AVEC l’application de son XIIe Plan quinquennal (2011-2015), la Chine offre à l’Amérique latine de nouvelles occasions de coopération, particulièrement dans le domaine de l’énergie. L’augmentation des investissements chinois en Amérique latine et la promotion de l’implantation de nouvelles industries stratégiques, notamment dans les énergies nouvelles, peuvent favoriser l’innovation et l’expansion de l’industrie énergétique latino-américaine et renforcer les relations Chine–Amérique latine pour la croissance de cette industrie chez les deux parties.

Dans les années qui viennent, en plus des secteurs pétrolier et gazier, cette coopération s’étendra aux infrastructures d’électricité, à la production d’hydroélectricité et aux bioénergies. Les pays latino-américains qui sont riches en ressources pétrolières et gazières et qui dépendent financièrement de l’exportation du pétrole et du gaz continueront d’exploiter activement ces ressources et d’assurer la sécurité de leur exportation. Parallèlement, en raison du déséquilibre de développement de leurs industries énergétiques et de leurs infrastructures vétustes, des régions à l’intérieur de plusieurs pays latino-américains ont connu de nombreuses crises énergétiques. Par surcroît, la croissance rapide des secteurs de l’agriculture et de l’exploitation minière ainsi que la hausse de la consommation intérieure ont augmenté la pression sur l’approvisionnement en électricité. En se basant sur l’ensemble des avantages de la Chine, c’est-à-dire son marché, ses capitaux, ses techniques et ses expériences de développement, la coopération entre la Chine et l’Amérique latine dans le secteur énergétique peut mettre à profit leurs avantages réciproques.
Importation croissante de pétrole
Selon les statistiques de la douane chinoise, les importations chinoises de pétrole brut en provenance de l’Amérique latine représentaient 13 millions de tonnes en 2009, alors qu’elles étaient de 837 900 tonnes en 2003; la part de l’Amérique latine dans le total de l’importation de pétrole brut par la Chine est ainsi passée de 0,92 % à 6,5 % pendant cette période. De janvier à novembre 2010, la Chine a importé plus de 17,7 millions de tonnes de pétrole brut de l’Amérique latine, soit 8,11 % du total de ses importations de ce produit pendant cette période. Puisque la Chine dépend de plus en plus de l’importation de pétrole brut et que son XIIe Plan quinquennal demande d’accroître les réserves stratégiques de pétrole et de gaz, la Chine s’attend à augmenter continuellement son importation de pétrole brut d’Amérique latine au cours des prochaines années.
Capitaux et techniques : vaste espace de coopération
La plupart des pays latino-américains s’engagent actuellement dans un nouveau rajustement structurel de leur industrie énergétique, ce qui demande beaucoup de techniques et de capitaux. En 2009 et 2010, la Chine a accordé des prêts et a investi, entre autres au Brésil, en Équateur et au Venezuela. Par ailleurs, la China National Petroleum Corporation (CNPC) et la Société pétrolière nationale du Costa Rica ont établi une coentreprise pour moderniser les raffineries de pétrole du Costa Rica et augmenter leur capacité de production.
Selon certaines statistiques, en 2010, la CNPC a effectué neuf grosses transactions en fusion-acquisition et prise de participation, notamment au Brésil et en Argentine, pour une valeur de plus de 18 milliards $US. En décembre dernier, la State Grid Corporation of China a établi une société holding au Brésil. Cette société y entretiendra diverses formes de coopération dans le domaine de l’énergie. La participation des entreprises chinoises peut promouvoir la modernisation des infrastructures et des industries énergétiques en Amérique latine. Il est à noter que dans le domaine des techniques d’exploration pétrolière et gazière en haute mer et dans celui de la fabrication d’équipement, le Brésil et la Chine ont d’immenses possibilités de coopération.
Coopération prometteuse dans les énergies propres
Au cours du XIIe Plan quinquennal, les politiques gouvernementales appuieront de façon prioritaire les industries peu énergivores et celles des énergies nouvelles. Avec le Brésil comme pays phare, l’Amérique latine se classe dans les premiers rangs mondiaux pour les techniques en hydroélectricité et en bioénergie. De plus, le Brésil et l’Argentine sont devenus d’importants exportateurs mondiaux d’éthanol et de biodiesel, de sorte que la Chine peut étudier les techniques brésiliennes de production d’éthanol et s’en inspirer. Les deux pays ont donc un potentiel de marché dans le commerce de l’éthanol. Des pays comme la Bolivie et le Chili sont extrêmement riches en lithium, permettant ainsi à la Chine de coopérer avec eux dans la recherche et l’exploitation minière pour développer des véhicules électriques.
Pour sa part, comme la Chine est rapidement devenue un grand producteur de cellules solaires photovoltaïques, elle peut aider l’Amérique latine à développer l’énergie solaire. En étant assorties à l’expérience de la Chine en construction hydroélectrique, à ses techniques, et à sa capacité de fabrication d’équipements, la richesse des ressources hydrauliques de l’Amérique latine permet d’entrevoir une grande coopération entre la Chine et les pays latino-américains en la matière.

Résoudre l’asymétrie de la coopération
Malgré les différences entre la Chine et l’Amérique latine sur le plan des systèmes politique et économique, les deux parties éprouvent le besoin urgent de se moderniser, et ni l’une ni l’autre ne veut laisser passer l’occasion de coopérer.
Cependant, l’instabilité des politiques de coopération énergétique en Amérique latine constitue un risque dont s’inquiètent les entreprises chinoises. Renforcer la stabilité et améliorer la transparence des politiques énergétiques de l’Amérique latine favoriseront la création d’un bon cadre de coopération en matière de politiques et maintiendront le désir de coopération des entreprises chinoises. L’asymétrie de la coopération Chine–Amérique latine dans le secteur de l’énergie se manifeste sous trois aspects : premièrement, bien que la Chine constitue un marché stratégique pour l’exportation pétrolière des pays producteurs de cette région, l’Amérique latine n’occupe pas une place importante dans les importations de pétrole de la Chine, puisqu’elle représente moins de 9 %; deuxièmement, dans cette structure de coopération, la place dominante est occupée par le pétrole et le gaz, alors que la coopération dans les énergies nouvelles tire de l’arrière; troisièmement, l’Amérique latine souhaite vivement que la Chine y augmente ses investissements directs, mais cette dernière n’y contribue pas beaucoup, bien que des sociétés transnationales profitent considérablement des fusions-acquisitions et des prises de participation récentes de la Chine dans le domaine du pétrole et du gaz en Amérique latine. Si les avantages de la coopération Chine–Amérique latine en matière énergétique ne peuvent pas être pleinement mis en valeur et que les entreprises pétrolières chinoises rencontrent en Amérique latine plus d’obstacles qu’elles n’en auraient en Afrique ou en Asie centrale, l’enthousiasme des entreprises chinoises du secteur énergétique d’y investir se dissipera et l’Amérique latine pourrait rater de nouvelles ouvertures pour son marché de l’énergie.
*SUN HONGBO est maître de recherche à l’Institut de recherche sur l’Amérique latine de l’Académie des Sciences sociales de Chine.