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Société

Une beauté solitaire du Yangtsé

 
TANG YUANKAI

Après la tragique extinction du dauphin d’eau douce de Chine (Lipotes vexillifer), est-ce au tour du marsouin aptère (Neophocaena phocaenides) de quitter le territoire chinois?

Des élèves examinent un spécimen de marsouin aptère au Musée des spécimens de poissons marins Lan Hongming, un centre national de vulgarisation scientifique situé au lycée Yumin de Shanghai.

À l’Aquarium des dauphins d’eau douce de Chine de l’Institut d’hydrobiologie de Wuhan (Hubei), une branche de l’Académie des sciences de Chine, le dîner est servi à 16 h 30. Un son très particulier et inaudible aux oreilles humaines sort des haut-parleurs placés près des soigneurs, de brillants museaux sortent immédiatement de l’eau. À la surface, des boules colorées sont déplacées avec une précision étonnante par ceux qui ont répondu à l’appel du dîner.

Ce ne sont pas du tout des dauphins d’eau douce de Chine, mais l’espèce de mammifères la plus avancée vivant en eau douce, connue sous le nom de marsouin aptère. Ils sourient, disent leurs soigneurs.

Au bord de l’extinction

Les marsouins aptères vivent dans les eaux du Yangtsé depuis au moins 25 millions d’années et ont forgé des liens chaleureux avec la population locale. Détectant les baisses de pression atmosphérique avant un orage, l’animal remonte à la surface pour remplir ses poumons. Une observation qui servait d’avertissement météorologique pour les pêcheurs. Il était donc vénéré en tant que gardien du fleuve.

Pendant très longtemps, ce cétacé a occupé une position dominante dans la chaîne alimentaire et a rencontré peu de menaces pour sa vie. C’est sans doute l’insouciance de cette vie millénaire qui explique son air joyeux. En effet, sa bouche semble former un perpétuel sourire.

Un sourire qui malheureusement tend à disparaître ces dernières décennies, depuis que le paisible voisin qu’était l’homme s’est transformé en envahisseur agressif. Le long du Yangtsé, des constructions de toutes sortes ont poussé comme des champignons. Les barrages coupent les routes migratoires de cette espèce ancienne, les usines polluent inconséquemment l’eau avec leurs rejets, et le foisonnement des navires (en 2006, on dénombrait 12 embarcations au kilomètre sur le Yangtsé) perturbe les ondes que la créature utilise comme sonar pour naviguer et communiquer. Dans certains cas, le brouillage peut détruire le centre nerveux de l’animal, provoquant des collisions fatales avec des bateaux. Qui plus est, la pêche excessive dans le fleuve et ses affluents, parfois par des moyens extrêmes tels l’électricité et les explosifs, a conduit à une forte baisse de ses ressources alimentaires.

« La population de marsouin aptère diminue constamment de 5 % par an. Sans mesure de protection appropriée, l’espèce s’éteindra dans 15 ans environ », prévient Wang Ding, chercheur à l’Institut d’hydrobiologie. Le suivi qui y est effectué montre que l’on comptait 2 700 marsouins aptères en 1984, un chiffre qui atteignait 1 800 en 2006 pour tomber à 1 500 actuellement.

Un autre scientifique à l’institut, Cao Wenxuan, préconise un moratoire de dix ans ou plus sur la pêche dans le fleuve Yangtsé. Récompensé pour son travail de préservation de la vie aquatique, M. Cao explique que la pêche effrénée conduit à l’épuisement des ressources de poissons, brisant l’équilibre des espèces aquatiques et affamant beaucoup d’espèces du haut de la chaîne alimentaire. Ce point de vue est soutenu par Wang Ding. Selon lui, les dix tonnes de poissons provenant du Yangtsé sont inférieures à 1 % du total des poissons d’eau douce pêchés en Chine (poissons d’élevage inclus). Il est donc praticable d’interdire la pêche pendant dix ans dans le Yangtsé.

« Si la pêche n’est pas réglementée, les autres mesures sont inutiles », avertit Xie Songguang, chef de l’équipe de biologistes environnementaux. Des chercheurs y effectuent un suivi de très près de cette espèce en voie de disparition sur laquelle ils effectuent des recherches approfondies pour se préparer à le cloner à l’avenir.

Non pas un autre baiji

Un proche cousin du marsouin aptère, le dauphin d’eau douce de Chine, appelé en chinois baiji, était considéré comme l’emblème de l’écosystème du Yangtsé.

Le 5 juillet 2008, Yingying, un marsouin aptère qui vit depuis 12 ans dans l’Aquarium de l’Institut d’hydrobiologie de l’Académie des sciences de Chine, a mis bas un « fils ».  

Hélas, il n’est plus qu’un symbole. En 2006, une équipe de 20 spécialistes mondiaux des cétacés, dont Wang Ding, a effectué une exploration d’un mois le long du Yangtsé, dans la section entre Yichang (Hubei) et Shanghai. Malgré l’utilisation d’appareils acoustiques de haute précision, conçus précisément pour ce genre de missions, ils n’ont trouvé aucune trace de dauphin d’eau douce de Chine, ce qui a fait courir l’inquiétude que cet équivalent aquatique du panda géant ait disparu. Il serait alors au centre de plusieurs records tristement célèbres : la première espèce de cétacés anéantie par l’homme; le premier grand vertébré à disparaître depuis un demi-siècle; et la quatrième famille de mammifères à s’éteindre depuis l’an 1500.

Bien que l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) stipule qu’une espèce n’est réputée éteinte que si on ne trouve aucun spécimen à l’état sauvage en 50 ans, le dauphin d’eau douce de Chine est largement considéré comme fonctionnellement éteint, une situation dans laquelle la population d’une espèce est tellement réduite qu’un renouvellement durable est hautement improbable.

Le dernier spécimen vivant, Qiqi, qui a été élevé en captivité, est mort en 2002, à 23 ans. Encore maintenant, la lueur qui brillait dans ses yeux est présente à l’esprit de son soigneur et gardien, Gong Weiming. Il ne sait si cela exprimait de la reconnaissance ou de l’amertume, dit-il en soupirant.
« Qiqi a mené une existence solitaire, nageant paresseusement autour de sa piscine tous les jours sans jamais être accompagné », raconte Chen Peixun, actuellement âgée de 82 ans. Elle a été parmi les premiers scientifiques chinois à étudier l’animal. Elle et ses collègues ont tenté de lui trouver une compagne, et ils en ont finalement capturé une, peut-être le dernier spécimen femelle du Yangtsé. Mais le pauvre marié, n’ayant jamais vu de congénères, a été bouleversé à la vue de son épouse, Zhenzhen, barboter frénétiquement dans le bassin. Le couple n’est jamais passé à l’acte, car la pauvre Zhenzhen est morte très vite des suites d’une maladie. Chen Peixun se sent toujours coupable de la perte de ceux qui semblaient être les derniers membres de l’espèce : « L’humanité a raté la meilleure occasion de sauver le dauphin d’eau douce de Chine, et maintenant, nous ne devons pas attendre que la même tragédie se répète pour le marsouin aptère. »

C’est pourquoi de nombreux spécialistes essaient d’utiliser leur amère expérience pour protéger cette autre espèce en voie de disparition. Wang Ding remue le couteau dans la plaie en rappelant que, dès les années 80, des experts avaient proposé trois mesures pour sauver les dauphins d’eau douce de Chine : construire des réserves naturelles, protéger par conservation semi-naturelle et procéder à une reproduction artificielle. Ils ont reçu l’aval des autorités, mais n’ont pas pu mettre leurs plans en action à cause du manque de financement. Le résultat est que notre planète a perdu à jamais toute une famille de dauphins d’eau douce de Chine.

Au grand soulagement des scientifiques, un réseau de protection du marsouin aptère a été mis en place en 2008 avec un soutien administratif, scientifique et financier du ministère de l’Agriculture, de l’Institut d’hydrobiologie, du Fonds mondial pour la nature et des autorités de la pêche à différents niveaux. Il couvre six zones de protection et deux stations de surveillance dans cinq provinces et une municipalité dans le cours moyen et inférieur du Yangtsé.

Derniers sanctuaires

L’un de ces sites de protection naturelle se trouve dans la zone de développement de Tian’ezhou à Shishou (Hubei). Le sanctuaire est un plan d’eau de forme ovale, créé en 1972, lorsque le cours du Yangtsé a été modifié. Depuis sa fondation en 1990, le nombre de marsouins aptères y est passé de cinq à plusieurs dizaines d’individus.

Ces marsouins sont hébergés dans de grandes cages flottant dans l’eau, une vie de quasi-liberté. Le personnel trace leurs activités quotidiennes et collecte des données sur leur croissance pour des études de toutes sortes.

Tian’ezhou représente la première réussite d’élevage conservatoire de cétacés. Selon Wang Ding, c’est une méthode d’appoint lorsque la protection d’un animal en voie de disparition dans son habitat naturel a échoué. Elle est globalement considérée comme l’alternative la plus efficace après la conservation in situ.

En plus de Tian’ezhou, une dizaine de refuges, représentant 4 202 km², ont été construits sur le cours moyen et inférieur du Yangtsé depuis les années 1990. Mais les scientifiques ont répété que la protection des marsouins aptères est plus compliquée que celle du panda géant, puisque leur habitat naturel est l’un des plus grands fleuves du monde et qu’on ne peut pas empêcher les dommages dus à la navigation et à la pollution.

Voilà le dernier espoir pour la survie de cette créature ancienne. Dans le pire des cas, certains scientifiques supposent que, même si le marsouin aptère disparaissait du cours principal du Yangtsé, il pourrait être repeuplé si on conserve assez de spécimens dans ces sanctuaires. Ils seraient relâchés dans leur biotope originel, une fois rééquilibré l’écosystème du fleuve.

En attendant, certains, plus entreprenants que d’autres, ont spontanément migré vers le lac Poyang, dans la province du Jiangxi, le plus grand plan d’eau douce en Chine. Selon la surveillance commencée en 2005 et poursuivie de manière intensive pendant deux ans par des chercheurs de l’Institut d’hydrobiologie, le lac abrite toute l’année une centaine de marsouins aptères, et pas moins de 450 (un tiers de la population sauvage) parcourent la zone située entre l’embouchure du lac et Laoyemiao durant les périodes de chasse, d’accouplement et de reproduction. Il s’agit de la plus grande communauté connue de marsouins aptères sauvages.

Le lac n’est cependant pas un paradis pour cette espèce rare. Les saisons sèches prolongées ont conduit à une baisse significative du niveau de l’eau, ce qui diminue par conséquent les ressources halieutiques qui sont déjà menacées de surpêche. En décembre 2009, le Conseil des affaires d’État a approuvé le Plan pour une zone biologique et économique au bord du lac Poyang. Ce plan s’engage à préserver les espèces menacées, notamment le marsouin aptère et l’alose, et à construire une réserve naturelle pour cette dernière.

Suite à une enquête sur la population de marsouins aptères du Poyang en février dernier, les scientifiques ont réalisé une seconde inspection cette année, durant laquelle ils ont vérifié leur santé et les ont équipés de PIT (transpondeurs passifs intégrés) pour recenser leurs activités.

Il faut du temps et des efforts pour réhabiliter une espèce dont le nombre a été réduit à des niveaux dangereusement bas. La lente dégradation du climat et de l’environnement en Chine et dans le monde ajoute plus d’incertitudes pour l’avenir de l’animal. Mais comme le dit l’adage, mieux vaut tard que jamais.

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