CHINAHOY

9-October-2016

G20 à Hangzhou : tournant de l’histoire ?

 

Les invités du G20 admirent un spectacle au parc du lac de l'Ouest.

 

ZHENG RUOLIN*

 

Le Sommet du G20 s'est tenu à Hangzhou dans le Zhejiang (Est de la Chine) du 4 au 5 septembre. Pour la première fois, les chefs d'État des vingt premières puissances du monde étaient rassemblés à Hangzhou pour discuter la question de l'avenir du monde.

 

Une ère nouvelle pour la Chine ?

 

Si les Chinois sont fiers et heureux de cette présidence chinoise au Sommet du G20 de cette année, ils se rappellent que la Turquie a été le pays hôte en 2015, et avant elle le Mexique, la République de Corée et d'autres pays encore, avaient joué ce même rôle. Cela doit aider à relativiser l'importance de la présidence chinoise qui ne devrait pas égaler celle de la première organisation des JO en Chine en 2008 ou de la première Exposition universelle sur le sol chinois en 2010, des dates qui représentent deux jalons symboliques pour le pays. Cette fois, la présidence du sommet est simplement due au système de présidence tournante du G20.

 

Pourtant, en tant que pays hôte, la Chine a proposé le thème du Sommet : « Construire ensemble une économie mondiale innovante, dynamique, interactive et inclusive » et mis un point d'honneur à inviter des représentants de pays en voie de développement tels que le président vietnamien de l'ASEAN, celui de l'UA qui est tanzanien et le président thaïlandais du G77. D'autre part, elle a fait du G20, mécanisme international de gestion de crises, un mécanisme de gouvernance économique mondiale, ce qui fait du Sommet du G20 à Hangzhou un tournant historique. D'après Ban Ki-Moon, secrétaire général de l'ONU, on a été témoins lors du Sommet de Hangzhou du leadership de la Chine. Il est vrai que pour la première fois, sous la direction de la Chine, ce Sommet du G20 « s'est focalisé sur les moteurs de croissance mondiale à long et moyen terme, a mis en exergue pour la première fois le problème du développement dans le cadre mondial des politiques macroéconomiques, défini pour la première fois les domaines prioritaires et un ensemble de principes directeurs et d'indicateurs des réformes structurelles, et élaboré un premier cadre réglementaire mondial sur les investissements multilatéraux », sans compter quelques avancées historiques sur l'agenda du développement durable et du changement climatique. La Chine, qui a également proposé en grande pompe à l'économie mondiale un « remède chinois », s'est posée véritablement en guide de la direction future du monde… Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, les médias chinois ont largement couvert ce sommet, exprimant leur fierté et leur joie de le voir couronné de succès. Pour eux, ce Sommet du G20 sortait de l'ordinaire. Cette fois, il était rendu exceptionnel et coloré par la présidence chinoise qui s'y déployait sous toutes ses formes. Que les pays occidentaux l'acceptent ou non, le Sommet du G20 de Hangzhou marque réellement une ère nouvelle pour la Chine, mais aussi pour la plupart des pays en voie de développement, en particulier les pays africains.

 

Huit ans de crise mettent la Chine au centre de la scène internationale

 

La crise économique mondiale de 1929 avait été suivie, dix ans plus tard, par la Seconde Guerre mondiale. En 2008, une crise financière américaine a entraîné une crise économique mondiale, qui fut le prétexte de la tenue du premier Sommet du G20. Huit ans plus tard, la crise mondiale n'est pas résolue et semble même s'aggraver. Alors que la situation économique de bien des pays se détériore, le Sommet du G20 s'est réuni à Hangzhou.

 

Il est clair qu'il s'agit d'une opportunité donnée par l'histoire à la Chine de présenter au monde son leadership international. Nous pouvons constater que la Chine a fait tout le nécessaire pour organiser au mieux ce sommet de deux jours. L'ordre du jour du Sommet est au « remède chinois ».

 

Pour toute personne objective, il est facile de constater, que chaque action, chaque proposition, chaque mot et chaque arrangement de la Chine avant, pendant et à la suite du sommet, reflètent la bonne volonté et la recherche d'une coopération gagnant-gagnant. Dans presque tous les discours, allocutions et entretiens du président chinois Xi Jinping, reviennent les mêmes termes « coopération gagnant-gagnant », « solidarité absolue », « liés ensemble dans l'honneur et le déshonneur », « prospérité commune », « la Chine vers le monde, le monde vers la Chine », « le G20 appartient non seulement aux vingt pays membres, mais aussi au monde entier » et « notre objectif est de réaliser la croissance et le développement au profit de tous les pays et de toutes les personnes. » La Chine recourt aux concepts d'intérêt public, de soutien et de bénéfice mutuels, typiques de la culture traditionnelle chinoise, afin de créer une ambiance de coopération mutuellement bénéfique et de sortir ensemble de la morosité de l'économie mondiale.

 

Il faut reconnaître que ce leadership est sollicité par le monde qui traverse une période difficile, alors qu'il est évident que les États-Unis ne peuvent plus se charger seuls de ce rôle de leader. Il ne faut pas oublier que si le monde d'aujourd'hui rencontre ces problèmes, si des pays en voie de développement et d'autres développés sont pris de doutes sur l'évolution de la mondialisation, si les apparitions du populisme et les appels au protectionnisme se renforcent dans beaucoup de pays, c'est que depuis la crise américaine des subprimes en 2008, l'origine de ces problèmes se trouve être les États-Unis et les pays occidentaux. De tout temps, les États-Unis ont manqué de volonté à résoudre les problèmes, de même que les autres pays occidentaux développés. Qui plus est, en raison du calendrier électoral, on retrouve des périodes d'incertitudes dans lesquelles les dirigeants de plusieurs pays occidentaux importants, vont prochainement quitter la scène ou entrer en campagne électorale pour un second mandat, depuis Barack Obama arrivé au pouvoir en 2008 peu après le déclenchement de la crise économique mondiale, jusqu'au président français François Hollande qui prenait le pouvoir en 2012. La chancelière allemande Angela Merkel, de plus en plus impopulaire en raison de l'immigration, a subi un revers dans la dernière élection locale. C'est dans ce contexte que la Chine prend les responsabilités qui lui incombent.

 

Quand l'économie et la finance mondiales rencontrent des problèmes, comment les résoudre ensemble ? Qui peut proposer des solutions ? Qui est capable de dégager un consensus général sur la base d'une compréhension des mécanismes de crise dans les différents pays du monde ? Et qui peut engager une action commune avec les autres ? Les réponses à ces questions soulignent l'importance historique du Sommet du G20 de Hangzhou. C'est précisément là que la Chine a avancé son concept de gouvernance mondiale. « La grande sagesse consiste à établir des mécanismes, et la petite, à régler les affaires. » La Chine a présenté ses propres propositions de réforme du mécanisme de gouvernance actuel, et on a pu voir que, sur la base de son expérience de 30 ans de réforme et d'ouverture, la Chine commence sa transition. D'un pays centré sur l'auto-édification et sur son propre redressement, elle se transforme en un pays qui tient compte des stratégies mondiales et veut participer à la direction des affaires du monde. Dans son premier discours lors du Sommet du G20 de Hangzhou, le président chinois Xi Jinping l'a souligné : « La Chine d'aujourd'hui se trouve à un nouveau point de départ historique. » Ce que ses interlocuteurs ont entendu, c'est juste l'aspect « nouveau point de départ », mais peut-être le reste leur a-t-il échappé : la Chine veut se charger de sa responsabilité envers le monde.

 

Le Sommet de Hangzhou peut-il être un tournant ?

 

Une caractéristique remarquable du Sommet du G20 de Hangzhou est qu'il modifie la nature des sommets du G20 : d'un mécanisme destiné à gérer des crises, il devient un mécanisme de gouvernance de l'économie mondiale sur le long terme, à la recherche d'un mode innovant pour la croissance économique mondiale. Ce changement accompli à Hangzhou par la Chine est sans doute un fait exceptionnel et historique. Nous pouvons également entendre ici un sous-entendu : le mode de développement de la Chine, surnommé le « consensus de Beijing », deviendrait alors un exemple de valeurs universelles. Même si les États-Unis et les pays européens préfèrent l'ignorer, la plupart des pays en voie de développement, en particulier les pays africains qui représentent une population d'un milliard d'humains, considèrent ceci comme un événement d'une grande importance. L'Afrique réalise aujourd'hui son industrialisation, donc sa modernisation, avec l'assistance de la Chine.

 

Tirant parti de ses propres expériences de développement, la Chine cherche à reproduire son succès sur le continent africain. Alain Peyrefitte, académicien, avait prédit le redressement de la Chine dans son best-seller Quand la Chine s'éveillera. Aujourd'hui, alors que peu de personnes dans le monde s'en rendent compte, l'industrialisation et la modernisation africaines avec l'assistance chinoise vont transformer le visage du monde. Si la Chine a proposé un nouveau mécanisme de gouvernance de l'économie mondiale, c'est en vue de reproduire son succès sur le continent africain. La Chine cherche à industrialiser l'Afrique pour résoudre ses problèmes de surcapacités de production et de besoins en énergie, en matières premières et enfin pour trouver de nouveaux marchés. Car c'est une réalité, l'industrialisation chinoise a non seulement stimulé le développement de la Chine, mais aussi offert des bénéfices immenses aux pays occidentaux industrialisés, ce que comprennent parfaitement les multinationales et les dirigeants de ces pays. La Chine actuelle apporte non seulement une capacité d'investissement en capital, une capacité d'innovation technologique, des capacités de production et une force de proposition en termes de mode de développement, mais aussi un leadership. Les propositions du Sommet du G20 de Hangzhou consistent aussi à offrir aux pays occidentaux une exploitation commune de l'Afrique et d'autres régions du monde en suivant une voie de coopération gagnant-gagnant avec la plupart des pays.

 

En ce sens, le Sommet du G20 de Hangzhou est vraiment un nouveau point de départ pour la Chine, et en même temps pour le monde, mais la condition en est que l'Occident accepte et reconnaisse la prédominance de la Chine. Jusqu'à maintenant, on ne note aucun signe de bonne volonté de sa part. Bien évidemment, les pays occidentaux comptent rester vigilants face à l'émergence de la Chine. Or la Chine souligne sans cesse que le nouveau mécanisme de gouvernance mondiale qu'elle propose n'est pas hostile à l'Occident ni tourné contre le système international actuel, mais qu'il consiste simplement à améliorer et à compléter ce qui existe. La Chine « ne souhaite pas construire son arrière-cour, mais veut partager un jardin florissant avec tous les pays. » Néanmoins, ce que la Chine n'acceptera plus, c'est que les pays occidentaux cherchent à satisfaire leurs propres intérêts aux dépens d'autrui, créant finalement une situation perdant-perdant.

 

Pour apaiser les inquiétudes des pays occidentaux, la Chine a ménagé les intérêts de l'Occident dans un grand nombre de propositions sur la gouvernance mondiale. C'est ce que l'on a pu entendre dans les discours de Xi Jinping lors des réunions du G20 et au cours du Sommet. « S'unir pour le meilleur et pour le pire et coexister en symbiose sont les deux natures de la nation chinoise, et également l'essence de la culture orientale. » Reste à savoir si la patience et la magnanimité de la Chine parviendront à gagner la compréhension des pays occidentaux.

 

Quoi qu'il en soit, le Sommet du G20 de Hangzhou aura permis à la Chine de montrer pour la première fois son leadership et de présenter son concept de leadership. La Chine a bien saisi cette opportunité et transmis ces informations. Attendons de savoir si l'histoire prendra un tournant à Hangzhou pour entrer dans un vrai « siècle chinois ».

 

*ZHENG RUOLIN est un ancien correspondant à Paris du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai et l'auteur du livre Les Chinois sont des hommes comme les autres aux éditions Denoel.

 

 

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