L'entrée
à l'OMC: un nouveau
jalon de l'économie chinoise

QU'arrivera-t-il
lorsque la Chine entrera à l'OMC? Cette discussion est en cours
parmi les hommes d'affaires de Beijing et de Shanghai. GM vendra-t-elle
davantage de voitures? AT & T pourra-t-il ouvrir une brèche
dans le monopole chinois des télécoms?…Les analystes de marché
de New York, Paris et Francfort s'activent à trouver des réponses.
Mais,
en fait, ces questions sont des peccadilles. Le cœur du changement
aura lieu à l'intérieur de ce pays ancien. Suite à son entrée
à l'OMC, la Chine ouvrira bien grande les portes de son économie,
isolée du reste du monde. Dans ce pays ancien, des milliers de
kilomètres séparent les villes côtières les plus développées des
villages pauvres reculés des provinces de l'Ouest. Comment les
nouvelles société publiques en science et technique, qui viennent
tout juste de s'ajuster aux coutumes internationales, trouveront-elles
l'occasion de se développer? Comment les secteurs de la finance
et des assurances arriveront-ils à se conformer au marché mondial?
Les jeunes Chinois pourront-ils trouver de meilleurs emplois?
Les entreprises d'État, à l'équipement vétuste et au déficit énorme,
pourront-elles être réanimées? Toutes ces questions doivent dorénavant
être jugées à l'aune de l'entrée de la Chine à l'OMC, surtout
que, maintenant, son entrée n'est qu'une question de temps. Depuis
le 15 décembre 1999, date à laquelle les gouvernements chinois
et américain ont conclu à Beijing un accord bilatéral sur le sujet,
la glace a commencé à fondre. Les négociations multilatérales
sont déjà entrées dans l'étape finale et les engagements de chaque
partie se transforment en dossiers de 1000 pages.
Que
signifie l'OMC?
Aux
yeux des Chinois, l'entrée à l'OMC ne signifie pas des accords précis
et des
pourparlers difficiles; pour eux, elle est du ressort de la vraie
vie. Selon M. Luo de Shanghai, l'OMC est une chose sûre: "
Il y a quelques jours, j'ai acheté, à l'étranger, une paire de chaussures
de sport de marque Clarks qui coûtaient 40 £, soit à peu près 500
yuans. La même paire de chaussures coûte 2 000 yuans sur la rue
commerciale Nanjing à Shanghai. Avec la baisse des frais douaniers,
les produits étrangers de bonne qualité ne se vendront plus aussi
cher. " M. Luo vient de rentrer de l'étranger. Son voyage
l'a fortement marqué. À Beijing, M. Xu considère l'OMC sous l'angle
des voitures: " Je veux une voiture importée. À prix semblable,
la voiture importée offre de bonnes qualités fonctionnelles par
rapport à la voiture chinoise. Si son prix baisse, je crois que
je vais acheter une BMW. "
M.
Ma Lin, qui a fait une maîtrise en droit aux États-Unis pendant
un an, voit un lien entre l'OMC et les télécoms chinoises. "
J'habitais au Missouri et je ne payais que 27 dollars US par mois,
a-t-il dit. À l'intérieur du département, les appels de téléphone
étaient gratuits et les appels interurbains ne coûtaient que 10
cents la minute, car la concurrence dans le secteur des télécoms
y est très acharnée. Je pense que ce sera aussi comme ça en Chine.
"
Pour
M. Zhou, qui a une profession libérale, l'OMC sera probablement
une incitation à souscrire à une assurance. Selon ses dires :
" Je n'ai aucune assurance. Les conditions des compagnies
d'assurance sont très exigeantes et leur service n'est pas bon.
Il y a un grave problème de gestion dans les compagnies d'assurances
chinoises. " Après l'entrée de la Chine à l'OMC, ce monsieur
aura davantage de choix. " Les compagnies d'assurance étrangères
possèdent une bonne expérience, leur fonctionnement est relativement
bon et l'assurance est, bien sûr, une bonne chose, " a-t-il
exprimé.
"
Les frais de téléphone portable baisseront, tout comme ceux de
la connexion à Internet. "
"
On pourra acheter les marchandises de meilleure qualité à moins
cher et bénéficier d'une meilleur service. "
Les
points de vue semblables abondent. Pour la majorité des gens,
l'entrée de la Chine à l'OMC leur donne l'impression qu'ils pourront
acheter des articles de bonne qualité à bons prix. Mais sa portée
ne s'arrête pas là, et elle contredira peut-être même leur espoir.
Certains
s'imaginent qu'entrer à l'OMC ressemble à circuler sur l'autoroute.
La circulation y est fluide, mais la construction de l'autoroute
demande beaucoup d'investissements…
"
À long terme, l'entrée de la Chine à l'OMC fait miroiter des perspectives
brillantes. Mais au début, les entreprises chinoises seront moins
concurrentielles, subiront les attaques de l'économie étrangère,
vivront des jours difficiles et certaines feront même faillite.
C'est l'effet de court terme inévitable et le prix à payer pour
entrer à l'OMC, " a dit Mme Zhang, une économiste.
M.Tout
le monde n'a pas qu'un rôle de consommateur. À court terme, sous
l'influence de l'OMC, le prix des marchandises, allant des articles
d'usage courant jusqu'à la voiture et au logement, tendra à baisser.
D'autres part, les entreprises d'État approfondiront leur réforme
et davantage de leurs employés excédentaires verront leur sort
confié à la société. La forte baisse des tarifs douaniers sur
les produits agricoles causera un excédent de main-d'œuvre dans
les campagnes chinoises. Cela neutralisera les aspects positifs
qu'apportera l'OMC à l'homme de la rue.
Sans
aucun doute, le plus grand défi qu'apporte l'OMC à la Chine se
trouve au niveau de l'emploi. Le niveau de scolarité et les qualifications
de chacun auront une relation plus étroite avec sa vie professionnelle.
Beaucoup
de jeunes commencent à étudier l'anglais, croyant que l'ouverture
de l'économie chinoise sera plus grande et que les occasions favorables
seront plus nombreuses si l'on connaît une langue étrangère. Les
étudiants chinois qui font des études à l'étranger reviendront
peut-être en Chine. Ils suivront des entreprises étrangères qui
viendront en Chine, afin de développer leur carrière. Certains
d'entre eux avaient déjà cette idée, mais n'avaient pas encore
trouver l'occasion de le faire; l'OMC leur en fournira une.
L'impact
qu'exercera l'OMC sur l'économie chinoise n'a rien de comparable
avec celui qu'a exercé l'ouverture du marché chinois. Cette fois-ci,
les sociétés étrangères auront le droit de participer à presque
tous les secteurs économiques. En fait, quelle sera leur influence,
voilà une question à laquelle on ne peut répondre maintenant.
Pour connaître les changements qui s'opéreront en Chine, il faudra
attendre une dizaine, voire des dizaines d'années.
Mais
dans certains secteurs économiques, l'effet de l'OMC sera rapide.
L'autoroute
informatique passe devant notre porte
La
situation de monopole est un problème essentiel des télécoms chinoises,
car cette situation engendre des hausses constantes des frais
de téléphone, influence toutes les couches du secteur informatique
et surtout empêche la généralisation rapide d'Internet. C'est sans
aucun doute une grande menace à la capacité concurrentielle future
de l'État. Les télécoms sont le secteur sur lequel les discussions
entre la Chine et l'étranger ont été les plus acharnées au moment
des pourparlers. Après son entrée à l'OMC, conformément à " l'Accord
de base sur les télécommunications ", la Chine s'engagera à ouvrir
son secteur des télécoms aux capitaux étrangers, permettra aux investisseurs
étrangers de participer au grand marché des télécoms chinoises et
continuera pendant quelques années à augmenter le pourcentage du
contrôle des actions dans ce secteur. Depuis les années 90, le taux
de croissance moyen du secteur chinois des télécoms se situe à 45
%. Rien qu'en 1998, le nombre des nouveaux abonnés du téléphone a
atteint 18 millions, et celui des abonnés du téléphone portable,
11 millions. Les étrangers perspicaces ne laisseront sûrement pas
échapper ce grand marché.
Après
son entrée à l'OMC, la Chine a aussi promis d'enlever des barrières
douanières tarifaires sur les semi-conducteurs, les ordinateurs,
l'équipement des télécoms et d'autres produits de technique de
pointe.
Actuellement,
les télécoms chinoises se subdivisent sous l'égide du gouvernement
chinois. La concurrence entre trois entreprises importantes (China
Telecom, Unit Telecom et Jitong) commence à se former, depuis
l'ouverture du marché des télécoms à la concurrence. Les coûts
des télécoms chinoises vont devoir se mesurer aussi avec ceux
d'autres pays. Les consommateurs vont en tirer profit.
Voiture:
les rêves seront réalisés
Avec
la fin des pourparlers sur l'entrée de la Chine à l'OMC, l'industrie
automobile chinoise, qui, en catimini, s'inquiétait de son sort
depuis plusieurs années, s'est trouvée soudainement à un carrefour:
baisser le prix de vente ou pas?
Le prix
de vente d'une Buick en Amérique du Nord est de 20 800- 22 800
dollars US, soit environ 180 000 yuans. La même voiture se vend
319 000 – 369 000 yuans à Shanghai, mais le revenu moyen d'un
Chinois n'est que le dixième de celui d'un Américain.
L'industrie
automobile était auparavant protégée. Il existe plus d'un millier
d'entreprises automobiles qui, règle générale, manquent de capacité
concurrentielle. Tous leurs produits rassemblés ne représentent
qu'une part infime de ceux de GM; l'industrie chinoise est classée
comme une " industrie en herbe ". Au cours des pourparlers,
cette industrie a obtenu un sursis de cinq à six ans. Selon les
accords, après son entrée à l'OMC, la Chine devra supprimer, à
partir de juillet 2005, les quotas et les permis d'importation.
À partir de juillet 2006, le tarif douanier sur les voitures devra
être abaissé à 25 %. Bien qu'il ne reste que cinq ans à l'industrie
chinoise de l'automobile, elle a encore des chances devant elle.
À cette époque, beaucoup de personnes auront les moyens d'acheter
une voiture économique importée de bonne qualité. Avec la pression
exercée par la concurrence des voitures importées, le prix des
véhicules baissera beaucoup et, dès lors, de plus en plus de
personnes seront en mesure de se procurer une voiture.
La
Bourse va se régulariser
Au
plan macro-économique, l'entrée à l'OMC exercera une influence sur
l'économie chinoise qui se répercutera sur les cours de la Bourse.
Les secteurs des textiles et du commerce portuaire ont tous les
deux de brillantes perspectives, mais les secteurs automobile,
mécanique, électrique et technique ne seront pas les grands favorisés.
Parmi plus de 1 000 sociétés cotées à la Bourse, les secteurs et les
entreprises durement frappés seront plus nombreux que ceux qui
en tireront profit.
Beaucoup
de gens trouvent qu'en Chine, la Bourse ne se conforme toujours
pas aux normes, et que les opérations en coulisses sont fort nombreuses.
Les boursicoteurs ont du mal à les connaître. Actuellement, aux
Bourses de Chine, on compte plus de 200 sociétés dont le résultat
n'est pas bon, 49 sociétés qui sont déficitaires et qui le sont
même depuis des années d'affilée. Pourtant, elles apparaissent
sur le marché des valeurs et leur titre monte en flèche.
Après
l'entrée à l'OMC, on ne parlera pas seulement de pertes et de
profits du marché des valeurs chinois, mais à la base, de l'édification
du système de marché. Cela veut dire: se conformer strictement
aux règles du jeu internationales. Les règles du jeu et les critères
à la chinoise qui existaient auparavant n'auront plus leur raison
d'être. Le contrôle, les règles et la supervision du marché devront
se conformer avec ceux du marché international. Toutes les mesures,
y compris le macro-contrôle du marché, devront s'ajuster au système
de marché. Ce sera la force motrice de la transformation en profondeur
du marché chinois des titres de valeurs.
Les
sociétés cotées à la Bourse subiront plus ou moins de contre-coups.
On peut prévoir que pendant les quelques années à venir, ces sociétés
vont se diviser et se transformer. Il n'y a que les entreprises
qui auront réussi à faire face à la concurrence des entreprises
étrangères qui pourront être inscrites au marché des valeurs.
La force intrinsèque du marché et la pression étrangère vont faire
que ce marché subira une transformation radicale.
Selon
les enquêtes des journalistes, la plupart des Chinois sont optimistes
quant à l'entrée à l'OMC, mais derrière cet espoir, des challengers
font déjà surface dans tous les secteurs.
Aux
yeux des Chinois, un petit changement signifie l'établissement
d'un nouveau système dans un secteur donné. Ce grand pays est
en train de s'intégrer au système économique mondial.
Les
entreprises chinoises doivent s'adapter à la concurrence. Pour
elles, l'entrée à l'OMC leur lance des défis, mais leur donne
aussi le temps et l'occasion.
L'entrée
à l'OMC est plutôt un long processus qu'un résultat. Depuis le
début de l'ouverture jusqu'aujourd'hui, en même temps que la Chine
faisait des efforts pour entrer à l'OMC, elle élargissait peu
à peu ses idées et accélérait sa cadence. L'ouverture ne pourra
être achevée d'un seul coup, mais elle sera réalisée peu à peu.
YI
REN est reporter à la pig