CHINAHOY

3-November-2016

Jining, capitale du Grand Canal

 

Aujourd'hui, le Grand Canal est navigable à partir de Jining. (Photo prise en 2016)

 

 

LIU SHIZHAO*

 

Le Grand Canal du Shandong s'étend sur 643 km. Après avoir quitté la ville de Liaocheng, j'ai passé le fleuve Jaune avant d'arriver à Jining. La section du milieu du Grand Canal Beijing-Hangzhou traverse Jining du nord au sud : depuis le village de Nali dans le district de Liangshan jusqu'au village de Hanzhuang dans le district de Weixian ; elle passe par six districts, respectivement Liangshan, Wenshang, Jiaxiang, Rencheng, Yutai et Weishan, ainsi que par l'arrondissement Shizhong. Son parcours est de 290 km de long. Jining abrite des canaux construits à différentes périodes de l'histoire et dont la longueur accumulée est de 587 km, représentant ainsi la moitié des voies de navigation fluviale dans le Shandong.

 

Sous les dynasties des Ming (1368-1644) et des Qing (1644-1911), Jining, la plus grande ville sur le Grand Canal du Shandong, était le siège du bureau qui se chargeait des affaires du Grand Canal. Depuis toujours, le Grand Canal exerce une influence majeure sur le développement de la ville de Jining. À la fin du XIXe siècle, le fleuve Jaune a changé son itinéraire et a rejoint le Grand Canal. La voie fluviale a été divisée en deux. Au nord de Jining, le canal est désormais asséché, alors qu'au sud, c'est la « voie fluviale d'or ». Les bateaux y transportent le charbon vers le Sud de la Chine.

 

Le mont Liangshan : l'histoire du roman Au bord de l'eau

 

Le district de Liangshan est le point de départ de la section du canal de Jining. Le mont Liangshan nous évoque les héros du roman Au bord de l'eau, l'un des quatre plus grands classiques littéraires chinois. En effet, à la fin de la dynastie des Song (960-1279), des paysans dirigés par 36 héros s'y sont révoltés. Malgré l'échec de la révolte, circulent toujours les histoires de ces héros.

 

En tant que seule et unique voie de transport sud-nord, le Grand Canal est la principale ligne de ravitaillement des habitants et du gouvernement de Beijing, mais elle est également la source principale des finances publiques. C'est pourquoi toutes les dynasties ont considéré l'entretien d'une circulation fluide sur le Grand Canal comme une tâche prioritaire. Sous les Ming, la section du Shandong nécessitait à elle seule d'être gardée par

40 000 à 50 000 soldats. Quant au transport des marchandises privées, il fallait une escorte armée. Le long du Grand Canal dans le Shandong, particulièrement pendant les périodes des Ming et des Qing, les gardiens étaient connus. À la fin de la dynastie des Ming, il y eu une rébellion des paysans, qui pillèrent les céréaliers naviguant sur le canal pour s'opposer au gouvernement local.

 

Dans la montagne non loin du chef-lieu du district de Liangshan, se trouve le repaire des braves du mont Liangshan (le roman Au bord de l'eau raconte leur histoire). Quand je suis venu ici pour la première fois, il y a 35 ans, il y avait encore les vestiges du repaire ; aujourd'hui, de beaux édifices architecturaux ont été construits et on ne trouve plus de traces du repaire.

 

Pour moi, l'édifice le plus intéressant est le temple Liantai situé à mi-côte. Construit sous les Tang (618-907), le temple est plus vieux que le repaire. Cette fois-ci aussi, je suis allé voir le temple. Depuis le haut du mont, on peut voir des édifices construits sur le penchant en contrebas ; une statue de Bouddha se dresse parmi les pavillons, mieux entretenue qu'il y a 35 ans. Lorsque je m'approche de la statue, je découvre que la tête du Bouddha est recouverte d'or. L'ami qui m'accompagne m'explique que l'ancienne tête a été volée il y a 20 ans. Les croyants locaux ont fait des dons d'argent qui ont permis de faire retailler une autre tête au Bouddha. En entendant cela, la colère et la frustration m'assaillirent et je ne pus que prier pour la tête perdue, espérant qu'elle reviendra au temple Liantai le plus tôt possible.

 

Je suis ensuite allé tout spécialement au mont Sili, qui appartenait autrefois au district de Liangshan et qui relève aujourd'hui de la ville de Dongping. Selon les annales historiques, ce serait le lieu de la révolte de Chao Gai, deuxième chef des héros du mont Liangshan. Dans les deux rochers au sommet du mont Sili sont taillées des statues de bouddha datant des dynasties du Nord et du Sud (420-581), des Tang, des Song, des Yuan (1271-1368) et des Ming. Les doctrines issues du confucianisme, du bouddhisme et du taoïsme inscrites sur ces statues de roche constituent leur aspect le plus précieux. Il serait regrettable de ne pas monter les admirer.

 

Des commerçants vendent de l'ail dans une rue de Jiaxiang. (Photo prise en 1981)

 

Nanwang : le complexe hydraulique du Grand Canal

 

Nanwang, dans le district de Wenshang relevant de la ville de Jining, est le bourg à l'altitude la plus élevée du Grand Canal. Il est situé 30 m plus haut que la ville de Linqing au nord et près de 40 m plus haut que la section du canal de Xuzhou dans le Jiangsu au sud. Pour cette raison, la navigation à cet endroit n'était pas fluide. On y a donc construit un complexe hydraulique qui est comparable à celui de Dujiangyan dans le Sichuan.

 

En effet, sous le règne de l'empereur Yongle (1402-1424) des Ming, le mandarin chargé des travaux public, Song Li, a mobilisé 165 000 travailleurs pour accomplir des travaux de drainage du Grand Canal. Il a suivi le conseil d'un berger appelé Bai Ying et a conduit l'eau de la rivière Dawen vers le canal. Il a ainsi fait construire un complexe tirant profit du haut relief de Nanwang. Le système sépare les eaux de la rivière Dawen. La plupart de l'eau de cette rivière coule vers le nord et le reste part vers le sud. Les travaux de Nanwang ont résolu le problème du canal.

 

À l'embranchement de la rivière Dawen, il y avait un temple Roi-Dragon construit au début de la dynastie des Ming. Le temple comprenait une série d'édifices de grande envergure dont les fonctions étaient de garder le cours d'eau, faire des offrandes, et honorer les personnes exemplaires. Lorsque l'empereur Qianlong (1711-1799) des Qing effectuait ses tournées dans le sud du pays, il s'est rendu à six reprises dans ce temple. Au fil du temps, la rivière a changé son cours et le canal est aujourd'hui tari. Cet établissement est à présent devenu l'École primaire centrale de Nanwang. Lorsque je suis venu ici en 1981, le temple n'avait déjà plus son aspect d'origine.

 

Aujourd'hui, un musée exposant des vestiges a été construit et les ruines des fondations de la salle principale du temple Roi-Dragon ont été aménagées. Lorsque je marche sur la promenade des vestiges, ces pierres et briques délabrées permettent d'imaginer la prospérité de l'époque où l'empereur Qianlong s'y promenait. Je monte sur le haut de la rive opposée du canal pour contempler la vue sur le temple et me surprends à souhaiter que tout puisse avoir conservé son aspect original.

 

Les vestiges du temple Liantai dans le district de Liangshan. (Photo prise en 2016)

 

Jiaxiang : pays natal de Zengzi

 

Le district de Jiaxiang se trouve à l'ouest de Jining et il est bordé du Grand Canal à l'est. Je suis venu ici en 1981 pour visiter le temple Liangwu. C'est un site incontournable. Construit à la fin de la dynastie des Han de l'Est (25-220), ce petit temple possède une histoire vieille de 1 800 ans. Il abrite des peintures inscrites dans la pierre. Ces dessins décrivent l'histoire, ils mettent en scène des personnes légendaires, la vie quotidienne, le culte des totems, etc. Ils ont une grande valeur pour l'art et pour la recherche. Ces peintures ont, par conséquent, été inscrites dans la première liste de la protection du patrimoine du pays.

 

Dans le district de Jiaxiang, le personnage le plus vénéré est Zengzi, le disciple de Confucius. Malgré les controverses sur son lieu de naissance, le temple construit en sa mémoire se trouve bel et bien ici. Depuis quelques années, se dresse une statue de Zengzi au centre-ville, un véritable symbole du district. Les habitants locaux y pratiquent une coutume : les défilés de voitures lors d'un mariage tournent trois fois autour de la statue pour lui rendre hommage.

 

Par ailleurs, l'ail de couleur violette m'a laissé une profonde impression. Il y a une trentaine d'années, lorsque je suis venu ici pour la première fois, la rue était pleine de commerçants vendant de l'ail violet, faisant la renommée de Jiaxiang. J'ai entendu dire que, désormais, c'est le district voisin, Jinxiang, qui a décroché la couronne du « pays de l'ail ». En effet, le district de Jinxiang est connu pour son ail blanc. Ces dernières années, la qualité, la capacité de production, et la taille de l'ail produit ont propulsé le district de Jinxiang au premier rang national. Comme quoi, des changements sont vraiment visibles partout.

 

 

*LIU SHIZHAO est un ancien photographe de People's China.

 

 

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