CHINAHOY

7-November-2017

Quanzhou, la Route de la Soie maritime

 

 

Deux anciennes pagodes de pierre dans l'enceinte du temple Kaiyuan à Quanzhou

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Aperçu de cette ville du Fujian, connue pour son dialecte encore vivant, son développement marqué par l'ouverture sur le monde et sa longue tradition de dégustation du thé.

 

Dans la province du Fujian, dans le sud-est de la Chine, se trouve la ville côtière de Quanzhou. Parsemée de douces collines, de vallées et de bassins, cette ville est traversée, du nord-ouest au sud-ouest, par la chaîne de montagnes. Au fil de sa longue histoire, Quanzhou a vu naître la culture singulière du sud du Fujian, puis est devenue l'un des premiers ports de commerce chinois ouverts au monde extérieur. Riche de sa panoplie d'endroits pittoresques et de sites historiques, Quanzhou a été proclamée « point de départ de la Route de la Soie maritime » par l'UNESCO.

 

   Le pont de Luoyang, un chef-d'œuvre d'architecture ancienne à Quanzhou

 

 

Une culture au rayonnement lointain

 

La culture propre au sud du Fujian est communément appelée la culture Minnan (en chinois, « min » fait référence au Fujian, tandis que « nan » signifie « sud »). Elle a pris racine à Quanzhou et a été cultivée par la population peuplant le sud du Fujian. Propagée à travers le dialecte Minnan et imprégnée de la tradition maritime, la culture Minnan constitue une part importante de la culture chinoise, puisque sa sphère d'influence s'étend à tout le Fujian, au Zhejiang, à Guangdong et à Taiwan, allant même jusqu'à Singapour et d'autres pays d'Asie du Sud.

 

Sous les dynasties des Han (206 av. J.-C.-220) et des Jin (265-420), une multitude d'hommes et de femmes de l'ethnie han quittèrent les plaines centrales de la Chine pour migrer vers le sud, s'installant à Quanzhou. La culture de la Plaine centrale commença alors à fusionner avec celle du sud du Fujian, précipitant ainsi la formation de la culture Minnan.

 

Quanzhou connut une nette hausse de sa population et un fort développement économique sous les dynasties des Song (960-1279) et des Yuan (1271-1368). À ce moment-là, la ville devint le point de départ de la Route de la Soie maritime, de même qu'un port majeur en Orient. À mesure que débarquaient à Quanzhou des Arabes et des Perses désireux de faire des affaires, la culture Minnan s'enrichissait des traditions chères à l'Islam.

 

 

La mosquée Qingjing éclairée par le soleil couchant

 

Au cours des dynasties des Ming (1368-1644) et des Qing (1644-1911), des hommes d'affaires et des missionnaires européens apportèrent leur culture occidentale à Quanzhou, stimulant encore le développement culturel local. Après des milliers d'années à rencontrer et à intégrer des peuples variés, un système culturel diversifié, fusionnant civilisation agricole, commerce maritime et croyance religieuse, prit forme.

 

Le dialecte Minnan, l'un des huit principaux dialectes en Chine, est né à Quanzhou, mais le cercle de ses locuteurs s'étend bien au-delà des limites géographiques de sa terre natale. À Taiwan, le dialecte de Minnan est parlé quasiment partout, hormis dans les villages des ethnies minoritaires collectivement appelées Gaoshan. À Singapour, 70 à 80 % de la population locale sait parler ou peut comprendre ce dialecte. Plus de 40 millions de personnes le maîtriseraient à travers le globe.

 

Où que ce soit, l'architecture représente le fervent promoteur et la profonde incarnation d'une culture. À Quanzhou, le style architectural d'antan le plus typique est l'ancien « cuo » (ce qui signifie « maison » dans la langue locale). Ces anciens « cuo », à l'allure grandiose et ostentatoire, étaient construits en briques et en tuiles rouges, reposant sur des fondations en pierres blanches. Leur toit est creux dans le milieu et se finit en pointe fourchue et relevée à chaque angle. Le tout est agrémenté de fines pierres et de sculptures sur bois. Les résidences les plus spacieuses, dont la conception est inspirée du style traditionnel en vogue dans les temps modernes et contemporains, ont pour la grande majorité été bâties par d'éminents personnages, ainsi que par des Chinois d'outre-mer et des commerçants fortunés, pour loger sous le même toit plusieurs générations de leur famille.

 

Autre particularité architecturale à Quanzhou : les maisons dont les murs sont incrustés de coquilles d'huîtres. Ces coquilles de couleur blanc-grisâtre offrent un joli contraste avec le granit moucheté et les briques rouges. Ensemble, ils créent une vue étonnante. Ces maisons décorées de coquilles d'huîtres se répartissent principalement dans les quartiers Xunpu, Fashi, Dongmei et Jinqi, dans l'arrondissement Fengze de Quanzhou, Xunpu étant celui qui en concentre le plus.

 

« Fanzai » est un terme utilisé par les habitants de Quanzhou pour désigner les bâtiments combinant des caractéristiques de tradition chinoise et des caractéristiques de tradition étrangère, qui ont été édifiés pour la plupart sous la République de Chine (1912-1949) par des Chinois revenus d'Asie du Sud-Est. Par conséquent, ces bâtiments Fanzai ont été majoritairement construits avec des matériaux importés de cette région du monde. Réunissant les atouts des résidences traditionnelles Minnan et des styles architecturaux de l'Asie du Sud-Est, ces bâtiments Fanzai affichent une structure unique composée de briques, avec des objets d'art splendides, des peintures colorées, ainsi que de formidables gravures et sculptures.

 

Sur la Route de la Soie maritime

 

Depuis les temps anciens, la Chine entretient des contacts et mène des échanges commerciaux avec les autres pays du monde. Il y a de cela 2 000 ans, le peuple chinois d'alors a développé une route commerciale : celle-ci partait du littoral sud-est de la Chine, passait par la péninsule indochinoise, puis traversait l'océan Indien et la mer Rouge, pour enfin atteindre l'Afrique de l'Est et l'Europe.

 

Jusqu'au VIIIe siècle, cette voie commerciale maritime fut principalement empruntée pour le transport des soieries, d'où son nom de Route de la Soie maritime. Plus tard, pour diverses raisons, dont l'éclatement de guerres, la Route de la Soie maritime remplaça la voie terrestre et devint pour la Chine son principal canal d'échanges commerciaux et culturels avec les pays étrangers.

 

Alors que les techniques de construction navale et de navigation progressaient considérablement en Chine, notamment grâce à l'invention et à l'utilisation de la boussole, les navires de commerce commencèrent à voyager toujours plus loin. La Chine a ainsi tissé tout un réseau de liens directs avec plus de 60 pays et régions, boostant le développement dans les pays situés le long de cette voie commerciale.

 

Au cours de cette période, la Chine exportait majoritairement des soieries, des porcelaines, du thé ainsi que des ouvrages en fer et en cuivre. En retour, elle importait des épices, des fleurs et des plantes, ainsi que de rares artefacts réservés à l'usage royal. La Route de la Soie maritime fut bientôt connue comme la route maritime des porcelaines et des épices. 

 

Les échanges menés par Quanzhou avec les pays voisins remontent au moins au VIe siècle. Au XIIIe siècle, la ville devint le port le plus important en Chine, jouissant d'une réputation comparable au port égyptien d'Alexandrie. Quanzhou entretenait des liens commerciaux et des échanges culturels avec presque 100 pays et régions, dont l'Asie du Sud-Est, la Perse, l'Arabie et l'Afrique. Via cette voie commerciale maritime, elle exportait d'un côté de la porcelaine, de la soie, du thé et du fer, important de l'autre des épices comme du poivre, des substances médicinales et des perles.

 

Le Devisement du monde raconte en détail l'histoire de Marco Polo, explorateur italien qui séjourna 17 ans en Chine. Avant de quitter le pays, il visita Quanzhou, ultime étape de son périple. Il resta profondément impressionné par cette ville, pour son commerce en plein essor, ses abondantes ressources naturelles et sa population chaleureuse. Il écrivit : « À Citongcheng (ancien nom de Quanzhou) se trouve un port célèbre pour ses chantiers navals affairés. Des hordes de négociants s'y rassemblent, avec une infinité de produits à disposition. La fine porcelaine de Dehua s'y vend à des prix raisonnables. Avec une seule pièce en bronze vénitienne, vous pouvez acheter huit tasses en porcelaine. »

 

Le haut niveau technologique dans la construction navale à Quanzhou ne manqua pas non plus d'étonner Marco Polo. Quanzhou était l'une des principales bases de ce secteur sous les dynasties des Song et des Yuan. C'est là qu'étaient construits des bateaux parmi les plus robustes et les plus sophistiqués au monde, réputés pour leur stabilité, leur navigabilité et leurs dispositifs de sécurité stockés dans des compartiments étanches. Dans son récit de voyage, il décrit : « Le Khan émit l'ordre de construire 14 navires, chacun équipé de quatre mâts et à même de naviguer sur de longues distances… Parmi eux, au moins quatre ou cinq peuvent accueillir 250 à 260 matelots. »

 

De nos jours, le port de Quanzhou enregistre un volume de fret dépassant les 100 millions de tonnes par an et dessert plus de 80 voies maritimes.

 

La culture du thé à Anxi

 

La Chine est la terre de plantation du thé et le berceau de la culture du thé par excellence. Localisée sur la côte sud-est du pays, la province du Fujian est, quant à elle, le lieu idéal pour faire pousser des théiers, en raison de son climat chaud et humide. Le thé Oolong, produit localement, est l'une des variétés les plus typiques en Chine ; le Tieguanyin, produit dans le district d'Anxi de Quanzhou, compte parmi les plus beaux exemples de thé Oolong.

 

Le district d'Anxi, à 53 km à l'ouest du centre-ville de Quanzhou, est le lieu de naissance du Tieguanyin et sa principale zone de production. Surnommé la capitale chinoise du thé, Anxi, ce district aux sommets verdoyants où coulent des ruisseaux limpides, bénéficie d'un temps clément tout au long de l'année.

 

L'histoire de la production de thé à Anxi remonte à un millénaire. Des agriculteurs locaux qui cultivaient le célèbre Tieguanyin composèrent un ensemble complet de techniques uniques pour la culture et la préparation, ainsi que pour la dégustation et l'appréciation du thé, forgeant ainsi des coutumes populaires uniques et donnant naissance à la splendide culture traditionnelle du thé d'Anxi.

 

Dans ce district, la pratique populaire la plus extraordinaire se nomme le Doucha (« jeu autour du thé »), une activité prenante et palpitante dont le gagnant sortait couronné. Dans les temps anciens, le Doucha était une activité sociale largement répandue, qui habituellement était organisée dans trois lieux distincts : certains Doucha se tenaient dans des ateliers de transformation du thé, pour permettre aux participants de goûter et d'évaluer les feuilles fraîchement coupées ; d'autres confrontaient vendeurs et amateurs de thé dans les boutiques spécialisées du centre-ville, dans l'optique de stimuler les affaires et d'attirer les clients ; d'autres encore réunissaient des érudits et des officiels, qui jouaient à leur version revisitée du Doucha, savourant paisiblement leurs tasses de thé au milieu de célèbres lieux pittoresques ou dans des villas de hauts fonctionnaires.

 

À Anxi, parmi les accros au Doucha figuraient des fabricants de thé experts, des amateurs de thé ordinaires et des commerçants spécialisés. À chaque période de récolte, cette activité du Doucha avaient lieu partout : des petits jardins aux domaines des producteurs, des salons de thé aux boutiques spécialisées, sans oublier les sites de compétition où les organisateurs recherchaient qui serait sacré « roi du thé ». Un groupe d'experts se rassemblaient autour de plusieurs tables carrées de style ancien, assis sur des longs bancs en bois. Des dizaines de tasses de thé placées devant eux laissaient échapper un subtil arôme. Toute la joie de boire du thé !

 

La version du Doucha la plus formelle et la plus sérieuse est habituellement organisée par les organes gouvernementaux de différents niveaux : il s'agit du concours pour désigner le « roi du thé ». Lors de la compétition, les participants commencent par remettre un échantillon de leurs propres feuilles de thé conformément aux exigences. Le comité organisateur invite alors des experts à venir juger la qualité du produit, en tenant compte de divers facteurs tels que son apparence, sa couleur, son parfum et sa saveur, en présence d'un notaire appelé à superviser tout le processus. Le vainqueur se voit remettre, en plus d'un trophée, une couronne allant à merveille avec la robe rouge qu'il porte nouée autour de la taille par une large ceinture. Il est ensuite transporté dans une chaise à porteurs, en tête d'une parade réunissant des centaines de personnes. Cette procession déferle alors dans les rues et voies principales de la ville.

 

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