CHINAHOY

4-May-2017

Les marques traditionnelles innovent à l’étranger

 

Des touristes étrangers tentent de se mettre aux fourneaux du restaurant Quanjude, célèbre pour son canard laqué.

 

Les marques chinoises sont encore peu connues à l'étranger. Pourtant plusieurs d'entre elles, déjà fermement établies sur le marché chinois, se lancent à l'international.

 

CHEN JIN*

 

L'internationalisation des entreprises industrielles chinoises, des technologies et du commerce électronique modifie en profondeur les industries et les habitudes de consommation mondiales en leur apportant une composante chinoise. Les marques chinoises les mieux établies combinent héritage et innovation au cours de ce processus.

 

Wanglaoji explore le monde

 

À l'occasion du Nouvel An 2017, la CCTV a diffusé un documentaire consacré à la marque Wanglaoji. On y apprenait tout sur l'histoire du leader chinois des thés glacés. Voici déjà 188 ans que l'une de ses recettes était mise au point sous la forme d'un médicament qui soigna un grand nombre de malades. Cette tradition, combinée à la recherche-développement, lui a permis de s'établir comme boisson rafraîchissante renommée aussi bien en Chine qu'à l'étranger.

 

Cette marque leader nationale profite de l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie pour se développer suivant trois axes : exportation des produits de la marque, mise au point de normes internationales et diffusion de la culture du thé glacé afin de devenir un symbole de la Chine reconnu dans le monde.

 

En ce qui concerne l'élaboration de normes internationales, Wanglaoji a mandaté comme représentant un lauréat du prix Nobel, Dr Ferid Murad, et lancé avec la société suisse SGS un vaste projet de recherche sur les normes internationales des boissons à base végétale et du thé glacé, afin de créer des bases solides pour l'internationalisation du thé glacé Wanglaoji.

 

Des efforts qui ne sont pas restés inaperçus : la Conférence nationale des récompenses dans la science et technologie, qui s'est tenue le 9 janvier dernier, a attribué le deuxième prix national des progrès scientifiques et technologiques à la technologie des codes-barres ADN des plantes médicinales chinoises développée par Wanglaoji, le premier prix scientifique obtenu par le secteur du thé glacé chinois. Employer un code-barres ADN au plus haut niveau mondial pour vérifier les matières premières contenues dans une boisson, identifier les ingrédients au niveau génétique et appliquer cette technologie sur la ligne de production, telle est l'innovation technologique que Wang-laoji a apportée au contrôle-qualité et qui s'applique sur l'ensemble du processus. Un progrès qui garantit à Wanglaoji un niveau de qualité jamais atteint et donc un facteur de confiance et de préférence pour les consommateurs.

 

Wanglaoji s'était déjà présenté au Forum de Davos en 2015 et 2016. Pendant le Nouvel An 2016, Wanglaoji s'est affiché sur le grand écran de Times Square à New York à côté de la cloche qui sonnait la fin de l'année 2015. Résultat de sa stratégie d'internationalisation qui comprend un effort de promotion continu de la culture du thé glacé, Wanglaoji s'exporte déjà dans une soixantaine de pays.

 

La question de la propriété intellectuelle

 

Les marques chinoises traditionnelles sont le produit de la culture chinoise, mais elles rencontrent des difficultés au cours de l'internationalisation. Li Qi, président du groupe Beijing Yiqing Food, considère que pour réussir à l'étranger, elles doivent faire un effort d'innovation pour tenir compte des préférences des consommateurs étrangers, tout en incorporant une dose de culture chinoise dans leurs produits.

 

La sécurité alimentaire concerne tout le monde, et elle est même l'un des indicateurs fondamentaux du bonheur des familles. Faisant allusion aux contrefaçons d'Arctic Ocean, une marque traditionnelle de sodas en provenance de Beijing, qui circulent sur le marché, Li Qi déclare :

« Toutes ces marques qui se sont établies comme traditionnelles l'ont fait grâce à la persistance dans le temps de la qualité de leurs produits, et ces efforts de plusieurs générations ont construit leur réussite. C'est pourquoi il est si important de préserver cette qualité et de lutter efficacement contre la contrefaçon. »

 

Ces dernières années, plusieurs de ces marques traditionnelles sont sorties du pays pour s'engager à l'international, mais peu s'en tirent sans encombre. Le principal obstacle rencontré à l'étranger par ces marques est l'usurpation. Cette pratique, qui consiste en un enregistrement illégal du nom de la marque, Wangzhihe l'a subi en Allemagne, la bière Tsingtao aux États-Unis, de même que les médicaments Tongrentang, les boissons alcoolisées Nü'erhong et Dukang au Japon.

 

« Le développement du marché national et la volonté de plus en plus forte des marques chinoises de s'orienter vers l'exportation font qu'elles doivent accorder plus d'importance à la protection de leur propriété intellectuelle et prendre des mesures décisives lorsqu'elles sont victimes de piratage. La passivité n'est pas la solution », déclare Zhang Jian, secrétaire général du Comité de travail pour les marques traditionnelles de la Chambre chinoise du commerce.

 

Le vice-président de l'Association de la Loi sur la propriété intellectuelle de Chine conseille aux entreprises dépositaires de ces marques de procéder avant tout à un enregistrement international de leurs marques. Elles disposent alors des possibilités légales de contester une usurpation de marque ou porter plainte afin de recouvrer leurs droits et défendre leurs intérêts.

 

Ces marques désireuses de réaliser leur internationalisation doivent enfin mettre l'accent sur l'innovation pour faire face à la concurrence sur ces marchés nouveaux.

 

Tirer parti de l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie

 

« Le défi est double : satisfaire l'appétit des clients étrangers d'une part, et les amener à ''prendre goût'' à la culture alimentaire chinoise d'autre part », affirme Xing Ying, directeur général de Quanjude, la chaîne de restaurants spécialisée dans le canard laqué qui explique la stratégie étrangère de son entreprise centenaire.

 

Le premier restaurant Quanjude fut fondé en 1864, mais le groupe Quanjude ne s'est établi qu'en 1993. Depuis, il poursuit une stratégie de développement régulier à l'étranger, et cinq restaurants ont été ouverts sous le régime de la franchise. Selon M. Xing, il est essentiel de se garder d'avancer à l'aveuglette pour éviter de ruiner sa réputation et pour garder le contrôle de la qualité. Quanjude, poursuit-il, doit répondre à trois questions dans le développement de sa franchise à l'étranger : approvisionnements en matières premières, visas pour les employés qualifiés, pilotage des restaurants franchisés. L'entreprise a envisagé diverses solutions, comme par exemple un approvisionnement local, la formation de chefs de cuisine spécialistes du canard laqué pour ses partenaires, l'envoi de personnels chinois pour des consultations avant l'ouverture.

 

Les restaurants franchisés à Tokyo et à Melbourne montrent que la cuisine chinoise attire aussi bien les citoyens étrangers que les Chinois établis dans ces pays. D'un point de vue plus large, des possibilités d'exploitation à l'étranger existent pour toutes les marques célèbres de la cuisine chinoise grâce au développement des échanges sino-étrangers et la connaissance de plus en plus répandue qu'on a de la culture alimentaire chinoise à l'étranger.

 

« Notre entreprise a ciblé certains pays prioritaires et elle accélère son internationalisation, explique M. Xing. Nous avons lancé cette année un plan de développement par la franchise en envoyant nos représentants conduire des études de marché en Amérique du Nord où ils cherchent des partenaires. L'entreprise contacte également des partenaires potentiels en Europe. »

 

Le développement du marché intérieur contribue lui aussi à l'internationalisation de l'entreprise. Depuis la cotation en bourse jusqu'à l'exploitation spécialisée, en passant par des injections de capital par des sociétés d'investissement et la création d'une chaîne du secteur de la restauration, mais aussi dans l'agro-alimentaire, l'entreprise connaît un nouveau souffle entre tradition et innovation. « Quanjude a pour objectif d'établir sa marque traditionnelle comme marque commerciale moderne capable d'influencer le marché », affirme M. Xing.

 

Grâce à l'impulsion de la Commission municipale du commerce de Beijing, l'Association des marques traditionnelles de Beijing aide ces entreprises de marque traditionnelle à mettre en œuvre leur plan « Internet+ », afin de booster leur capacité marketing. 69 entreprises ont rejoint ce plan sous différentes formes.

 

Le miel de la marque Baihua est un bon exemple du succès de cette approche. Fondé en 1919, la marque a été élue marque traditionnelle chinoise par le ministère du Commerce en 2006. Le credo de l'entreprise est que les vrais professionnels font les choses avec professionnalisme. L'entreprise s'est associée avec un spécialiste du cyber-marketing pour vendre ses produits en ligne. De cette façon, les deux entreprises coopèrent étroitement pour innover et développer des mécanismes nouveaux. Le miel de la marque Baihua est la seule marque traditionnelle à avoir également remporté le titre d'entreprise exemplaire du commerce électronique décernée par le ministère du Commerce.

 

La Chine a lancé l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie pour promouvoir la coopération internationale. Selon Wang Jiahuai, directeur général de Beijing Er Shang Group, « il faut saisir cette opportunité ». Depuis une vingtaine d'années, le groupe se consacre au développement des marques traditionnelles, comme par exemple celle du fromage de soja fermenté Wangzhihe. Ce plat impérial développé sous la dynastie des Qing (1644-1911) est devenu un ingrédient incontournable de la cuisine chinoise. En 2000, le fromage de soja fermenté Wangzhihe s'est lancé vers l'export, d'abord aux États-Unis, puis dans d'autres pays. Aujourd'hui, cette marque est présente dans 43 pays.

 

M. Wang rappelle que l'exportation du fromage de soja fermenté repose principalement sur le marché des Chinois établis à l'étranger. Grâce à l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie et l'augmentation consécutive du nombre de Chinois partant pour l'étranger, ces marques chinoises traditionnelles voient leur potentiel s'accroître. Wangzhihe est vendu dans une vingtaine de pays et ses ventes à l'étranger augmentent chaque année.

 

M. Wang souligne la nécessité qu'il y a à améliorer ces marques. L'une des pistes qu'il évoque est le lancement par Wangzhihe d'un produit à faible teneur en sel, avec une quantité de sel ajouté qui passe de 10 % à 6 %, ou encore l'emballage jetable actuellement à l'étude. « Il ne suffit pas de se prévaloir de son ancienneté, il faut aussi innover pour s'adapter aux divers besoins et explorer sérieusement les marchés étrangers. »

 

 

*CHEN JIN est pigiste.

 

 

La Chine au présent

 

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