CHINAHOY

7-December-2009

Zhongshan, la formule de son succès

À l’échelle de la Chine, Zhongshan (province du Guangdong, Chine du Sud) n’est pas très peuplée : près de 3 millions d’habitants seulement dans toute la préfecture. De plus, contrairement aux villes de Guangzhou et Shenzhen, situées à proximité, elle n’est pas très connue.

Pourtant...

– elle est le lieu d’origine du Dr Sun Yat-sen, grand homme politique et précurseur de la révolution démocratique chinoise;

– elle est le berceau de plus de 800 000 Chinois vivant à l’étranger;

– depuis des décennies, elle participe au miracle chinois et profite de sa proximité avec Hong Kong;

– le bourg de Guzhen, sous sa compétence administrative, est surnommé la capitale chinoise de l’éclairage et occupe 60 % du marché intérieur de ce secteur;

– elle est un modèle d’intégration du développement urbain et rural, et grâce à ses politiques sociales avant-gardistes, elle s’est classée première parmi les dix villes en Chine où les gens se sentent le plus heureux.

En ces temps de crise financière et économique, ne vaut-il pas la peine de jeter un coup d’œil sur la formule de son succès?

«MON style de gestion est dur, si nécessaire, mais humain. J’aime les gens et je veux qu’ils profitent des avantages de la réforme et de l’ouverture. » C’est ainsi que s’exprime Mme Li Qihong, maire de Zhongshan, une quinquagénaire à l’allure dynamique qui semble diriger la ville d’une véritable main de maître. « Un bon environnement de vie, c’est une nécessité; il faut mettre l’accent sur la vie des gens. Le reste peut attendre », poursuit-elle. C’est probablement grâce à une telle philosophie et à des mesures politiques appropriées que Zhongshan réussit à maintenir le dynamisme de sa population et à traverser la crise sans trop de dommages. Pourtant, comme de nombreux autres endroits du delta du fleuve Zhujiang, Zhongshan a dû essuyer une diminution de quelque 20 % de ses revenus tirés des exportations.

Des grappes industrielles pour affronter les risques

Au premier semestre de 2009, Zhongshan a réalisé un taux de croissance de 7,3 % de son PIB, le plus haut du Guangdong. Pourtant, on pourrait croire que la crise aurait pu infliger un coup potentiellement fatal à une économie basée sur les PME, comme c’est le cas à Zhongshan. Bien au contraire.

Vue nocturne de Zhongshan CFP

M. Xie Zhongfan, vice-maire exécutif de la ville, semble plutôt leur accorder toute sa confiance: « Il est important que l’économie ne soit pas dépendante d’une ou deux compagnies; il faut de préférence mettre l’accent sur les PME locales. Si on les développe, l’argent va dans les poches de petits entrepreneurs qui réinvestissent dans l’économie locale », affirme-t-il. De plus, grâce aux grappes industrielles, l’une des caractéristiques de la préfecture, les entreprises reçoivent de l’aide pour affronter les temps difficiles et profitent d’un grand nombre d’occasions pour améliorer la structure industrielle. Par exemple, dans la zone d’exploitation de technologies de pointe Flambeau de Zhongshan, on a aidé les petites entreprises à se regrouper avec les plus grosses afin d’introduire un niveau plus élevé de technologies et de mettre l’accent sur l’innovation. Par ailleurs, la production des industries a été progressivement réorientée vers le marché intérieur ou axée sur d’autres produits. Par exemple, la compagnie Acer ne s’est pas limitée à sa production traditionnelle d’ordinateurs et a commencé à produire des téléviseurs LCD, particulière-ment populaires dans le marché intérieur. Les autorités gouvernementales de Zhongshan ont également aidé certaines entreprises à comprendre qu’il n’est pas incompatible que des industries à forte intensité de main-d’œuvre aient aussi un contenu technologique élevé. Le secteur de l’éclairage en est l’exemple, alors qu’il s’est réorienté vers les produits moins énergivores. Résultat : les indices économiques ont cessé de chuter et les revenus ont recommencé à augmenter.

Autrefois fabricant d’appareils électriques, la compagnie Minyang s’est réorientée avec succès dans la production d’éoliennes. LOUISE CADIEUX

« On ne trouve pas Guzhen sur la carte de la Chine, mais on trouve ses produits partout dans le pays », explique M. Wu Runfu, secrétaire du Parti de ce bourg de Zhongshan où l’on se spécialise dans l’éclairage. Guzhen est particulièrement typique de l’application des grappes industrielles. Dès qu’on y arrive, aucun doute possible sur ce qui anime l’endroit : multiples panneaux publicitaires vantant les mérites des compagnies d’éclairage, un millier de boutiques de luminaires ou de leurs divers composants, plus de 5 000 compagnies d’éclairage (la plupart privées), et finalement, un tout récent centre commercial de l’éclairage qui s’étend sur 710 000 m2. Selon M. Zeng Shuineng, directeur de l’exploitation de ce centre, c’est le meilleur endroit en Chine dans ce domaine : c’est en quelque sorte une Foire de Canton à longueur d’année (NDLR : célèbre foire qui se tient deux fois par an à Guangzhou à l’intention des acheteurs du monde entier et qui touche à peu près tous les types de marchandises). Difficile de mettre en doute de telles paroles, puisque ce directeur, maintenant âgé de 40 ans, travaille dans ce domaine depuis ses 18 ans. Le centre permet aux PME de l’éclairage de profiter d’une salle d’exposition commune et de diminuer leur coût d’exploitation, ce qui les aide à prendre de l’expansion; par ailleurs, pour les acheteurs, c’est l’avantage de trouver « tout sous un même toit », et même l’hébergement, puisque le centre comprend également un hôtel.

Des mesures gouvernementales appropriées

Zhongshan est renommée pour son esprit innovateur, et les mesures qu’elle a décidé de prendre en ces temps de crise en témoignent. Les autorités gouvernementales ont d’abord décidé d’élever la proportion des services dans la structure industrielle, et elles ont offert des réductions fiscales pour aider à réaliser cet objectif. Des équipes ont aussi été envoyées à la base pour connaître les besoins individuels des entreprises et évaluer comment répondre au mieux à ces besoins. Par exemple, étant donné que les exportations enregistraient un déclin et que les industries de la ville en étaient trop dépendantes, on les a aidées à mieux connaître le marché intérieur. On a également mis en place des mesures de support financier, organisé la participation à des foires commerciales et procédé à la recherche de nouveaux moyens pour maintenir le cap sur la prospérité. Malgré la pression sentie lors de la dernière Foire de Canton, alors qu’une forte proportion de ses commandes étaient annulées, la grande entreprise Galanz, un fabricant d’électroménagers, a tout de même décidé de mettre un plus fort accent sur la R&D. Elle a donc développé une marmite électrique pour cuire le riz brun, plus nutritif, et elle en a fait la promotion au Japon où il occupe déjà 68 % de ce marché. Par ailleurs, Galanz a aussi décidé d’explorer les marchés émergents en coopération avec les grands détaillants de ces marchés.

Zhongshan ne s’est toutefois pas bornée aux strictes mesures économiques, car elle considère qu’une culture riche exerce un bon impact sur l’économie. Elle n’a donc pas hésité à continuer d’encourager toutes les activités qui peuvent améliorer la vie des gens. Par exemple, la philanthropie y est toujours bien vivante, et sa célèbre parade de bienfaisance, un événement annuel, toujours organisée avec succès.

Intégrer le développement ville/campagne

Alors que les écarts de richesse entre villes et campagnes constituent trop souvent le lot de nombreux pays en développement, les autorités de Zhongshan ont compris que, pour assurer un développement soutenable, le développement rural ne peut être séparé du développement urbain. Zhongshan est maintenant un modèle d’intégration du développement urbain et rural. Dans cette préfecture, on croit d’abord qu’il ne faut pas éliminer les villages et déplacer les gens vers les villes, mais au contraire, rendre les services sociaux accessibles à tous et étendre ceux qui sont liés à la culture, aux loisirs, aux transports et au commerce. On pense également que les services sociaux doivent être offerts à tous au même prix, que la personne soit de la ville ou de la campagne.

C’est ainsi que tous les bourgs et villages relevant de cette préfecture profitent du même type de services publics : gaz, eau, électricité et centre de traitement des déchets; de plus, dans 80 % des bourgs, les eaux usées sont traitées. Sur le plan industriel, on déploie des efforts pour intégrer les capitaux et la main-d’œuvre des villes et des campagnes. Au plan social, tous les habitants de Zhongshan ont maintenant accès aux soins médicaux, et 80 % d’entre eux profitent d’une couverture de sécurité sociale.

Le bourg de Xiaolan a particulièrement réussi cette intégration du développement urbain/rural. M. Huang Biaoquan, secrétaire du Parti de ce bourg, parle avec conviction des objectifs qu’il poursuit. « Les jeunes doivent être éduqués et les personnes âgées doivent avoir ce dont elles ont besoin. » Pour ce faire, ces dernières années, le bourg a pris quatre mesures. Premièrement, dans les campagnes, il a mis en place un système d’actionnariat, administré par le comité des villageois, afin de réduire la concurrence malsaine. Deuxièmement, il a fixé comme objectif que chacun ait un travail, une pension et une assurance médicale. Ainsi, dans ce bourg qui compte une population active de 80 000 personnes, le chômage est de moins de 3 %, chaque citoyen profite d’une assurance médicale, et 97 % en ont même deux. De plus, lors de leur retraite, tous les résidants peuvent recevoir une pension mensuelle de 700 yuans. Troisièmement, Xiaolan encourage le développement économique de la collectivité et améliore la gestion des infrastructures rurales afin que les revenus puissent satisfaire à la fois les besoins des actionnaires et les dépenses de la collectivité. Quatrièmement, le bourg travaille à améliorer la qualité des gens. À cet effet, le jardin d’enfants est obligatoire dès 3 ans, afin que les petits soient mieux socialisés et développent leur désir d’aller à l’école plutôt que de rester constamment avec leurs grands-parents lorsque les parents travaillent. Le bourg espère un taux de fréquentation scolaire de 100 % au secondaire, et maintenir stable son taux de 71 % au niveau universitaire. Il encourage aussi les adultes de moins de 45 ans n’ayant pas terminé le secondaire de deuxième cycle à suivre une formation professionnelle. Par ailleurs, les travailleurs migrants ne sont pas oubliés. Chaque année, le bourg leur offre une formation de base et professionnelle subventionnée, et il a mis au point un système de pointage qui leur permet de qualifier leurs enfants à la gratuité scolaire. Qui mieux que M. Huang pourrait décrire les avantages de ce type de programme lorsqu’il déclare : « Nous ne sommes pas riches sur le plan monétaire, mais notre société est harmonieuse »? C’est probablement le secret du succès de l’ensemble de la préfecture de Zhongshan.

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