CHINAHOY

2-June-2017

À la mode chinoise Le krav-maga prend de l’essor en Chine

 

Le 6 mai 2017, une entraîneuse israélienne guide des élèves dans un club de krav-maga.

 

Le krav-maga, un système de self-défense israélien, gagne en popularité en Chine en répondant à une demande croissante des jeunes Chinois.

 

JACQUES FOURRIER*

 

La Chine est célèbre dans le monde entier pour ses arts martiaux, qu'il s'agisse des enchaînements spectaculaires du wushu (arts martiaux) moderne, des mouvements gracieux de taï chi ou des compétitions de sanda (boxe chinoise) ou de shuaijiao (lutte chinoise). Les films de kung-fu et des acteurs comme Bruce Lee, Jackie Chan et Jet Li sont en grande partie à l'origine de cette popularité. D'autres arts martiaux et sports de combat, notamment l'aïkido japonais, le muay-thaï thaïlandais et le jiujitsu brésilien, sont très prisés des jeunes Chinois. Le dernier venu dans la cour des grands est le krav-maga israélien. Son avenir en Chine est d'autant plus assuré qu'il répond aux besoins des citadins modernes.

 

Eyal Yanilov, spécialiste mondial de cette discipline, était à Beijing au mois d'avril pour proposer un séminaire de haut niveau et donner un cap au développement du krav-maga en Chine.

 

Un système de combat réaliste

 

Le krav-maga est né des circonstances tragiques qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale. L'antisémitisme en Europe a contraint les Juifs à s'organiser pour lutter contre les violences que leur communauté subissait. C'est dans les années 1930 qu'Imi Lichtenfeld, âgé d'une vingtaine d'années, a commencé à mettre au point des techniques de combat à main nue et de corps à corps pour défendre les siens à Bratislava, alors en Tchécoslovaquie. Cet athlète complet spécialisé dans la gymnastique, la boxe et la lutte décide d'émigrer dans la Palestine d'alors durant la guerre et va former les troupes juives, puis israéliennes, au combat au corps à corps.

 

Dans les années 1960, la retraite étant venue, Imi Lichtenfeld va se consacrer au développement du krav-maga pour l'adapter aux besoins de la vie civile et en faire un système complet de self-défense pour les hommes et les femmes, jeunes ou adultes. Avec l'aide de ses plus proches élèves, le krav-maga va aussi s'exporter en Europe et aux États-Unis pour entrer dans les programmes de formation des troupes d'élite et des forces spéciales.

 

Eyal Yanilov est l'un des plus proches élèves d'Imi Lichtenfeld. Ce globe-trotter de 58 ans a créé Krav Maga Global (KMG) en 2010 pour unifier l'enseignement de cette discipline dans le monde et la faire entrer de plain-pied dans le XXIe siècle. KMG est présent dans plus de 60 pays et compte plus d'un millier d'instructeurs.

 

Dans le cadre d'une tournée en Asie qui l'a conduit en Corée du Sud, au Japon et en Chine en avril, Eyal Yanilov a rencontré les cadres et instructeurs de krav-maga de Chine à Beijing et constaté que la discipline prenait un essor croissant. « Par rapport à l'an passé, le nombre de pratiquants et la qualité de l'enseignement ont considérablement progressé », reconnaît-il.

 

Un tel succès est à mettre sur le compte d'une équipe dévouée et soudée autour de Von Ng et de son épouse Yonina Chan, deux Chinois d'outre-mer qui se sont installés à Beijing pour propager le krav-maga en Chine. KMG China compte maintenant plus de 350 élèves après environ cinq années d'activité, 80 % d'entre eux étant Chinois. Von Ng reconnaît que les débuts ont été difficiles. « L'offre à Beijing est très variée et la concurrence avec les autres styles d'arts martiaux est rude », confie-t-il. Il a su former des élèves qui sont ensuite devenus instructeurs et fidéliser les nouveaux venus en leur proposant non seulement des cours de krav-maga, mais aussi des cours de fitness et de conditionnement physique.

 

Une approche commune pour des besoins spécifiques

 

Disposant d'une base solide à Beijing et d'une notoriété croissante, KMG China veut désormais se développer dans les grandes métropoles chinoises. « Nous avons déjà bien avancé pour l'ouverture de salles à Shanghai et à Shenzhen », souligne Von Ng.

 

L'attrait du krav-maga tient à son caractère à la fois systématique et intégré. « L'apprentissage des arts martiaux traditionnels nécessite souvent des années d'efforts pour des résultats qui ne sont souvent pas à la hauteur des attentes », explique Eyal Yanilov. KMG propose un enseignement avec quatre niveaux (pratiquant, confirmé, expert et maître), chacun d'entre eux possédant un programme spécifique qui permet une progression rapide et garantit la maîtrise des fondamentaux.

 

KMG China compte déjà sept instructeurs chinois de niveau confirmé qui enseignent dans deux salles de l'arrondissement Chaoyang à Beijing. Chaque cours commence par un échauffement spécifique qui prépare le pratiquant à une technique et permet de développer rapidité et coordination. Le rythme est soutenu, les temps morts sont rares. « Je cherchais une activité physique stimulante et le krav-maga me permet à la fois d'apprendre des techniques de self-défense tout en renforçant ma condition physique », remarque He Ning, une jeune interprète de 30 ans qui pratique le krav-maga depuis le mois de mars.

 

Les femmes représentent une part croissante voire prédominante des nouveaux effectifs. « Au début, seuls les pratiquants d'arts martiaux connaissent le krav-maga. Ce sont eux qui forment les premières recrues », explique Eyal Yanilov. C'est exactement ce qui s'est produit en Chine, les premiers pratiquants venant principalement du monde des arts martiaux traditionnels, des étrangers pour la plupart. Le bouche-à-oreille a ensuite joué, les effectifs grossissant pour compter de plus en plus de femmes attirées en priorité par l'efficacité des techniques et l'intensité des exercices. Elles sont en effet parmi les plus touchées par les problèmes de violence.

 

Si le développement rapide de la Chine s'est accompagné de progrès sociaux majeurs et d'une amélioration considérable des conditions de vie, la forte concentration urbaine a engendré des certains problèmes, notamment l'agressivité au volant, les violences liées à l'alcool et le harcèlement sexuel. « Je vais souvent en mission seule et je ne me sens pas en sécurité, reconnaît He Ning. De plus, j'ai été plusieurs fois ennuyée par des hommes dans le métro et le bus. Le krav-maga me donne un sentiment de sécurité. Je sais comment réagir si je suis confrontée de nouveau à ce type de situation. »

 

Une discipline mentale et physique

 

C'est justement pour préparer les pratiquants de krav-maga aux situations les plus inattendues et les plus stressantes que Eyal Yanilov a dirigé un séminaire le 21 avril à Beijing devant plus de 80 participants, certains pratiquant le krav-maga pour la première fois. Il a choisi de traiter des situations courantes avec plusieurs agresseurs. « Dans la plupart des cas, que vous soyez dans le métro ou dans un bar, vous serez confrontés à au moins deux agresseurs », annonce-t-il. Et d'imiter une jeune femme en train de consulter son portable sans prêter attention à son environnement immédiat. « Les agresseurs sont comme des prédateurs, ils savent à qui ils peuvent s'attaquer, ils identifient ceux qui sont faibles », précise-t-il.

 

He Ning en est convaincue, la vigilance et la confiance en ses capacités sont deux qualités essentielles. « Le krav-maga a donné davantage confiance en moi. Il s'agit davantage d'acquérir un état d'esprit que d'apprendre des techniques », estime-t-elle.

 

Ray Ally est consultant et travaille à Beijing depuis 9 ans. Ce Londonien d'une cinquantaine d'années a commencé le krav-maga il y a un an. « Je voulais surtout faire de l'exercice tout en apprenant des techniques de self-défense », explique-t-il. Durant le séminaire, son expérience et ses techniques reflètent son assiduité aux cours : une économie de mouvements, des coups secs et rapides, et des déplacements fluides qui lui permettent de contrer les simulations d'agression. « Je me suis parfois trouvé dans des situations délicates à Beijing, mais cela n'a jamais dégénéré. J'espère ne jamais être dans cette situation, mais si cela devait se produire, alors je serais prêt », dit-il en reprenant son souffle.

 

Eyal Yanilov insiste sur la dimension mentale du krav-maga. Il s'agit de prévenir une agression, de dissuader l'agresseur et de désamorcer une situation tendue. La riposte à une agression doit être proportionnée et doit permettre de garantir sa propre sécurité et celle des siens. Toujours avec beaucoup d'humour, Eyal Yanilov pose la question : « Si vous vous faites braquer avec un couteau pour votre argent, quel conseil vous donnerait votre mère ? Elle vous dirait de donner votre argent », lance-t-il en riant. Il passe ensuite de la parole aux actes. Deux instructeurs l'agressent. L'un lui met un couteau à la gorge alors que l'autre lui fouille les poches. Les coups fusent, les deux agresseurs se retrouvent à terre et Eyal Yanilov est déjà loin, en sécurité.

 

C'est sans doute l'image qui restera de ce séminaire. « Entraînez-vous constamment et votre niveau s'améliorera sans cesse », répète-t-il avant de conclure le séminaire. « La Chine est un grand pays, avec ses 1,3 milliard d'habitants et le krav-maga à sa place. Nous avons une organisation complète pour que vous puissiez propagez le krav-maga en Chine », lance-t-il pour galvaniser les participants.

 

 

*JACQUES FOURRIER est un journaliste français baséà Beijing.

 

 

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