Récit
de voyage dans la région de Huaihua
SITUÉE
au sud-ouest de la province du Hunan, Huaihua est la ville qui occupe
la plus grande superficie de la province, et trente-deux nationalités
y vivent, telles les Han, les Dong, les Miao, les Yao et les Tujia.
L'histoire de cette ville remonte au paléolithique, il y a environ
300 000 ans. Par la suite, Huaihua a été une région développée aux
plans économique et culturel et l'un des centres politiques et militaires
du Sud.
Une
ruelle en ardoise et le pavillon Furong
Ma
visite a commencé par la visite du bourg de Qiancheng, au confluent
des rivières Yuanshui et Wushui, où se trouve le pavillon Furong.
Dans une ruelle en ardoise se dressaient des boutiques privées où
l'on peut acheter des collations et des légumes salés, fabriqués
sur place, ainsi que des petits objets courants. Dans un salon de
coiffure, j'ai vu des anciens instruments qu'on n'utilise plus aujourd'hui
dans les villes, une photo de Mao Zedong et des photos de famille,
ce qui m'a rappelé les années 70.
Le pavillon Furong fut
construit à l'époque des Tang. Wang Changling, poète connu d'alors
et dont certaines œuvres étaient même connues dans des pays européens,
y organisait des banquets pour accueillir des amis et des visiteurs
ou leur faire ses adieux. Par la suite, des poètes et des peintres
de toutes les dynasties s'y réunissaient pour composer des poèmes
et peindre.
Le pavillon Furong que
l'on voit aujourd'hui fut reconstruit sous les Qing car les anciennes
constructions furent détruites pendant des guerres. Des empereurs
des Qing, dont Qianlong, Jiaqing et Daoguang, le firent reconstruire.
La disposition fut fixée sous le règne de l'empereur Jiaqing, et
la construction combina le style architectural traditionnel de la
localité avec l'originalité de la province de l'Anhui. En haut des
marches, on peut voir un portique plus penché que la tour de Pise.
On a l'impression qu'il accueille les visiteurs en s'inclinant profondément,
d'où son nom " l'entrée d'accueil des hôtes ". Le portique
porte des caractères chinois et une peinture, exécutés par des artistes
renommés de la localité de l'époque des Qing. Dans le jardin, on
trouve encore des sites évoquant des poètes: un rocher où certains
d'entre eux s'exerçaient au maniement de l'épée, un kiosque où le
maître faisait ses adieux à ses amis, des arbres précieux et anciens
comme un cyprès de 1300 ans (30 m de haut et 2,8 m de diamètre)
dont la couverture de la cime atteint 25 m², et enfin quelque quatre-vingt
stèles portant des calligraphies renommées de toutes les dynasties.
Marché
des paysans de Jingzhou
Le
district de Jingzhou fut fondé en 1103, et à l'époque des Ming, il
a été un bourg de commerce important, limitrophe du Hunan, du Guangxi
et du Guizhou. À partir du règne de l'empereur Qianlong des Qing,
un grand nombre d'hommes d'affaires, venus d'autres provinces et
grandes villes, y ont ouvert leur boutique, ce qui a fait prospérer
ce petit bourg.
Un
soir, en me promenant dans une rue bordée de boutiques, de restaurants,
de centres de loisirs et de bâtiments divers, j'y ai vu des habitants
se promener en bavardant autour d'une fontaine musicale. Sur le
chemin de retour, il y avait un petit pont enjambant la rivière,
un moulin à vent qui tournait allègrement et des maisons en bois
de style miao.
Le
lendemain matin, avaient lieu les pourparlers du commerce de Jingzhou.
Un grand nombre d'habitants s'y étaient rendus. Lorsqu'un dirigeant
proclama l'ouverture des pourparlers, des élèves lancèrent des ballons
dans le ciel et les gens envahirent la foire, un peu comme ils l'auraient
fait dans un marché de paysans. À la foire, on pouvait participer
à des jeux, déguster des collations et des spécialités fabriquées
par les petits snacks, acheter des produits agricoles, des articles
d'usage courant et des outils aratoires, des produits du terroir,
des billets de loterie et même assister à des démonstrations de
charmeur de serpent.
Le
pont du Vent et de la Pluie et une soirée de feu de camp
Les
Dong sont une ethnie minoritaire qui compte plus d'un million de
personnes. Ils vivent principalement dans la région limitrophe du
Hunan, du Guizhou et du Guangxi.
L'entrée
d'un village des Dong comporte une construction représentative de
cette ethnie. Cette construction est assemblée par la technique
de tenon et mortaise, sans un seul clou. Elle est le passage obligatoire
où les Dong accueillent les visiteurs et disent adieu à leurs amis.
Avant d'entrer dans le village, les visiteurs doivent boire un bol
de vin et répondre aux questions des jeunes filles dong en chantant
selon les coutumes de cette ethnie. Si un visiteur ne sait pas chanter
ou ne répond pas bien aux questions, il devra boire du vin. Selon
la coutume, après avoir bu du vin, le visiteur devient un ami des
Dong et il doit laisser un objet qui lui est cher aux filles dong,
en guise de souvenir.
Outre
le portique d'entrée du village, on peut voir le pont du Vent et
de la Pluie, construit sous le règne de l'empereur Jiaqing des Qing.
C'est une construction combinant le style architectural des Han
avec celui des Dong. Sur le pont, il y a des galeries en bois et
trois pagodes dont le rez-de-chaussée sert de salle pour les divinités.
Les
villages des Dong sont construits soit au sommet d'une colline,
soit entre la rivière et la montagne, soit dans une vallée.
La tour du Tambour est
un autre symbole d'un village dong. Dans son rez-de-chaussée de
forme carrée, est suspendu un grand tambour rectangulaire. En cas
d'urgence, on le frappe pour rassembler les villageois. Chez les
Dong, les tours du Tambour ont trois à cinq étages, mais certaines
ont une dizaine d'étages pour faciliter la transmission de la nouvelle.
Les Dong considèrent la tour du Tambour comme l'âme du village.
En cas d'événements importants, les villageois s'y réunissent pour
discuter des moyens à prendre pour résoudre les différends, discerner
le vrai du faux, prendre des contre-mesures. D'ordinaire, après
le travail, les paysans vont s'y reposer, y bavarder, chanter et
jouer du pipa; aux jours de fêtes, on y organise des concours de
lusheng (un instrument de musique) et des danses du dragon, on y
accueille les hôtes et y fait ses adieux aux amis. Dans le village
de Huangtu, il y a deux tours du Tambour coiffées d'une double toiture
aux angles fortement retroussés vers le haut. La tour du Tambour
du village de Touzhai fut construite sous le règne Yongle des Ming
et conservée parfaitement grâce à des réparations. Le village de
Huangdu compte quatre tours dont une seule est dotée d'un tambour.
D'après une légende, quatre frères y auraient vécu sous le règne
Yongle des Ming, et ils auraient décidé d'installer le tambour seulement
dans une tour, ce qui reflète l'union et l'entraide des villageois
en cas de difficultés et de dangers.
Les
maisons sur pilotis constituent le style architectural principal
des villages des Dong. Les ancêtres des Dong créèrent ce style de
construction pour protéger leur maison des animaux sauvages et des
reptiles. Ces maisons en bois de cyprès, dont les pièces sont aussi
assemblées par la technique de tenon et mortaise, sont très solides
et sûres. En général, le rez-de-chaussée sert d'entrepôt et d'étable,
le premier étage, de salle séjour, de chambre à coucher pour le maître
de la famille et de salle à manger, le deuxième, de chambre à coucher
pour les jeunes et de dépôt de céréales. Certaines maisons sont reliées
les unes aux autres par des galeries, mais la plupart sont indépendantes.
Fort
heureusement, j'ai eu la chance de participer au grand banquet que
les Dong organisent lors des jours de fête et des célébrations.
Ce jour-là, le banquet avait été organisé sur le pont du Vent et
de la Pluie. Les villageois dong et des touristes étaient rassemblés
autour d'une table. En face de moi, il y avait des jeunes filles
venues de Huaihua et un garçon dong vêtu d'un costume ethnique,
l'un des membres de la Troupe de la culture des Dong. Le banquet
a commencé dans une atmosphère chaleureuse, les touristes et les
villageois dansaient main dans la main et chantaient en buvant du
vin fabriqué par les Dong eux-mêmes. Comme les filles et les garçons
apportaient sans cesse du vin aux touristes en chantant, un visiteur
qui ne supportait pas très bien l'alcool a même dû partir à la hâte!
Durant le banquet, nous avons dégusté des plats délicieux préparés
avec des légumes salés, de la viande et du poisson salés ( les Dong
salent selon des procédés traditionnels, c'est-à-dire pendant trois
à cinq ans et même pendant une quarantaine d'années). Le riz qu'on
prépare dans un tronçon de bambou est très savoureux et parfumé.
Le
banquet terminé, les jeunes dong firent leurs adieux aux participants
en chantant .
À la nuit tombée, nous
nous sommes réunis autour d'un feu de camp pour admirer les représentations
de chant et de danse données par la troupe, entièrement formée des
Dong de la localité. Ces artistes n'ont pas reçu de formation professionnelle,
mais ils ont appris à danser et à chanter auprès des plus vieux
villageois. Les numéros qu'ils présentent incarnent l'esprit artistique
des Dong. Cette troupe a donné des représentations dans d'autres
régions et même à l'étranger, et elle a été hautement appréciée
des spectateurs.
CHEN
XIAOTIAN est journaliste indépendant.
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