CHINAHOY

5-April-2016

Zheng He, navigateur, explorateur

 

Chaque mois La Chine au présent vous raconte l'histoire d'une invention chinoise, ancienne ou récente, absolument véridique ou un peu romancée, et de son auteur. Ces personnages qui ont fait la Chine et le monde tels que nous les connaissons aujourd'hui...

CHRISTOPHE TRONTIN, membre de la rédaction

On considère souvent, sous nos latitudes, qu'une solide paire de baloches est la qualité essentielle de tout meneur d'hommes... Mais avez-vous entendu parler de l'explorateur Zheng He ?

Jusqu'à ses treize ans, Ma Sanbao, fils du gouverneur du Yunnan se préparait tranquillement à hériter du trône et des fonctions de son père, dans cette petite province dominée par l'ethnie hui musulmane. Mais l'histoire devait en décider autrement : en 1381, l'armée de la dynastie Ming attaqua la province, tuant le gouverneur. C'était le tarif en vigueur à l'époque, les fils des dirigeants d'un pays conquis étaient castrés, une façon finalement pratique de mettre fin à une dynastie devenue superflue.

Allégé de ses attributs masculins, le fils de l'ex-gouverneur fut enrôlé dans l'armée Ming dont le général, un certain prince Yan, le remarqua vite pour son intelligence et son courage. Il faut dire que malgré sa voix de fausset, Ma Sanbao était un colosse au regard de braise, à la parole brève et à l'uppercut dévastateur. Il avait pour habitude de soulever les insolents par les pieds avant de les laisser retomber brutalement sur le sol. Au-delà de son exceptionnelle force physique, Ma Sanbao était fin calculateur, savait se fixer des objectifs et les atteindre. Il fit donc rapidement carrière dans l'armée chinoise. Son chef, le prince Yan, ne manquait pas d'ambition lui non plus, puisqu'il allait accéder au trône impérial en 1403 sous le nom de Yongle. Il caressait pour le pays des projets grandioses : il s'était mis en tête de restaurer l'ancienne Route de la Soie maritime. C'est donc tout naturellement qu'il fit venir à la cour le jeune prodige dans la capitale de l'époque qui se trouvait à Nanjing.

Ma Sanbao (ironie de l'histoire, Sanbao, signifie « trois joyaux »), rebaptisé Zheng He et affublé du titre de « Grand Eunuque aux Trois Joyaux », bénéficiait de la confiance impériale grâce à ses talents d'organisateur et de meneur d'hommes. Comme son père et son grand-père musulmans avaient fait le pèlerinage de la Mecque, il sut raconter à l'empereur des histoires de terres lointaines. Brûlant de la même ambition patriotique, les deux se mirent à passer des nuits entières à examiner les cartes sommaires de l'époque, à échafauder des plans, à la lumière vacillante des bougies de suif, à peaufiner d'ambitieux projets d'exploration, 100 ans avant les grandes expéditions transatlantiques européennes. Zheng He, qui n'avait jamais vu la mer, se vit bombardé amiral de la flotte impériale et chargé de l'exploration des terres lointaines.

Sous les pavillons des chantiers, Zheng He recevait architectes, astrologues, médecins, marchands voyageurs, mais aussi pirates, baroudeurs et autres aventuriers et même interprètes, les interrogeait sans ménagement, organisant et planifiant ses futures campagnes.

Dès le mois de juillet 1405, la flotte immense de l'amiral était prête à prendre le départ d'une première expédition, qui allait l'emmener dans les mers du Sud, vers Java et le Sri Lanka.

Aucun de ces navires n'a malheureusement été conservé, et on entend régulièrement historiens et ingénieurs navals se crêper le chignon sur leur taille et leur nombre. Les premiers arguent de nombreux témoins oculaires et de récits d'époque qui parlent de « jonques-trésors » de 138 mètres de long et d'une flotte de deux cents navires. Les seconds rétorquent qu'aucun navire de cette taille en bois n'aurait pu tenir la mer, et que les forêts de l'empire n'auraient pas suffi à en construire autant. Quoi qu'il en soit, il est communément admis que la flotte impériale comptait plus de 100 navires, dont plusieurs dizaines de « navires-trésors » à plusieurs ponts emportant entre autres des jardins et des plantations. À son apogée, la flotte emportait 30 000 membres d'équipage.

Si l'on ne sait quasiment rien des navires, on dispose en revanche de chroniques très précises des pays visités, des choses étudiées et des personnes rencontrées. C'est grâce à un certain Ma Huan, secrétaire de l'amiral, qui allait étudier et noter minutieusement pour chaque contrée visitée la géographie, les lois, la politique, les conditions climatiques, l'environnement, l'économie, les coutumes locales, dans un recueil appelé Merveilles des océans.

Zheng He dirigea en tout sept voyages, de 1405 à 1433, au cours desquels la flotte impériale allait sillonner l'océan Indien, cartographier les îles de Java et de Sumatra, les côtes de l'Inde, la côte Ouest de l'Afrique, le Kenya, et remonter le golfe persique jusqu'à Djibouti et la Mecque.

Mais la Chine d'alors n'a pas connu de fièvre de conquêtes coloniales. Après la mort du grand explorateur, au cours de sa septième expédition, la cour impériale allait peu à peu se lasser de découvertes et d'exotisme, d'animaux fantastiques et de récits surprenants, pour entrer dans une phase d'isolationnisme qui allait durer 600 ans.

 

 

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