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Société |
Guiyang et sa province, à la poursuite du bonheur | ||||
CLAIRE FAUVEL, stagière française Démographie, écologie, économie... Dur, dur de trouver un juste équilibre entre tous ces facteurs qui, de prime abord, apparaissent contradictoires et peu enclins à coexister. La capitale du Guizhou a décidé de mettre le turbo pour sortir de la pauvreté et moderniser toute sa région. Dans le sillage du XIIe Plan quinquennal (2011-2015), le logement fait partie de ses grandes priorités.
GUIYANG, métropole abritant plus de trois millions d’habitants, est la capitale du Guizhou (Chine du Sud-Ouest), une des provinces les plus pauvres du pays. La province compte plus de 39 millions d’habitants, dont près de 10 millions sont d’ethnies minoritaires. Si la région est pauvre, car isolée à l’intérieur des terres, n’ayant ni façade maritime ni zone frontalière avec l’étranger, elle est pourtant riche sur le plan humain, puisqu’elle rassemble différentes ethnies comme les Miao, les Tujia, les Buyei et les Dong. Guiyang est une enclave, mais la ville est bien située et forme un axe de communication important avec les villes de Chongqing, au nord, Nanning, au sud, et Kunming au sud-ouest. D’un point de vue esthétique, les touristes écarquilleront les yeux devant la beauté des villages anciens de cette province, encore peuplés par les ethnies minoritaires. Je les invite également à prendre un bon bol d’air rafraîchissant sur le site des cascades Huangguoshu, là où le temps s’arrête, où la Chine nous dévoile un tout autre paysage que celui des grandes métropoles aux immeubles qui donnent le tournis. Ici, la montagne est reine et domine le Guizhou. Entre nature et urbanisme, mon cœur balance Pour reprendre les mots si justes de Pierre Gentelle, « le Chinois se plaît dans le damier des rizières, des champs de millet et de blé, dans le tracé orthogonal des plans urbains, quintessence de la civilisation ». C’est exactement ce que l’on ressent lorsque l’on visite une vaste métropole comme Guiyang. Sur les routes, la capitale paraît s’étendre sur des kilomètres. Les montagnes se dressent fièrement dans toute la périphérie, chaque parcelle est bien dessinée, les cultures en terrasses ont pris possession des flancs de coteaux. On se croirait à la fois en Auvergne, au milieu des volcans endormis, et dans les Midi-Pyrénées, avec ces murets en pierre comme on en trouve dans les vignobles français. Soudain, on aperçoit au loin deux femmes courbées, vêtues d’un grand chapeau de paille, un homme labourant son champ, des jeunes enfants courant le long des routes et une mère portant son bébé sur son dos. Sous mes yeux, c’est la vie campagnarde qui s’exprime. Avant d’arriver au centre-ville, j’avais du mal à imaginer la construction de logements sociaux modernes dans ce paysage si naturel et si revigorant. C’est en arrivant au cœur de la ville que j’ai réalisé que Guiyang était une ville-chantier; la province du Guizhou, encore actuellement peu développée, sort littéralement du sol. L’urbanisme envahit le bord des routes fraîchement refaites ou très endommagées, d’énormes chantiers ici et là s’érigent pour grimper jusqu’au ciel, tout comme les tours, les grands hôtels et certains immeubles, contrairement aux vieux appartements aux fenêtres grillagées du petit peuple qui ne dépassent pas quelques étages. Ici, à Guiyang comme dans la province, tout est en cours et tout reste à faire, ou à refaire. Ce n’est que depuis 1992 que la ville a commencé à se moderniser; le Guizhou fut en effet la dernière province à s’ouvrir aux investissements étrangers, et encore aujourd’hui, l’argent qui façonne les murs des immeubles provient du reste du pays. L’investissement étranger qui circule dans l’économie de la région est quasiment inexistant. L’amélioration des conditions de logement a toujours fait partie des priorités du gouvernement chinois, et à l’échelle locale, les autorités essayent de privilégier le sort des paysans. Les zones rurales représentent un bastion de l’économie d’un pays, et à Guiyang, on l’a bien compris. Aussi, l’accent est mis sur le développement des régions pauvres du Guizhou ainsi que sur l’aménagement de l’espace urbain. Par ailleurs, en raison de la flambée des prix de l’immobilier qui touche toute la Chine actuellement, la ville de Guiyang doit être en mesure d’offrir à ses habitants des logements décents et abordables. Autrefois, les travailleurs n’avaient pas à se soucier de leur logement puisque leur entreprise (danwei) s’en occupait, tout était pris en charge. Or, s’il est vrai qu’aujourd’hui les salaires des Chinois ont fortement augmenté, les conditions ne sont plus les mêmes, et chaque individu doit désormais se débrouiller pour payer son loyer... À moins d’être secouru par son gouvernement. Les logements sociaux, une priorité Le 26 mars 2011, lors de l’inauguration du chantier pour la construction des nouveaux logements sociaux à Guiyang, le maire de la ville, Li Zaiyong, a clairement exprimé les grandes lignes du projet et a insisté sur la qualité d’habitation qui devait absolument être mise en avant. « Quand le vice-premier ministre chinois Li Keqiang est venu à Guiyang l’année passée, il avait également souligné que la qualité était un critère important dans la réalisation de ces projets », a-t-il énoncé. La municipalité investit dans la réforme de ces logements depuis 1994. Ce programme de construction s’inscrit dans le XIIe Plan quinquennal qui prévoit l’établissement de 36 millions de nouveaux logements abordables dans les villes et les bourgs du pays. À partir d’aujourd’hui, les chantiers destinés à la réalisation de ces logements sociaux à Guiyang couvriront une superficie de cinq millions de mètres carrés. Entre les ouvriers, les autorités, les journalistes et les caméras, une poignée de futurs résidants en arrière-plan observaient d’un œil attentif le déroulement de la cérémonie. L’un d’entre eux nous a accordé quelques instants pour parler de sa situation. Zhong Xuezhen possède un petit lopin de terre où elle peut cultiver toute sorte de légumes; elle explique, la main sur le cœur, qu’elle va bientôt emménager ici dans ces nouveaux bâtiments grâce à l’aide du gouvernement local, et elle en est très heureuse. À l’autre bout de la ville, nous tombons sur des logements nouvellement construits pour les personnes retraitées ou ayant travaillé pour la société Qiye qui s’est occupée du projet de logements à bas loyers. Sur le site, on peut apercevoir ce qu’il reste des anciens habitats : une vieille maison tombant en ruines au milieu de détritus et d’un monticule de pierres. Le contraste est saisissant entre cet ancien logis et le nouveau quartier résidentiel immaculé, mais malgré son aspect vestigial, cette maison garde un cachet qui a disparu dans l’entité moderne. C’est le propre de l’urbanisme : il faut savoir abandonner ce que l’on a possédé pendant des années au profit d’un nouvel espace, d’un environnement plus propre et plus sain. Ces logements flambant neufs ont été réalisés grâce à la participation financière des gouvernements central, provincial et municipal et de fonds privés. Les locataires en bénéficient grandement, puisqu’ils logent ici désormais gratuitement ou pour la modique somme d’un à dix yuans le mètre carré par mois. Les appartements ont une superficie d’environ 50 m². Cette maquette grandeur nature se veut être un modèle de la nouvelle politique immobilière favorisant les plus démunis. En outre, le rez-de-chaussée, doté d’une rampe d’accès, a été spécialement conçu pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite. Ainsi, les subventions du gouvernement permettent d’accroître les conditions de vie des habitants de Guiyang et s’échelonnent de 10 % à 100 % du loyer mensuel en fonction des possibilités financières de chacun des résidants. Dans cette grande métropole en construction, on essaie d’agencer espaces résidentiels, commerciaux et culturels comme en témoignent ce nouveau complexe pour travailleurs retraités, le centre sportif ou encore les nouveaux centres d’exposition et de conférence, entièrement financés par le Zhongtian Urban Development Group, dont les travaux devraient être terminés vers la mi-avril, d’après son représentant. La vision d’un homme de terrain Li Guangrong est originaire de Chengdu (Sichuan) et dirige depuis huit ans le Bureau provincial du Logement et de la Construction urbaine et rurale du Guizhou. Il vit ici depuis une trentaine d'années et connaît extrêmement bien cette région montagneuse et humide. L'homme est responsable depuis 2003 du projet de construction et de rénovation des bâtiments précaires en milieu rural. Un second projet d'urbanisation pour le Guizhou a débuté en 2009 et nécessitera encore quatre ans d'effort, mais un tiers des aménagements a déjà été réalisé en l'espace de deux ans. Quant au coût de l'entreprise, celle-ci nécessitera un milliard de yuans d’investissement qui devrait concerner huit millions de paysans. Les fonds du gouvernement central s’élevaient à deux milliards de yuans, alors qu’il en faudrait huit, voire dix milliards. Pour l’heure, 120 000 familles ont été aidées pour emménager dans de nouveaux logements sociaux à Guiyang. Au total, la province du Guizhou compte 8,3 millions de foyers, dont 1,92 million doivent être rénovés. En six ans, plus de 10 millions de paysans bénéficieront de cette politique de réaménagement de l’espace urbain et rural. Si le financement est un problème, la construction en est un autre. Les autorités doivent faire face à une pression tout de même perceptible de la part des paysans locaux. En effet, l’urbanisme a peut-être un effet positif sur leur environnement, mais leur mode de vie va devoir changer du tout au tout. La communauté de petits propriétaires terriens habitués à leur carré de terre à proximité de leur lieu de résidence va devoir s’organiser différemment. Vivre mieux certes, mais cela signifie devoir vivre autrement, une réalité sans doute difficile à accepter pour certains de ces résidants en milieu rural. En outre, il faut aussi prendre en compte la hausse des prix des matériaux de construction ainsi que celui de la main-d’œuvre locale. Enfin, la montagne est l’un des plus gros obstacles à surmonter, ce qui ne facilite guère la mise en place de ces nouvelles installations. Ainsi, développer des conditions de vie modernes à l’image des villes dans ces régions pauvres et montagneuses est un vrai travail de titan. C’est pour ainsi dire la raison pour laquelle il n’a pas été encore possible de creuser les galeries nécessaires pour un éventuel métro au cœur de la métropole. Néanmoins, le projet est dans les esprits puisque 23,8 milliards de yuans devraient être alloués à sa construction. Malgré toutes ces difficultés, M. Li a les épaules solides et fera en sorte de réaliser tous ces objectifs : l’amélioration des conditions de vie et d’hygiène en dotant toutes les villes du Guizhou d’un système d’évacuation des eaux usées; un accès à l’eau potable plus équitable; et encourager le tri des déchets et le recyclage dans les usines grâce à un investissement massif sur cinq ans. Une modernité qui se fera par étapes et dont les changements sont déjà visibles depuis ces dernières années. Le directeur général est aussi conscient que les questions environnementales sont devenues incontournables et qu’il devra les affronter tôt ou tard. Il se concentre sur ce qu’il considère être ses priorités du moment pour la province, sans pour autant ignorer la protection de l’environnement. Tant s’en faut. La préservation du paysage naturel et architectural lui tient vraiment à cœur. Il a insisté pour que les constructeurs respectent scrupuleusement les plans qui leur sont donnés; les travailleurs locaux employés sur les chantiers reçoivent même une formation pour construire dans les règles de l’art et veiller à ce que ces nouveaux logements n’étouffent pas le paysage d’origine, mais qu’au contraire, ils puissent garder une certaine continuité. En outre, si la Chine veut persévérer dans la voie du développement durable, elle devra adapter ses industries et utiliser de nouveaux procédés comme le recyclage des déchets industriels pour la fabrication de matériaux de construction. Huang Qiubin, chef du district de Xifeng, à Guiyang, nous a présenté le parc industriel de raffinage chimique, où l’usine de traitement du phosphore et du charbon recycle ses déchets pour la production de briques. Ces briques seront ensuite utilisées pour la construction de bâtiments et de logements. « Recycler pour éco-loger », cela pourrait bien être la nouvelle directive à adopter à l’avenir pour les constructeurs. D’après Li Guangrong, 300 millions de yuans sont investis chaque année dans des usines de recyclage et de traitement des déchets. Actuellement, 26 usines de ce genre sont en activité dans la province. Pour les cinq années à venir, la province compte investir 5,9 milliards de yuans dans ce type d’usines. Être heureux grâce au bien-être du peuple Une journaliste a interrogé M. Li pour connaître sa vision personnelle du bonheur. Voici sa réponse : « Je ne peux pas me permettre d’exposer ma vision du bonheur sans faire la distinction entre mon mode de vie et celui de la population. C’est très difficile de vous dire ce qu’est le bonheur, étant donné qu’on a tous des aspirations différentes. Je pourrais très bien vous dire que je suis heureux lorsque je suis chez moi, dans ma maison, ou quand je prends ma voiture pour aller au travail, ou encore vous parler de mon téléphone portable. Mais tout ceci n’est que matérialité. Je crois sincèrement que la définition est toute autre pour tous ces paysans qui n’attendent qu’une seule chose, qu’on les aide véritablement à s’extirper de la pauvreté. » Réussir à relever un défi ou gagner un pari sont deux façons d’être heureux dans la vie. Li Guangrong affirme volontiers avoir ressenti une certaine satisfaction et de la joie à la suite des réalisations qu’il a entreprises jusqu’ici. Un bonheur spirituel en somme, combiné au bonheur matériel insufflé par l’urbanisme.
En 1990, M. Li était responsable de la construction des routes et des autoroutes à Guiyang. Selon lui, cette tâche était un accomplissement tant professionnel que personnel où la consécration du bonheur individuel réside finalement dans le bonheur collectif. Lorsque l’œuvre a été terminée et que les routes ont été ouvertes au public, il a éprouvé une grande fierté. Il estime que, d’ici à 2016, tous les districts de la province seront reliés grâce aux autoroutes, ce qui représentera un progrès gigantesque en matière de communication et de logistique. Toutefois, il sait aussi qu’il ne doit pas s’arrêter en si bon chemin. La route est encore longue, et même si l’homme de la situation prend sa retraite l’an prochain, il ne compte pas en rester là. Logement, réparation et expansion du réseau routier et autoroutier, distribution en eau potable, système d’assainissement et tri des déchets, sont autant de missions à remplir pour le Bureau du Logement et de la Construction urbaine et rurale. Car le bonheur passe avant tout par les bonnes conditions de vie des individus. « Mon souhait est de continuer dans cette voie, même après avoir quitté mon poste. Mon devoir, c’est de poursuivre ce que j’ai commencé, à savoir contribuer à l’essor de ma province et au bien-être de sa population », conclut-il. Par ailleurs, les conditions de vie en milieu urbain sont plutôt bonnes, mais loin d’être suffisantes, et des efforts doivent encore être fournis, surtout dans les campagnes. Le futur de Guiyang et sa province est désormais tracé; espérons que ses paysages naturels et urbans soient complémentaires et trouvent un brin d’harmonie. Enfin, si l’aménagement du territoire profite à toute une ville et à sa périphérie, il profite également aux individus qui pourront évoluer en même temps que la modernité progressera dans les villes, les villages et les bourgs. Il s’agit d’une aubaine à la fois pour les activités des entreprises nationales et privées et pour les habitants du Guizhou qui se verront offrir plus d’opportunités d’emploi dans le secteur secondaire notamment. L’emploi sourira aux Chinois qui ne demandent pas mieux que de participer à la modernisation de leur environnement et accéder enfin au bonheur qu’ils méritent et auquel ils aspirent. |
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