CHINAHOY

22-January-2017

Pema Dorje : chacun a un Shangri-La dans son cœur

 

Les environs de l'hôtel Songtsam Tacheng rappellent le sud du Yangtsé. (YU XIANGJUN)

 

WANG SHUO*

 

Le matin est ensoleillé avec un grand ciel bleu à Shangri-La.

 

L'hôtel Songtsam Lügu, situé entre le monastère Ganden Sumtseling et le village de Khena, figure parmi les meilleurs hôtels de Chine. Dans la cour, au doux parfum, se trouve un bâtiment à trois étages de style tibétain, où Pema Dorje est né et a grandi.

 

Depuis son ouverture en 2001, Songtsam Lügu, le premier hôtel de la chaîne Songtsam, a été suivi par Songtsam Retreat MGallery, Songtsam Benzilan, Songtsam Meili, Songtsam Tacheng, Songtsam Cizhong, tous localisés dans la région de Shangri-La à Diqing. Bientôt, Songtsam Lijiang et Hôtel Lhassa ouvriront leurs portes. La passion de Perma Dorje pour la culture tibétaine s'étend du Yunnan au Tibet.

 

Au début, il voulait seulement servir de pont de communication avec la culture tibétaine. « Peu à peu, j'ai voulu que mes hôtels soient des lieux où l'on ne fait pas qu'apercevoir la culture tibétaine, j'ai souhaité apporter une dimension spirituelle. Nous sommes dans une ère de crise spirituelle, de légèreté et d'impatience. Les gens aspirent toujours à plus, et la concurrence acharnée donne lieu à beaucoup de stress. Je veux offrir un lieu où l'on respire », explique Pema, qui comprend bien les désirs et demandes des citadins modernes.

 

Un amour pour la culture tibétaine

 

L'hôtellerie n'est pas la première carrière de Pema.

 

Après ses études secondaires, Pema est entré dans une école d'élevage à Kunming. Après son diplôme, il est rentré dans sa région natale et est devenu vétérinaire. Deux ans plus tard, il a changé de métier pour étudier la production de programmes télévisés sur la nouvelle chaîne locale. Durant son stage à la chaîne de télévision du Yunnan, il a eu la chance d'aller étudier à l'Institut cinématographique de Beijing. À Beijing, il a découvert qu'un grand nombre de personnes connaissaient mal la culture tibétaine, et même que certains malentendus existaient. « À cette époque-là, beaucoup de gens visualisaient les régions tibétaines avec des montagnes enneigées et des aigles, et voyaient les Tibétains comme des gens simples et expansifs. Mais selon moi, les Tibétains sont réservés et discrets. »

 

Peu à peu, Pema a pris conscience que la télévision était un très bon canal pour faire connaître davantage la culture tibétaine.

 

En 1992, il a commencé à travailler pour la CCTV (Télévision centrale de Chine). Il y a produit des documentaires sur la culture tibétaine, qui ont obtenu de bonnes critiques. Entre autres, Portrait des montagnes, qu'il a réalisé et tourné en 1998, et qui raconte l'histoire d'un village de montagne très traditionnel dans la province du Yunnan, a gagné le prix d'excellence lors d'un événement récompensant des programmes télévisés à Cannes.

 

À la CCTV, Pema étudiait tout en travaillant et a eu l'idée de monter une plate-forme. « J'ai pensé que s'il y avait une plate-forme permettant de faire découvrir à davantage de gens la culture tibétaine, il y aurait une meilleure compréhension entre les ethnies, comme une famille multiculturelle vivant en bonne entente sous le même toit. »

 

À cette époque, lorsque ses collègues rentraient de voyage à Diqing dans le Yunnan, ils se plaignaient des mauvaises conditions d'hébergement dont dispose ce lieu magique. Pema a alors pensé aux petits hôtels raffinés de Paris. Il avait en effet séjourné dans une auberge près de l'Arc de triomphe lors d'un festival de télévision. Ainsi il eut l'idée de faire de sa maison dans le village de Khena un joli petit hôtel. Sa famille possédait deux cours, partagées entre ses parents puis sa sœur et son beau-frère, couvrant plus de 1 000 mètres carrés.

 

En 2001, Pema a fait démolir sa maison et construire, avec 60 000 yuans, l'hôtel Songtsam Lügu disposant de 22 chambres. La même année, le district de Zhongdian du département autonome tibétaine de Diqing dans le Yunnan a été rebaptisé en district de Shangri-La.

 

L'hôtel Songtsam Meili donne sur les monts enneigés. (CHEN JUN)

 

La quête de la plus belle vue

 

L'hôtel n'a pas été immédiatement rentable. Bien que des experts de différents pays, dont des professionnels allemands et autrichiens, aient été invités pour le gérer, l'exploitation ne s'est pas améliorée.

 

En 2003, Pema a décidé de reprendre lui-même la gestion de l'hôtel. Habitant sur place, il communiquait tous les jours avec le personnel et les formait en personne, afin qu'ils permettent aux touristes de vivre une expérience de la culture tibétaine tout à fait différente. Grâce à ces efforts conjugués, l'hôtel a gagné en renommée. Des gens qui connaissent bien la culture locale ont été employés afin de présenter la religion, la culture et l'histoire de l'ethnie tibétaine aux clients. « Je souhaite que nos hôtes puissent éprouver la sympathie de la culture tibétaine et vivre ce mode de vie proche de la nature », explique Pema.

 

Avec la popularité croissante de Songtsam Lügu, beaucoup d'investisseurs se sont manifestés, mais Pema les a tous repoussés. « J'avais une vision très claire. Je n'étais pas encore assez puissant pour absorber des capitaux. Et si je n'agissais que pour l'argent, combien de temps cela durerait-il ? Allais-je échanger tout le temps qu'il me reste contre de l'argent, ou plutôt investir judicieusement pour l'avenir ? » Pour Pema, les ressources touristiques à Diqing sont rares, c'est pourquoi on ne doit pas les exploiter sans trouver de bons moyens de développement, et il faut les transmettre aux générations à venir.

 

Pema a consacré presque dix ans à faire des recherches et des expériences. Pendant cette période, il n'a jamais fait de publicité, ni réalisé d'expansion rapide.

 

En 2006, il a enfin rencontré un partenaire ayant la même vision que lui, et son rêve est devenu de plus en plus clair. « Géographiquement, Diqing est dans une aire protégée par les trois fleuves parallèles que sont Jinsha, Lancang et Nujiang. À partir de cette caractéristique, je vois mes hôtels comme des relais de poste des temps anciens. Ces relais de poste s'enchaînent les uns après les autres, et chacun est au cœur d'un paysage différent. »

 

En 2009, sur la montagne en face du monastère Ganden Sumtseling, l'hôtel Songtsam Retreat, un bâtiment en forme de tour fortifiée et construit entièrement à la main a ouvert ses portes.

 

Depuis le début de l'année 2011, quatre hôtels Songtsam ont ouvert l'un après l'autre au sein de Diqing.

 

Depuis Shangri-La, il faut environ une heure de voiture pour arriver à Benzilan, au bord du fleuve Jinsha. On emprunte l'ancienne route du thé et des chevaux. L'hôtel Songtsam Benzilan se trouve dans un petit village qui compte une dizaine de foyers. Situé dans une vallée, ce village est relié au monde extérieur par un seul chemin. Les fenêtres de l'hôtel donnent sur les champs des villageois, et font face à un col.

 

En partant de Benzilan, derrière les montagnes de Baima, on arrive dans le district de Dêqên, près du fleuve Lancang. Les touristes viennent ici pour admirer la splendeur des monts Meili enneigés. Pema est très heureux de l'emplacement de cet hôtel, dont les fenêtres font face aux monts mystérieux.

 

En suivant le fleuve Lancang vers le sud, on arrive à Cizhong. Au début du siècle dernier, des missionnaires français vinrent ici et firent construire une église catholique. L'hôtel Songtsam Cizhong se trouve à 200 m de l'église. En ouvrant une fenêtre de l'hôtel, on voit les vignes enveloppées de brouillard. À Cizhong, presque chaque famille plante des vignes. La technique de vinification transmise par les missionnaires français et les raisins de qualité qui croissent à une altitude de plus de 3 000 mètres constituent les avantages spécifiques de cette région.

 

Après quatre heures de voiture depuis Cizhong, on arrive à Tacheng, où se trouve la grotte de Dharma. L'hôtel Songtsam Tacheng est entouré de villages, de terrasses, de montagnes et de rivières.

 

Par conséquent, les hôtels Songtsam se succèdent pour former un circuit touristique magnifique ayant Shangri-La pour centre.

 

Pema Dorje (CHEN JUN)

 

Créer un foyer de sérénité

 

Les touristes sont souvent surpris par le fort cachet culturel tibétain des hôtels Songtsam.

 

Pema expose sa collection de meubles artisanaux de style tibétain, d'objets d'artisanat, de parures dans les différents hôtels Songtsam. Beaucoup de gens ne comprennent pas pourquoi ces objets sont placés directement dans les halls, les restaurants et même dans les chambres, où ils risquent d'être endommagés. « Cette collection souffrirait de n'être montrée à personne », déclare Pema. Pour lui, « la valeur de la collection n'existe que si on la montre ».

 

Pour protéger au mieux l'environnement naturel et les villages, Pema a toujours utilisé les méthodes traditionnelles dans la construction de ses hôtels. Les bâtisseurs sont tous des artisans locaux. « Lorsque nous avons créé Songtsam Retreat, j'ai trouvé un excellent serrurier, qui était obligé de faire des bas-reliefs pour subsister. Je lui ai dit que s'il voulait travailler pour moi, il pourrait rester ici de manière permanente. Les hôtels Songtsam ont cinq serruriers, qui ont façonné à la main tous les objets en cuivre : cercles de porte, loquets, marmites et bassins, etc. » De plus, les hôtels Songtsam ont établi des coopérations avec des ateliers artisanaux traditionnels tels que des ateliers de poterie et de tofu fait au moulin de pierre. Les touristes peuvent les visiter, ce qui encourage le développement de l'artisanat local.

 

Pema constate que pour de nombreuses personnes, la culture tibétaine semble bariolée, comme sa peinture par exemple. « En réalité, la culture tibétaine est discrète. La décoration est d'abord pratique et faite pour accomplir les priorités. Les monastères ont une décoration solennelle. Aujourd'hui, beaucoup de décorations sont très criardes, déclare-t-il. Des familles tibétaines ont dépensé des dizaines de milliers de yuans en décoration, mais la nature originale de la peinture et de la sculpture est vraiment défigurée. » Par conséquent, dans les hôtels Songtsam, Pema souhaite restituer l'aspect authentique de la culture tibétaine. Songtsam Lügu a beaucoup de peintures dont les couleurs ont été mélangées par Pema lui-même. Les tons sont tous inspirés de plusieurs centaines de photos trouvées à Lhassa et dans d'autres régions.

 

Conscient de l'importance de l'éducation, Pema finance les études des enfants du village de Khena depuis 2005. Dès qu'un nouvel hôtel de la série Songtsam ouvre, il finance l'éducation locale : il fournit 500 yuans chaque année pour chaque collégien, 1 000 yuans par lycéen, et 2 000 yuans par étudiant. « Si la vie est un long processus, faire des choses bénéfiques pour tous peut donner plus de sens à ce processus », déclare-t-il.

 

Aujourd'hui, 98 % des employés de Songtsam sont des locaux. « Notre caractéristique culturelle vient justement du personnel. Ce sont des villageois qui vivent près des hôtels. Ils ne travaillent pas selon les critères des hôtels standards, mais en suivant leurs croyances et leur concept de l'intimité interpersonnelle. Je suis sûr que cette émotion véridique touche nos clients », explique Pema.

 

Avec le développement des hôtels, Pema s'est aperçu que Songtsam « est une nécessité pour bien des gens ». Il espère que Songtsam « puisse fournir un foyer » tout en faisant partager la culture tibétaine.

 

Shangri-La est une terre pure au cœur du monde, mais pour Pema qui y vit depuis son enfance, ce n'est pas un paysage de vastes étendues sur carte postale, ni un eldorado mystique, c'est un lieu d'émotion et de bonheur. « Shangri-La est un lieu désintéressé qui à la capacité d'émouvoir toute personne », affirme-t-il.

 

Les travaux des nouveaux hôtels Songtsam ont commencé à Lijiang dans le Yunnan et à Lhassa au Tibet. En 2019, deux autres seront établis à Shannan et à Shigatse. Ainsi, un plan circulaire se formera au Tibet.

 

« Si j'en avais de nouveau l'occasion, je serais heureux de reprendre ma caméra et de faire des documentaires pour continuer de montrer la beauté de la culture tibétaine avec des images vivantes », annonce-t-il. Peut-être Pema n'en est-il qu'à l'aube de sa longue carrière ?

 

*WANG SHUO est journaliste pour China Pictorial.

 

 

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