Les Ouïgours
Les
Ouïgours, dont la population s'élève à
quelque 7,2 millions de personnes, vivent pour la plupart dans la
région autonome ouïgoure du Xinjiang qui couvre environ
le sixième de la superficie de la Chine. Cette région
est délimitée par les monts Altay au nord, les Pamirs
à l'ouest, les Karakoram, les Altun et les Kunlun au sud.
Les monts Tianshan séparent le Xinjiang en deux parties,
et les climats et les paysages y sont très différents.
Histoire
Ce sont les Ouïgours (ethnie dont le nom
signifie unité ou alliance et dont les origines remonteraient
aux nomades Ding Ling au troisième siècle avant J.-C.)
et d'autres groupes ethniques qui ont ouvert cette région
à des époques très anciennes. À ce moment-là,
les peuples y maintenaient des liens économiques et culturels
très étroits avec la Chine centrale.
Dans les temps anciens, le Xinjiang était tout simplement
appelé " contrées occidentales " et, comme
en témoignent de nombreuses ruines que l'on trouve dans la
région, les dynasties des Han de l'Est et de l'Ouest (206
av J.-C.- 220 apr. J.-C.) y ont été présentes.
Les registres prouvent aussi que des envoyés s'y sont rendus
en 138 et en 119 av. J.-C. En 60 av. J.-C., l'empereur Xuan Di des
Han de l'Ouest y a établi l'Office du gouverneur des contrées
occidentales pour superviser les " 36 États " au
nord et au sud des monts Tianshan. De 220 à 581, cette région
a été sous la dépendance du gouvernement de
la Chine centrale. Au milieu du VIIe siècle, la dynastie
des Tang y a établi l'office du gouverneur à Anxi
(la ville de Turpan d'aujourd'hui).
Au fil des siècles, les Ding Ling furent appelés les
Tie Le, les Tie Li, Chi Le ou Gao Che. De nombreuses tribus se rallièrent
au sein des Tie.Le pour résister à l'oppression turque.
Ces anciens Ouïgours furent finalement conquis par les Kirghizes
au milieu du IXe siècle. La majorité des Ouïgours
qui étaient alors disséminés dans de nombreuses
régions, se déplacèrent dans les contrées
occidentales, d'autres dans l'ouest de la province du Gansu. Les
Ouïgours se mêlèrent peu à peu aux nomades
turques et aux Han qui avaient émigré dans la région
des monts Tianshan. Il y eut des mariages avec des Tibétains
et des Mongols, et l'ethnie a évolué au fil du temps
vers le groupe connu aujourd'hui sous le nom des Ouïgours.
Les Ouïgours ont accompli des progrès culturels et socio-économiques
rapides entre le IXe siècle et le XIIe siècle. Ils
se sont sédentarisés. Les liens commerciaux avec la
Chine centrale se sont multipliés. On échangeait alors
des chevaux, du jade, des médicaments, du thé, de
la soie (route de la Soie) et de l'argent. Puis le système
féodal s'est établi, avec des propriétaires
de terres et d'animaux, comprenant des khans ouïgours et des
officiels (Boke) à tous les échelons. À la
fin du Xe siècle, l'islam a été introduit et
son influence s'est tellement répandu qu'il a supplanté
de nombreuses autres religions. Deux centres principaux de culture
ouïgoure ont vu le jour : Turpan et Kashgar. Durant la dynastie
des Yuan, les Ouïgours ont exercé une influence importante
sur la politique, l'économie et la culture et beaucoup ont
été nommés officiels. Au début du XIIIe
siècle, Genghis Khan (1162-1227) a affecté un officiel
de haut rang dans la région. Deux provinces ont été
établies. Le Commandement militaire de Hami a été
établi durant les Ming (1368-1644). Cette dynastie a été
une époque d'instabilité et de séparatisme,
sous le khanat de Yarkant, mais les liens entre les Ouïgours
et les autres groupes ethniques sont devenus plus forts durant les
Qing. Gerdan, chef des Dzungars du nord du Xinjiang a renversé
le khanat de Yarkant en 1678 et il est devenu le chef de la région
ouïgoure. Les rebellions ont étécependant fort
nombreuses. Le gouvernement des Qing a instauré un système
local de commandement militaire et a nommé un général
à Ili. Un système de préfecture et de districts
a été établi. La cour impériale a alors
commencé à nommer les officiels locaux plutôt
que de leur permettre de léguer leur titre à leurs
enfants. Cette mesure a permis d'affaiblir le système féodal
local. Au milieu du XVIIIe siècle, le Xinjiang est passé
complètement sous la gouverne des Qing. Bien que les réformes
politiques eussent limité les privilèges des Boke
(seigneurs), le niveau de vie ne s'est pas beaucoup amélioré.
Les officiels des Qing taxaient le peuple autant que les seigneurs.
Cette exploitation a donné naissance au soulèvement
Uqturpan en 1765, la première rebellion armée des
Ouïgours contre le féodalisme. Pour préserver
leur régime et se débarrasser des Qing, les propriétaires
féodaux ouïgours ont alors utilisé les luttes
entre factions religieuses pour encourager le nationalisme et camoufler
la lutte des classes.
Peu après la guerre de l'Opium, les Ouïgours, influencés
par la rébellion des Taiping et les soulèvements paysans
du Yunnan, du Shaanxi et du Gansu, ont initié un soulèvement
armé contre les Qing en 1864. De nombreux groupes séparatistes
ont alors vu le jour. Durant cette période, des hauts dirigeants
nationalistes ou religieux profitèrent toutefois de cette
vague nationaliste et devinrent en quelque sorte des petits rois
ou des khans. Des luttes intestines suivirent. Le commandement général
du khanat de Kokand, Yukub Beg, encouragé par les Britanniques,
envahit le Xinjiang en 1865 et y établit le khanat des sept
villes. L'exploitation connut un sommet. Pour préserver les
intérêts de la Russie et maintenir un équilibre
d'influence avec la Grande-Bretagne en Asie centrale, le tsar signa,
en cachette des Qing, un traité de commerce avec le commandant.
Alors que les soulèvements continuaient, la Russie déclara
qu'elle ne pouvait rester à ne rien faire, elle envoya des
troupes à Ili en 1871 et y commenca une décennie de
régime colonial.. En 1877, les Qing renversèrent Yukub
Beg et recouvrèrent le Xinjiang et signèrent le traité
de Ili avec la Russie en 1881. Dans ce traité, la Chine cédait
de grandes superficies de terres à la Russie. Le gouvernement
des Qing décida ensuite de faire de la région, anciennement
gouvernée par un général à Ili, une
nouvelle province qu'il nomma Xinjiang. Après 1911, le régime
des Qing fut remplacé par les seigneurs de la guerre. Sheng
Shicai usurpa le pouvoir au Xinjiang dans un coup en 1933. Ce fut
l'époque de nombreux mouvements séparatistes. En 1933,
les Communistes commencèrent leurs activités révolutionnaires
dans la région. Sheng Shicai s'associa au Guomindang qui
commença à régner sur le Xinjiang en 1944.
Comme les taxes étaient élevées, des soulèvements
eurent lieu dans certaines régions, ce qui accéléra
la libération de la région en 1949. En 1953, le régime
féodal avait été complètement éliminé.
La Région autonome ouïgoure fut établie officiellement
le 1er octobre 1955. Durant la révolution culturelle (1966-1976),
les soulèvements furent nombreux et le gouvernement dut redoubler
d'efforts en 1978 pour réinstaller la stabilité et
amorcer une nouvelle période de développement alignée
sur la réforme et l'ouverture.
Us et coutumes
Autrefois,
les Ouïgours avaient une diète basée sur les
fruits séchés et les céréales. Aujourd'hui,
le blé, le riz et le maïs sont des aliments de base.
Les Ouïgours aiment également le thé au lait
avec du maïs cuit et les gâteaux de blé. Le riz
sucré cuit avec du mouton, de l'agneau, des carottes et des
raisins secs, des oignons est un mets de fête.
Depuis longtemps, les Ouïgours cultivent le coton et ont une
industrie du tissage, de sorte que le port de vêtements de
coton est chose courante dans la région. Les hommes portent
une longue tunique appelée qiapan, ouverte à droite,
avec un col en biais, sans boutons; à la taille, ils enroulent
une longue bande de tissu. Les femmes portent des robes à
manches amples et des vestons noirs avec boutons cousus sur le devant.
De plus en plus cependant, la mode vestimentaire occidentale prend
la place. Toutefois, tous aiment porter un petit chapeau quadrilatéral
ornés de broderies au motif ouïgour. Les femmes aiment
se parer de boucles d'oreille, de bracelets et de colliers. Les
jeunes filles nattent souvent leurs cheveaux en plusieurs petites
tresses et considèrent les longs cheveux comme un signe de
féminité. Après le mariage, elles ne tresseront
que deux queues de cheval et elles orneront leur chevelure de peignes
en forme de croissant. Certaines ramasseront leurs tresses en chignon.
Au cours des siècles, de nombreuses mosquées,
mazas (complexe funéraire de nobles ouïgours) et de
séminaires ont été établis dans la région.
La religion a eu une grande influence sur les affaires économiques,
juridiques et éducatives, ainsi que sur les familles et le
système matrimonial ouïgours. On s'est longtemps servi
des règles religieuses pour épouser plus d'une femme
et pouvoir les divorcer en n'importe quel temps. Le mariage des
Ouïgours ordinaires étaient arrangés par les
parents. Le chauvinisme mâle était courant dans les
familles, et les femmes, humiliées, se retiraient souvent
dans la prière. Aujourd'hui, la religion est de plus en plus
une question personnelle, et comme la science et les connaissances
se répandent, les vieilles habitudes féodales disparaissent
peu à peu.
La littérature ouïgoure est
très riche aux plans du style et du contenu. On compte d'innombrables
contes folkloriques, paraboles, comédies et poèmes
qui font l'éloge du courage, de la sagesse et de la bonté
des gens du commun, tout en faisant la satire de la cruauté
et de la folie des exploiteurs. Par exemple, Les Contes de Afandi,
font la satire des Bayis et des imams qui exploitent le peuple.
La grande partie de la littérature écrite des Ouïgours
a été transmise depuis le XIe siècle; mentionnons
le Kutadolu Biliq de Yusuf Hass Hajib et le Dictionnaire turc de
Moham Kashgar, qui sont des oeuvres importantes pour ceux qui s'intéressent
à l'histoire, à la culture et au langage des Ouïgours.
Les Ouïgours excellent dans la danse. Les Douze Mukams (opéra)
est une épopée qui comprend plus de 340 chants classiques
et danses folkloriques. Il y a une foule d'instruments de musique
ouïgours, que ce soit des instruments à corde, à
vent ou à percussion, dont le dutar, le rawap et le dap.
Les deux premiers sont des instruments au son clair pour les solos,
le dap est un tambourin en peau d'agneau avec plusieurs petits anneaux
en fer qui sont attachés au rebord. On l'utilise pour accompagner
la danse. Les danses ouïgoures sont légères,
gracieuses, avec des chorégraphies rapides. La Danse de Sainam
est la plus populaire.
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