n'a plus de programme de développement commun, et qui a essuyé un échec dans la tentative de démocratisation libérale par la force. Une idée qui va remplir les vides humain, politique et économique entre l'Europe et l'Asie orientale qui sont deux « pôles de prospérité ». Dans un article publié sur un site Internet d'informations allemand,on peut lire : « Le démarrage du programme ''une Ceinture et une Route'' signifie que la Communauté économique eurasienne est en train de naître ; le fait que l'Europe participe à de plus en plus de projets en Asie fournit une nouvelle vitalité à l'économie européenne.

Le XIIIe Plan quinquennal chinois est d'une importance capitale tant pour la Chine que pour la coopération et les échanges sino-européens.

2016 marque le début du XIIIe Plan quinquennal, et c'est aussi l'année où l'initiative « une Ceinture et une Route » sera promue de manière globale. Ce plan quinquennal apportera trois opportunités pour l'Europe :

Tout d'abord, une opportunité de croissance. Le nombre des Chinois voyageant à l'étranger a dépassé pour la première fois 100 millions en 2015, ce qui met la Chine à la première place depuis trois années consécutives ; cette même année, le nombre de touristes étrangers en Chine a atteint 26 millions ; l'investissement direct chinois à l'étranger, aux alentours de 118,02 milliards de dollars, était en hausse de 14,7 % sur l'année précédente ; des chiffres qui sont appelés à continuer d'augmenter durant le XIIIe Plan quinquennal, créant d'énormes opportunités sur le marché européen. La Chine est en train de promouvoir le développement durable, un secteur dans lequel l'Europe possède des avantages technologiques, et qui est par conséquent un partenaire prioritaire. Par ailleurs l'Europe dispose d'une expérience considérable dans la formation professionnelle et la santé qui font référence en Chine.

Le XIIIe Plan quinquennal prévoit la création d'une voie internationale destinée au commerce électronique et la formation d'un secteur du circuit intégré. Le soutien de l'État à l'intelligence artificielle, aux équipements intelligents, aux nouveaux affichages, aux terminaux mobiles intelligents, à la téléphonie mobile de cinquième génération (5G), aux capteurs avancés et aux dispositifs portables, fera de tous ces secteurs de nouveaux pôles de croissance. La Chine qui se targue de l'avantage d'être le pionnier dans la 5G, coopère avec l'Europe pour en définir les contours, dans la mesure où la technologie de la 5G est également le pilier du marché numérique unique de l'Union européenne, et où elle est liée au développement industriel de l'avenir, à la modernisation des services publics, ainsi qu'à l'innovation et à l'application dans la connexion automobile, la « ville intelligente » et les services médicaux mobiles. Selon les estimations, d'ici 2020, 70 % de la population mondiale possèdera un smartphone, et quelques 26 milliards d'équipements connectés seront en circulation. Les sociétés chinoises Huawei et ZTE, les européens Nokia et Siemens se trouvent à l'avant-garde de la technologie 5G, et leur coopération est exemplaire de la coopération gagnant-gagnant entre la Chine et l'Europe pour la croissance de part et d'autre de l'Eurasie.

Deuxièmement, c'est une occasion pour l'innovation. Dans le monde d'aujourd'hui, la nouvelle révolution industrielle et la restructuration industrielle se dessinent, l'enjeu de la concurrence entre les nations réside dans l'innovation, qui représente un moyen important de réduire l'écart entre les pays du Nord et du Sud. La Chine, leader de l'innovation, veut coiffer sur le poteau ses concurrents ; mais les pays doivent faire face ensemble aux questions du changement climatique et de la transformation énergétique, puisque le monde entre progressivement dans l'époque de la révolution industrielle écologique. La coopération sino-européenne sur l'innovation, dont la convergence entre les programmes « Fabriqué en Chine 2025 » et « Fabrication industrielle 4.0 » allemande est le symbole, offre un énorme potentiel.

Les domaines d'innovation avancée du XIIIe Plan quinquennal sont les moteurs d'avion et les turbines à gaz, la communication et l'ordinateur quantiques, l'utilisation propre et efficace du charbon, le réseau informatique d'intégration du ciel et de la terre, les programmes aéronautiques, la recherche sur les machines-outils à commande numérique haut de gamme. Le plan prévoit encore la construction d'un certain nombre de nouvelles villes intelligentes exemplaires, de villes écologiques, de villes-jardins écologiques, ainsi que villes forestières. C'est par ces domaines qu'agit l'innovation européenne, et l'Europe est plus ouverte dans l'innovation en coopération avec la Chine qu'avec les États-Unis et le Japon. Sa volonté de coopérer avec la Chine est plus forte, ce qui devrait ouvrir de larges perspectives d'avenir pour le partenariat d'innovation entre la Chine et l'Europe.

Enfin, une chance pour la gouvernance. Les attentes de l'Europe sur le XIIIe Plan quinquennal se reflètent non seulement dans le plan visible mais aussi dans l'invisible. Les idées de développement avancées par la Chine, qu'il s'agisse de l'innovation, de la coordination, de l'écologie, de l'ouverture ou du partage, présentent un grand nombre de points communs avec celles de l'Europe.

Durant le XIIIe Plan quinquennal, la Chine assumera plus de responsabilités et d'obligations internationales et participera à la gouvernance mondiale. Conformément aux principes de responsabilité commune mais différenciée, de l'équité et des capacités respectives, elle participera aux négociations sur la lutte mondiale contre le changement climatique, et mettra en œuvre ses engagements de réduction des émissions polluantes. En ce qui concerne son propre développement, la Chine devra fonder son action sur la construction d'une société économe en ressources et respectueuse de l'environnement pour aboutir à l'harmonie entre les contraintes écologiques et toutes les autres contraintes. La Chine va également promouvoir sur le plan international un commerce respectueux de l'environnement et lancer des coopérations internationales sur l'écologie en vue de favoriser l'édification d'une civilisation écologique et en accord avec les idéaux européens. Dans le monde d'aujourd'hui, le changement climatique est désormais considéré comme un défi mondial. Suivant la philosophie selon laquelle « il faut mettre l'action en conformité avec la pensée », le gouvernement chinois a agi et consenti des efforts énormes sur le plan du rêve chinois, de la transition de son mode de développement économique, de la restauration des avantages comparatifs de l'économie internationale, ainsi que de sa responsabilité internationale. De grands succès ont été enregistrés. Dans le domaine du changement climatique, la Chine et l'Europe empruntent l'une à l'autre. C'est-à-dire qu'elles se servent de la transition du mode de développement économique, des efforts communs pour créer un nouvel ordre international, et des « cinq communications » de l'initiative « une Ceinture et une Route » (la communication des mesures, l'interconnexion des installations, le commerce libre, la circulation des fonds et l'affinité d'âme entre les peuples).

Après l'échec de la Conférence de Copenhague en 2009, l'influence européenne sur la question du climat a été durement remise en cause. Une série d'accords, dont la Déclaration conjointe des chefs d'État chinois et américain sur les changements climatiques, ont aussi créé une grande pression sur l'Europe. La France et d'autres pays ont fait de bons offices diplomatiques en préparation de la Conférence sur le climat de Paris 2015. Dans le contexte de la crise des réfugiés et de nombreuses autres difficultés, la Conférence climatique a abouti au Pacte de Paris. Un succès qui prouve que l'Union européenne peut encore jouer à l'occasion un rôle de leader dans le monde. Le développement durable de la Chine contribuera à la mise en œuvre des engagements pris lors de la conférence. La Chine va assimiler progressivement l'expérience du développement écologique européen et faire face, avec l'Europe, à ses responsabilités et à ses obligations dans le domaine du changement climatique afin de garantir le droit de l'humanité le plus fondamental : la survie.

La crise des réfugiés et les menaces d'attentats terroristes auxquelles est confrontée l'Europe s'aggravent. Il faut renforcer la coordination et la coopération sur les questions concernant la paix, la sécurité et le développement et jouer son rôle comme il se doit. Si la Chine parvient à promouvoir efficacement l'initiative « une Ceinture et une Route » en Europe et si elle et l'Europe renforcent leur coopération, se complètent mutuellement pour développer l'économie, la tendance morose qui se présente en Europe depuis la crise de la dette pourra être progressivement modifiée et les facteurs d'instabilité affectant la société européenne seront éliminés par une résolution fondamentale du problème. Autre priorité dans le nouveau plan quinquennal, la Chine va développer ses équipements et les systèmes destinés à l'exploration des abysses, au forage océanique, à l'exploitation et l'utilisation des ressources sous-marines et à la garantie des opération en mer, et encore promouvoir le développement de la station habitée en mer profonde, le développement de grandes structures flottantes et d'infrastructures destinées à former progressivement un système de surveillance tridimensionnel de l'océan mondial. L'Europe, berceau de la civilisation océanique moderne et point d'arrivée de la Route de la Soie maritime, est le meilleur partenaire de la Chine dans ce domaine.

L'ouverture de la Chine est principalement dirigée vers les pays occidentaux et du Sud-Est asiatique. Mais avec le retour des États-Unis en Asie-Pacifique, le mode d'ouverture traditionnel de la Chine est mis à rude épreuve. Le pays doit désormais réorienter son attention vers le Nord-Ouest et l'Europe, destination de l'ancienne Route de la Soie. L'Europe, qui fait face encore à une crise des réfugiés qui suit de près la crise de la dette et celle de l'Ukraine, présente des conditions objectives et des aspirations subjectives pour coopérer avec la Chine. La coopération entre la Chine et l'Europe, les deux extrémités de la Ceinture et de la Route, est particulièrement importante.

Les pays européens possèdent des technologies de pointe, tandis que la Chine a de fortes capacités dans la fabrication et la mise sur le marché des technologies de pointe. Seule la combinaison des deux parties peut éviter une concurrence stérile et ouvrir un plus grand marché. La coopération sino-européenne dans le développement des marchés tiers reflète les effets systémiques de la coopération internationale en matière de capacité de production et offre de vastes perspectives. Un exemple typique peut être trouvé dans la technologie nucléaire française qui s'exporte dans le monde et représente 80 % de la production électrique en France, alors que 37 % centrales nucléaires en construction dans le monde sont chinoises. La Chine possède un savoir-faire de construction et de gestion des plus aboutis ; la coopération sino-française sur le marché international de l'énergie nucléaire représente un emploi optimal des synergies. Les équipements nucléaires chinois à l'excellent rapport prix/performance et bénéficiant d'un noyau nucléaire optimal et sûr de conception française ont gagné le marché de l'énergie nucléaire du Royaume-Uni pour un bénéfice non pas bilatéral, mais tripartite.

En outre, le positionnement stratégique de l'ouverture et du développement dans le XIIIe Plan quinquennal visera à favoriser l'ouverture à double sens de la Chine et du reste du monde, pour une répartition optimale des ressources internationales et la fusion profonde du marché. La jonction entre l'intiative « une Ceinture et une Route » et le « plan Junker » revêtira une signification très importante. Bien que les deux plans se situent sur des plans différents, les deux parties peuvent parvenir à une interconnexion. Cela devrait encourager la négociation d'accords d'investissement sino-européens, mais aussi offrir des possibilités de coopération dans la réindustrialisation de l'Europe, la reconstruction des réseaux ferroviaires et des ports, à l'établissement d'un marché unique de l'énergie, ainsi que d'un marché unique du numérique. L'initiative « une Ceinture et une Route » vise à établir des liaisons énergétiques et des transports traversant l'Eurasie et à réaliser une interconnexion par voies ferrées, routes, gazoducs et oléoducs, sans oublier l'Internet ni les infrastructures portuaires. Les entreprises chinoises quant à elles, en particulier dans le secteur bancaire, pourront participer au plan Juncker par l'intermédiaire de la technologie et de l'investissement, pour produire un effet de démonstration. La Chine et l'Europe pourraient promouvoir la création d'une zone de libre-échange par la fusion de leurs plans respectifs. Dans le même temps, le fait que les Européens participent à la construction d'une Ceinture et d'une Route par le biais de projets BOT (build operate and transfer) et PPP (partenariat public-privé) peut aussi contribuer à cette convergence. Comme l'Europe est le produit d'une gouvernance multi-niveaux, il est nécessaire de prendre contact avec tous les organes dirigeants de l'Europe (l'UE, mais aussi les gouvernements, les collectivités locales et le public). Enfin, il faut noter la fusion entre les nécessités et les normes. La Chine et l'Europe doivent établir des mécanismes normatifs permettant d'assurer au mieux la fusion des deux plans par l'investissement, l'économie et le commerce. La Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB) est un élément important du plan « une Ceinture et une Route ». Depuis l'adhésion du Royaume-Uni à l'AIIB l'année dernière, d'autres pays européens comme la France, l'Allemagne et l'Italie l'ont imité. Cela renforce l'effet global de ce programme et accroît la confiance des peuples dans les relations sino-européennes.

En bref, les cinq idées de développement, innovation, coordination, écologie, ouverture et partage et leur mise en œuvre conduiront à la montée en gamme et au renouvellement de la coopération sino-européenne. Tout cela est très attendu.

 

*WANG YIWEI est directeur du Centre de recherche de l'Union européenne de l'université Renmin de Chine et professeur. 

 

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