CHINAHOY

12-March-2016

Partir, découvrir

 

Des touristes chinois visitent le château de Versailles.

 

JIAO FENG, membre de la rédaction

Lors d'une conférence destinée à faire la promotion du tourisme en Indonésie organisée par l'Office du tourisme de ce pays le 21 décembre dernier à Beijing, Igde Pitana, directeur adjoint chargé de la promotion internationale de son pays comme destination touristique, a indiqué que le nombre des touristes chinois ayant visité l'Indonésie a été de 1,35 million en 2015, faisant part de son espoir de voir ce chiffre atteindre 2 millions en 2016. Wen Zheng, rédacteur d'une rubrique touristique, n'en est pas à sa première participation à des conférences de promotion de ce genre.

Ces activités se tiennent également dans d'autres villes chinoises : Shanghai, Guangzhou, Kunming, Chengdu ou Wuhan accueillent régulièrement offices de tourisme, ambassades et consulats de pays désireux de faire découvrir à plus de Chinois leur offre touristique. Les touristes chinois dont le nombre augmente d'année en année, représentent un pôle de croissance important pour l'économie de certains pays par la consommation et le chiffre d'affaires qu'ils génèrent dans l'hôtellerie, la restauration, les transports et le commerce de détail de ces pays.

La Chine, premier exportateur de touristes

Avec l'augmentation du niveau de vie de sa population, la Chine voit de plus en plus de ses citoyens voyager à l'étranger. Les données publiées par l'Académie chinoise de tourisme révèlent que le nombre de touristes chinois voyageant à l'étranger était de 107 millions en 2014 alors qu'il a dépassé 120 millions en 2015, ce qui place le pays depuis trois années consécutives à la première place des grandes puissances du tourisme international.

Depuis quelques années, la Corée du Sud est la destination favorite des Chinois, qui ont détrôné les Japonais à la première place en termes de nombre de touristes étrangers dans ce pays. En 2014, les 6 millions de touristes chinois ont représenté 43 % de l'ensemble des visiteurs étrangers. En 2015 et malgré les craintes dues à l'épisode du coronavirus en début d'année, cette idylle s'est confirmée grâce à des mesures de facilitation des visas et d'encouragement aux achats lancées par le voisin asiatique de la Chine.

Les statistiques de l'Agence japonaise du tourisme montrent quant à elles un doublement du nombre des touristes chinois vers le Japon en 2015 par rapport à 2014, passant la barre des cinq millions et représentant un quart des visiteurs étrangers au pays du Soleil levant.

La Russie est une autre destination prisée du public chinois. D'après les données du Bureau des services douaniers russes, le nombre des touristes chinois ayant visité la Russie dépassait 1,1 million en 2014, dépassant pour la première fois le nombre des Allemands dans ce pays, un chiffre qui atteignait 1,3 million en 2015.

Les données du ministère de l'Intérieur du Royaume-Uni publiées en septembre 2015 indiquent la même tendance, puisque nos compatriotes ont obtenu 17,23 % des visas délivrés par les services britanniques, un nombre supérieur à celui des visas émis en Inde ou aux États-Unis.

Par ailleurs, les touristes chinois représentent la deuxième source de touristes étrangers en Australie et la sixième aux États-Unis. D'autres données montrent en outre une passion qui ne se dément pas pour les voyages vers la Turquie ou l'Europe orientale, tandis que l'Afrique et l'Amérique du Sud pourraient commencer à tirer leur épingle du jeu et constituer de nouveaux eldorados touristiques pour les Chinois.

Pourtant, pour une population totale de 1,363 milliard de personnes (Hong Kong, Macao et Taiwan non compris), le taux de détention de passeports reste faible. Moins de 6 % des Chinois en possèdent un, et on peut dire que le marché des voyages à l'étranger se trouve dans une phase embryonnaire. D'après le Rapport annuel 2015 sur le développement du tourisme extérieur chinois, les touristes franchissant les frontières de leur pays d'origine proviennent principalement des régions orientales les plus développées : Beijing, Shanghai ou Guangzhou. Le tourisme à l'étranger n'est pas encore un comportement de masse à l'échelle nationale, et on constate une prépondérance des voyages courts. Avec la croissance économique, on peut s'attendre à voir le nombre des Chinois voyageant à l'étranger s'accroître encore à l'avenir.

 

Un touriste chinois fait voler une lanterne Kongming à Chiang Sar en Thaïlande, lors du Loy Kratong (fête des Lumières).

 

Baisse de coûts des voyages à l'étranger

Zhuang Tao, de Beijing, voudrait se rendre en Thaïlande avec son mari et leur fils de 7 ans à l'occasion de la fête du Printemps. Elle a fait ses comptes : un voyage organisé de cinq nuits et six jours leur reviendrait, à trois, à 8 370 yuans, soit l'équivalent de la somme de leurs deux salaires mensuels. « Chaque année, nous rentrions dans notre région natale pour y célébrer la fête du Printemps. Mais à la période des fêtes, il est difficile d'acheter des billets de train, les prix augmentent, c'est de plus en plus cher. Cette année, nous avons fait le choix de voyager à l'étranger en réservant les billets deux mois à l'avance. De cette façon, les prix sont plus raisonnables. »

Ces dernières années, l'augmentation du nombre de vols internationaux combinée à la baisse du prix du pétrole ont fait que les prix de nombreux circuits touristiques ont une tendance à la baisse. Les prix de voyages « tout compris » dans des régions proches de l'Asie du Sud, on peut trouver ce genre de formule avion+hôtel à partir de 2 000 yuans. Les plus économes consacrent un peu de temps à comparer sur Internet les offres touristiques les plus économiques et les plus commodes. Le renforcement du yuan par rapport au yen japonais, au won coréen et au rouble russe permet lui aussi de réduire le coût des voyages dans ces pays et contribue à l'afflux de touristes chinois.

Pour la Thaïlande, par exemple, il y a chaque jour plusieurs vols directs reliant Beijing et Phuket. « Comme c'est la première fois que nous voyageons à l'étranger, nous avons choisi un voyage en groupe. Lorsque nous aurons un peu plus d'expérience, je pense que nous opterons pour le voyage à la carte. Grâce à Internet, il est facile d'établir notre itinéraire à l'avance », remarque Zhuang Tao.

Hans Hanliono, représentant en Chine de la compagnie aérienne Garuda Indonesia, a déclaré que sa société allait ouvrir dès janvier et février, en coopération avec des compagnies aériennes chinoises, de nouvelles liaisons aériennes vers l'Indonésie au départ de quinze villes chinoises dont Beijing et Shanghai.

Il est de plus en plus facile de se rendre à l'étranger

Liang Hong, qui travaille pour une fondation caritative, n'a pas prévu de voyager pendant les trois jours fériés du Nouvel An. « À la fin de l'année, on est très occupé. On termine à peine le travail en cours et voilà déjà les vacances qui arrivent. C'est sur un coup de tête que mes copines et moi, nous avons improvisé un voyage à Jeju-do, en Corée du Sud, explique-t-elle. Les touristes chinois qui se rendent sur cette île sont exemptés de visa, ils n'ont besoin que de leur passeport et d'un billet d'avion. De plus, comme ce n'est pas la haute saison touristique, le logement est relativement bon marché. »

Sur les 172 pays et régions ayant établi des relations diplomatiques avec la Chine, 117 proposent des activités touristiques dans le cadre d'ADS (Approved Destination Status) aux citoyens chinois. Bien que la Chine soit classée parmi les derniers au palmarès du Henley Visa Restrictions Index, de plus en plus de pays intègrent une politique d'exemption de visa pour les détenteurs de passeports chinois, un geste de bonne volonté à l'égard de leur secteur du tourisme. Ce sont aujourd'hui 52 pays et régions qui ont mis en place l'exemption ou le visa à l'arrivée pour les citoyens chinois.

Alléchés par l'immense marché du tourisme chinois, de nombreux pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou le Japon ont eux aussi assoupli leur politique des visas.

Wu Yiyi, mère divorcée, dirige une petite société de commerce. Son fils qui travaille aux États-Unis et habite à Denver avait prévu de se marier en avril 2015, espérant que sa mère pourrait venir assister à la cérémonie. Celle-ci souhaitait profiter de cette occasion pour visiter un peu les États-Unis. « J'avais entendu dire que c'était difficile d'obtenir un visa dans mon cas. J'ai décidé de tenter ma chance et de postuler pour un visa américain. Je n'avais pas pensé que ça se passerait aussi facilement », affirme Mme Wu. De fait, la personne chargée de l'entretien pour les visas lui a seulement demandé le but de sa visite aux États-Unis, et elle a répondu qu'elle voulait assister à la cérémonie de mariage de son fils et faire du tourisme. « On remplit le dossier de candidature sur Internet, puis on paie avant de fixer la date de l'entretien. Tout peut être fait une fois. Je suis allé passer l'entretien à la date et l'heure dites, et en moins de deux heures j'ai obtenu un visa de dix ans à entrée multiple. »

Suivant l'exemple des États-Unis, le Canada émet lui aussi des visas de tourisme valables 10 ans, et le Japon des visas de 5 ans. La Grande-Bretagne a elle fait passer la durée de validité de ses visas de six mois à 2 ans à compter du 1er janvier de cette année.

Satisfaction accrue

Liang Hong a passé trois jours très agréables sur l'île de Jeju. « Le personnel d'accueil à l'hôtel, les vendeurs dans les magasins détaxés, les chauffeurs de taxi, certains patrons de restaurants parlent un peu le chinois, donc nous n'avons eu aucun problème de communication. Beaucoup de magasins consentent une remise de 10 % aux possesseurs de cartes Union Pay », explique-t-elle. Et de raconter une anecdote : un jour qu'elles se rendaient en taxi à une attraction touristique, elles se sont ravisées en cours de route, mais le chauffeur ne comprenant pas le chinois, et il est impossible de lui faire part du changement de programme. Heureusement, en composant un numéro vert indiqué sur la vitre de la voiture, elles ont pu accéder à un service en pur mandarin. Liang Hong, avec l'aide d'un interprète téléphonique, a pu communiquer au chauffeur ses desiderata. Problème réglé. « Beaucoup des services sont taillés sur mesure pour les Chinois. Par exemple, on trouve des indications affichées en chinois à l'aéroport, sur les sites touristiques, dans les menus des restaurants. » Des détails agréables pour Liang Hong et qui ont amélioré son séjour.

Wu Yiyi a quant à elle été surprise, au cours de son voyage américain, de voir une bouilloire fournie dans son hôtel. « J'avais entendu dire que les Américains ne boivent que de l'eau glacée et supposé que l'hôtel ne fournirait pas d'eau chaude. Je m'inquiétais car j'ai l'habitude de boire du thé. Mais à Los Angeles, mon hôtel proposait une bouilloire, des pantoufles jetables et d'autres articles à l'usage des touristes. Un service adapté aux habitudes des Chinois, suppose Wu Yiyi. Dans une pension en meublé, elle a trouvé un peu de vaisselle et d'ustensiles de cuisine, qui lui ont permis de faire cuire son brouet du matin ou de préparer des nouilles instantanées. »

Wu Yiyi considère que le tourisme améliore la compréhension entre les pays. Par exemple, les hôteliers avaient de la peine à comprendre pourquoi les touristes chinois étaient aussi friands de nouilles instantanées dans leurs chambres d'hôtel. C'est que les Chinois ne sont pas habitués au régime alimentaire occidental qui comprend beaucoup de viande et de produits laitiers, lui préférant des mets plus légers et plus digestes. Ayant compris qu'un régime formé pendant longtemps n'allait pas se modifier en une semaine, ils se sont mis à fournir un service adapté. « Beaucoup de contradictions prennent leur origine dans les malentendus, et le tourisme finit par améliorer la compréhension mutuelle. »

Des touristes chinois de plus en plus rationnels

Bien que les magasins détaxés et les boutiques soient pour Liang Hong et Wu Yiyi des attractions incontournables, et que les achats soient une des motivations importantes de leur voyage, on peut dire que leur comportement est celui de touristes avertis.

« Les produits de luxe, les sacs et vêtements de marque, ne figurent pas sur ma liste d'achats. J'ai acheté quelques produits cosmétiques que j'utilise d'habitude parce qu'ils sont moins chers ici qu'en Chine. J'ai aussi acheté quelques articles d'usage courant coréens et des tasses de thé qui pourront servir de souvenir pour moi ou pour des amis. » Passionnée par les films et séries télévisées sud-coréens, Liang Hong s'intéresse aussi à la culture du pays. Manger un rôti de porc, goûter à leur poulet frit, déguster une soupe aux fruits de mer, vivre la culture alimentaire coréenne fait partie de ses buts de voyage. « Il y a bien sûr des restaurants à Beijing, mais il faut se rendre dans le pays pour goûter la nourriture authentique. En outre, on peut goûter les nouilles à la sauce de haricots frits et à la viande pour découvrir les différences d'avec celles qu'on trouve en Chine. »

« C'est dans le parc national du Yellowstone que j'ai ressenti la plus forte émotion de mon voyage. J'étais soufflée par la beauté de ses paysages », assure Wu Yiyi. Avant de partir aux États-Unis, elle a pêché quelques conseils de voyage sur Internet, des expériences et des recommandations partagées par des internautes revenus d'outre-Pacifique. Des informations qui lui ont permis d'élaborer un plan de voyage détaillé : d'abord la cérémonie de mariage à Denver ; ensuite départ en voiture pour le Yellowstone ; ensuite la côte Est ; enfin retour en Chine. « J'ai fait l'impasse sur certains passages obligés comme la Statue de la Liberté ou Hollywood en me disant que j'aurai une autre occasion de les voir. Pour ce voyage, ma priorité était le parc de Yellowstone, et je n'ai pas été déçue. »

D'après des données de la société de cartes bancaires China UnionPay, les touristes chinois sont de plus en plus familiers avec les transactions de consommation courante et les petits achats. « Les transactions numériques par UnionPay montrent que si les principaux centres de consommation étaient le plus souvent, il y a quelques années, les grands magasins et les boutiques d'achat groupé, de plus en plus de touristes chinois s'aventurent désormais dans la vie locale et s'encanaillent dans des restaurants et des cafés. Leurs centres d'intérêt et leurs goûts s'élargissent, avec une consommation de plus en plus calquée sur les modes de vie autochtones », analyse Dong Li, chef de marque pour la succursale des activités internationales de China UnionPay.

 

 

La Chine au présent

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