CHINAHOY

1-June-2017

Une amitié sino-mauricienne réaffirmée

 

Le 23 septembre 2016, des disciples étrangers, dont certains venus de Maurice et de la République du Congo, donnent une représentation de kung-fu au temple Shaolin (Henan).

 

Rien ne laissait pressentir que Maurice, petit État insulaire, et la Chine, quasiment État-continent, auraient un jour à cœur de coopérer. Et pourtant, leur amitié, qui se traduit par des échanges économiques et culturels croissants, perdure depuis 45 ans et présage des perspectives radieuses à leurs relations.

 

LU RUCAI, membre de la rédaction

 

« Les relations sino-mauriciennes sont aujourd'hui en progression stable. Nous célébrons cette année le 45e anniversaire de leur établissement, une étape importante qui nous invite à passer en revue les résultats fructueux obtenus au fil des décennies, tout en envisageant les perspectives à venir », a déclaré Li Li, ambassadeur de Chine à Maurice, le 20 avril dans l'interview exclusive qui a gracieusement accordée à La Chine au présent.

 

Nouées le 15 avril 1972, les relations diplomatiques sino-mauriciennes ont dès lors suivi un développement serein. La Chine est devenue le deuxième plus grand partenaire commercial de Maurice, tandis que cet État insulaire est de nos jours la principale destination des touristes chinois voyageant en Afrique. M. Li Li a expliqué que Maurice constitue un point de passage maritime dans l'océan Indien ainsi qu'un nœud géographique majeur dans le cadre de l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie. Le gouvernement mauricien a toujours souligné que le pays jouerait le rôle de passerelle de l'Asie à l'Afrique. Cette ferme volonté du gouvernement mauricien contribuera au développement des Nouvelles Routes de la Soie, nous a assuré M. Li Li.

 

Promouvoir les échanges économiques et commerciaux

 

Contrairement aux clichés que la majorité des Chinois ont sur les pays africains, Maurice, petit État insulaire, est relativement développé. Décrit comme l'île ayant servi de modèle de paradis à Mark Twain, ce lieu attire toujours plus de touristes chinois ces dernières années. Leur nombre est passé de moins de 10 000 par an à environ 100 000 aujourd'hui, notamment sous l'influence d'un accord bilatéral relatif à l'exemption mutuelle de visa, signé en 2013. Par ailleurs, la compagnie Air Mauritius a ouvert des lignes aériennes directes vers Maurice en provenance d'un éventail de villes chinoises, dont Hong Kong, Shanghai, Beijing, Shenzhen, Chengdu et Guangzhou.

 

Parallèlement, la coopération et les échanges sino-mauriciens dans les champs économiques et techniques se sont approfondis. Les gouvernements des deux pays ont signé des accords en matière de fiscalité ainsi que de coopération économique et technique ; en 1983, ils ont mis en place une Commission mixte de coopération économique, technique et commerciale, qui vise à explorer les domaines et méthodes de collaboration, tout en résolvant les éventuels problèmes qui surviennent dans ce processus. En 2016, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et Maurice s'est chiffré à 778 millions de dollars, dont 759 millions correspondent à la valeur des exportations chinoises. Commentant ce déficit commercial, l'ambassadeur de Maurice en Chine, Lee Hon Chong, a déclaré dans l'interview qu'il a accordée à notre revue : « Avec son littoral, sa culture centenaire de la canne à sucre et son immense surface cultivable, Maurice dispose de ressources pour intensifier sa coopération avec la Chine dans le commerce des produits liés à la pêche et à la canne à sucre. » Il espère que les négociations menées en vue de la ratification d'un accord de libre-échange, actuellement à l'étude, progresseront au plus vite, puisque cet accord encouragera les échanges économiques et commerciaux entre Maurice et la Chine.

 

Depuis la prise de ses fonctions d'ambassadeur il y a deux ans, Lee Hon Chong a effectué des visites dans une quinzaine de provinces chinoises et a vivement été impressionné par le rythme de croissance rapide de la Chine. Il désire que cet essor chinois, caractérisé par des grands progrès économiques étalés sur plus de 30 années, soit source d'inspiration pour Maurice.

 

Le 19 avril, en célébration du 45e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques sino-mauriciennes, un symposium ayant pour thème « Approfondir l'amitié et se tourner vers l'avenir » a été tenu à Beau Bassin-Rose Hill. Lors de la cérémonie d'ouverture, le premier ministre mauricien Pravind Jugnauth a affirmé que Maurice, qui présentait autrefois un modèle économique monovalent, croît aujourd'hui autour de plusieurs secteurs tels que l'industrie sucrière, la transformation de produits destinés à l'exportation, le tourisme et les services financiers, le pays opérant activement une transition et une mise à niveau sur le plan économique. Dans ce contexte, il aspire à l'introduction croissante de capitaux chinois pour permettre à Maurice de réaliser l'innovation technologique. L'ambassadeur Li Li a également fait le vœu qu'une orientation permettant d'associer l'initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie à la « Vision 2030 » mauricienne soit définie plus clairement à l'issue de ce symposium, par l'identification des avantages comparatifs des deux pays en vue d'intensifier la coopération dans certains domaines clés. Xu Jinghu, représentante spéciale du gouvernement chinois pour les affaires africaines, a ajouté que les deux pays devront renforcer leur coopération mutuellement bénéfique dans l'économie maritime, la construction de la zone de libre-échange, les services financiers, le tourisme et les nouvelles énergies, pour que Maurice devienne un pont et un trait d'union entre les Nouvelles Routes de la Soie et le continent africain.

 

Le premier ministre mauricien Pravind Jugnauth prononce un discours lors du séminaire sur le 45e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et Maurice.  PHOTO : LI MENG

 

Attirer les investissements chinois

 

Divers sujets ont été abordés lors de ce symposium, notamment les atouts géographiques uniques, l'environnement d'investissement ouvert, les avantages financiers et la main-d'œuvre qualifiée dont jouit Maurice. C'est pourquoi, pour attirer les entreprises chinoises, le gouvernement mauricien lance l'appel suivant : étendre le rayonnement de Maurice à d'autres pays africains.

 

Liu Jiawei, directeur général de la filiale de Huawei à Maurice, comprend bien le positionnement géographique favorable de Maurice et son pouvoir d'attraction sur les entreprises au fil de son travail sur place. Selui lui, Huawei a déjà commencé à exploiter le rayonnement de Maurice sur le continent africain. La société chinoise a établi à Maurice un centre financier partagé et un centre de services partagés pour la région africaine, qui apportent un appui aux projets menés par Huawei dans les pays voisins. « Maurice possède l'avantage d'avoir des employés naturellement bilingues anglais-français, ce qui permet à la société de réduire le coût de la main-d'œuvre et au centre de services installé à Maurice de soutenir efficacement les projets en cours dans d'autres pays », a explicité M. Liu.

 

Pour Yang Changhe, directeur général de la zone économique conjointe de coopération Jin Fei établie à Maurice, le parc industriel Jin Fei est en train de devenir une « tête de pont » pour les entreprises du Shanxi qui souhaitent s'implanter en Afrique. Jin Fei est l'une des zones de coopération économique et commerciale que l'ancien président chinois Hu Jintao avait proposé de construire au Sommet de Beijing 2006 du Forum sur la coopération sino-africaine et l'une des premières à avoir été approuvées par le ministère chinois du Commerce parmi les zones aménagées à l'étranger. Jin Fei, poursuit M. Yang, se compose d'un quartier pour les affaires financières, d'un espace dédié aux loisirs culturels et de la zone industrielle Lingang. L'objectif visé est de faire de ce lieu une place financière orientée vers l'Afrique, une base d'accueil des touristes chinois, ainsi qu'un pôle de développement du commerce portuaire comme des services d'entreposage et de logistique. Dix entreprises s'y sont déjà implantées, et 18 autres présentes en Afrique du Sud, à Madagascar, en Inde ou à La Réunion ont exprimé leur intention d'en faire de même.

 

Plus de 300 employés bangladais s'activent dans les ateliers de l'entreprise de filage Tianli à Maurice. Créée en 2001 par le groupe chinois Tianli, cette entreprise a commencé ses activités en août 2003. Plus grande filature de Maurice, elle produit de nos jours plus de 8 000 tonnes de fil de coton chaque année pour une valeur de production atteignant 28 millions de dollars. « Tianli est l'une des premières sociétés de filage chinoises à avoir tenté l'expérience à l'étranger. Et elle existe encore ! a déclaré Wang Zaijing, directeur général de l'entreprise. Les conditions naturelles exceptionnelles de Maurice ont permis au pays de signer des accords avec l'UE et les États-Unis relatifs à l'exemption des droits de douane et des quotas pour les produits textiles. De plus, grâce au secteur financier local bien développé, les coûts de financement demeurent relativement faibles. Le seul hic : les matières premières et le marché de vente se trouvent ailleurs. Actuellement, Tianli détient 20 000 hectares de champs de coton à Madagascar et exporte 60 % de ses produits en coton vers l'Afrique du Sud, Madagascar et le Swaziland.

 

En ce qui concerne le secteur financier, la Banque de Chine a ouvert une agence à Maurice en octobre 2016. Selon le directeur Zhang Xiaoqing, cette filiale se consacrera à l'accroissement des activités financières telles que les dépôts, les prêts, les paiements internationaux, le financement du commerce, ainsi que le règlement en RMB pour les transactions commerciales transfrontalières, à dessein de servir de plate-forme de la Banque de Chine pour le continent africain. Selon M. Zhang, le secteur financier pèse plus de 20 % dans le PIB de Maurice, mais la concurrence au sein de ce secteur est acharnée. Une dizaine de banques étrangères, dont HSBC et Standard Chartered, ont fondé une succursale à Maurice. Pour ce qui est de la filiale de la Banque de Chine, elle compte 23 employés, des Mauriciens pour la moitié d'entre eux, et travaille pour une trentaine de clients professionnels, des entreprises à capitaux chinois pour la moitié.

 

Le président mauricien de l'institut Confucius Naraindra Kistamah (à gauche) et le président chinois de l'institut,Tan Xudong (à droite)  PHOTO : LU RUCAI

 

Rapprocher les peuples par le biais des échanges

 

En 2018, le Centre culturel chinois à Maurice célébrera son 30e anniversaire. Premier centre culturel chinois fondé à l'étranger, il a joué pleinement ses rôles de fenêtre sur la Chine, de pont entre les cultures et de plate-forme d'échanges entre les peuples tout au long de son existence, a commenté le directeur Song Yanqun. Outre des cours réguliers de langue chinoise, de danse traditionnelle et d'arts martiaux, le Centre propose de temps en temps des stages sur la calligraphie, l'art du thé, la broderie, la peinture chinoise, ainsi que des instruments traditionnels dont l'erhu (violon à deux cordes) et le guzheng (cithare). Une offre d'activités culturelles diverses qui séduit les Mauriciens de tous milieux.

 

L'institut Confucius nouvellement créé au sein de l'université de Maurice vient également de lancer des cours de chinois, ce qu'il a annoncé officiellement à l'occasion de la cérémonie pour le 45e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et Maurice. Les 40 premiers inscrits sont tous des étudiants de l'université de Maurice. Ils commencent par apprendre quelques notions de chinois, puis étudient de manière plus poussée des éléments sur la langue et la culture chinoises, ce qui permet de promouvoir les échanges culturels sino-mauriciens. Ce tout premier institut Confucius établi à Maurice résulte d'une coopération entre l'université de Maurice et l'université des Sciences et Technologies du Zhejiang. Naraindra Kistamah, co-président mauricien de l'institut Confucius, a souligné que sa création intervient au bon moment, puisqu'avec l'augmentation annuelle du nombre de touristes chinois, il est de plus en plus important de mieux connaître la Chine. En réalité, M. Kistamah est lui-même profondément attaché à la Chine. Son fils étudie à Ningbo, tandis que sa nièce est sortie diplômée de l'université de la Médecine et de la Pharmacologie traditionnelle chinoise de Nanjing. De son côté, le co-président chinois de cet institut Confucius, Tan Xudong, a rappelé que leur objectif n'est pas seulement de diffuser vigoureusement la culture chinoise, mais également d'ériger l'institut en une plate-forme propice à la coopération sino-mauricienne dans d'autres domaines.

 

M. Kistamah assume également le poste de doyen de la faculté de textile à l'université de Maurice. À ce titre, il a orchestré le dialogue entre les chercheurs de l'institut Charhar (think tank chinois non officiel spécialisé dans la diplomatie et les relations internationales) et les doyens des autres facultés de l'université de Maurice, le 18 avril dernier. Il attendait de ce dialogue qu'il intensifie les échanges et la coopération entre les institutions de recherche des deux pays. Un souhait exaucé puisqu'au cours de cette rencontre, le secrétaire général de l'institut Charhar, Zhang Guobin, a annoncé sa décision de faire don de livres à l'institut Confucius et de créer une bourse pour apporter un soutien financier aux jeunes de l'université de Maurice partant étudier en Chine.

 

L'institut Charhar a ainsi inauguré à Maurice son bureau général pour l'Afrique. Au cours de la cérémonie organisée pour cet événement, l'ambassadeur Li Li a exprimé sa confiance envers les perspectives diplomatiques : « Jadis, les relations sino-mauriciennes étaient majoritairement axées sur la coopération économique et commerciale. Mais l'initiative de l'institut Charhar d'ouvrir un bureau à Maurice illustre l'enrichissement des relations bilatérales et la diversification de la coopération. Ce bureau jouera un rôle primordial puisqu'il promouvra la coopération entre les deux pays, tout en approfondissement la compréhension et la solidarité mutuelles. »

 

 

La Chine au présent

 

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