CHINAHOY

30-November-2017

Le XIXe Congrès du PCC : bilan vu d'ailleurs

 

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

 

« L'opacité qui entoure ce grand rendez-vous politique est totale », affirme Le Monde, tandis que Libération accuse une personnalisation excessive du pouvoir en rappelant que l'on assistait au « nouveau sacre de l'homme fort de Beijing ». Comprendre « le tyran ». L'expression est reprise dans son titre par La Croix, alors que Le Figaro trouve que « la machine de propagande tourne à plein » pendant la période du Congrès du PCC. Faut-il comprendre qu'elle tourne à vide le reste du temps ? Et tous de citer, comme toujours lorsqu'on parle de la Chine, des témoins bien pratiques qui « s'expriment sous couvert d'anonymat ».

 

En cherchant un peu, on arrive à dénicher quelques explications sur ce rendez-vous politique majeur de la Chine moderne, qui tire le bilan des cinq années passées et adopte le plan d'action pour les cinq ans à venir. Dans Le Monde, on apprend que les travaux se basent sur le rapport d'activité du Comité central sortant sur les grandes étapes du mandat écoulé, un document « très formaté et consensuel », c'est-à-dire pas au goût du Monde qui le préférerait sans doute fantaisiste et clivant. Lorsqu'il parle du rôle des 2 280 délégués issus d'une quarantaine de circonscriptions électorales (les provinces, mais aussi l'armée, la police ou encore les sociétés d'État), l'auteur n'oublie pas de mettre les guillemets réglementaires du doute pour dire qu'ils « voteront » pour élire les 204 membres du Comité central et leurs 172 suppléants. Pour faire bonne mesure, il cite Jean-Pierre Cabestan, le fameux sinologue, qui parle « d'obscures négociations » et de « règles non écrites »..., termes réservés à la Chine lorsqu'on veut parler de large concertation et de négociations informelles.

 

La plupart des éditoriaux dénoncent la concentration du pouvoir aux mains du président chinois, soulignant qu'il cumule – surprise – les titres de chef du Parti communiste, de président et de chef des armées. Remarquons d'abord que cette combinaison de postes n'a rien d'unique : ne parle-t-on pas, aux États-Unis, de commander in chief pour souligner que le président est, là-bas aussi, le chef des armées ? N'est-il pas, là-bas aussi, le candidat naturel à sa propre succession, donc le chef du parti au pouvoir ? Ne voit-on pas, en France, le président-chef des armées se comporter en chef de parti une fois élu au poste suprême ? Rappelons ensuite que le président chinois, loin d'être un autocrate bardé de pouvoirs discrétionnaires, n'est que le membre du Comité permanent du politburo, organe de décision collégial qui comprend 6 autres membres, et pas des moindres. On compte parmi eux le premier ministre, le vice-premier, etc., c'est-à-dire des poids lourds qui ne sont pas là pour faire de la figuration.

 

Par ailleurs, on oublie souvent chez nous que le rôle du président chinois est largement symbolique : un peu comme la reine d'Angleterre, ses fonctions incluent la célébration des fêtes, les commémorations, la réception des chefs d'État étrangers, la nomination des ambassadeurs et les discours à la tribune des Nations Unies. En bref, il représente le pays, un pays dont les priorités, contrairement à d'autres grandes puissances, sont le développement équilibré, la vision à long terme et une transition harmonieuse du pouvoir.

 

« Le principal enjeu est finalement la ‘‘stabilité'' de la transition politique » concède Le Monde, comme toujours avec les méprisants guillemets d'usage. Après avoir assisté à la cacophonie politique américaine qui continue, un an plus tard, de produire des controverses à Washington et de l'incertitude dans le reste du monde, ne devrait-on pas au contraire se féliciter de cette « stabilité » que nous garantit l'autre grande puissance ?

 

Ce serait compter sans les éditorialistes de chez nous. Du ton paternaliste qui fait leur marque de fabrique, ils font ce qu'ils considèrent être leur travail : donner des leçons à la Chine. Voyez-les tancer, réclamer, exiger, depuis leur bureau parisien, d'immédiates et radicales réformes. Comme déjà lors du XVIIIe Congrès en 2012, ils répètent leurs inflexibles critiques. Seuls auraient quelque valeur à leurs yeux des signes de ralliement de la Chine aux systèmes démocratiques en vigueur en Occident. Bien entendu il n'y en a jamais assez ! Bien sûr ils ne voient que « bien timides avancées », « relents de compromis » et « réformes en trompe-l'œil ».

 

Le suffrage universel, un point c'est tout. Tel est leur credo et jamais ils n'accepteront d'autre système pour la Chine. Pourtant, au vu de la réussite chinoise, et aussi des catastrophiques accès de « populisme » dans les pays occidentaux, il devient difficile de ne pas se poser la question : le suffrage universel est-il réellement la solution universelle ?

 

Ce qui est drôle lorsqu'on vit en Chine, c'est de voir à quelles contorsions la presse démocratique est prête à se livrer lorsqu'elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiquement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d'agilité que d'autres et parfois, des prouesses sémantiques qui vous laissent pantois...

Liens