ZHAO YAYUAN et CHENG WENJUN

Modèle de la restructuration industrielle pour tout le pays, l’ancien quartier métallurgique de Shenyang a réussi sa
reconversion.

POUR les Chinois plus âgés, l’arrondissement Tiexi à Shenyang (Liaoning) garde l’image de première ville industrielle du pays. C’est le rêve de toute une époque qui y est entreposé; on l’appelait alors « la Ruhr chinoise ».

Aujourd’hui, Tiexi est un bon exemple de restructuration des anciennes bases industrielles chinoises par le développement de la fabrication d’équipements de production.

De l’apogée au déclin

C’est en 1905 qu’a été établie la première entreprise industrielle de Shenyang, l’Atelier de réparation des chemins de fer, coup de départ de l’industrialisation de Tiexi qui continuera tout au long des années 1920 et 1930, jusqu’à atteindre une assez grande envergure. Après la fondation de la République populaire de Chine, Tiexi a profité dix ans durant d’une construction prioritaire qui en a fait une importante base pour l’industrie lourde, célèbre pour être le « service d’équipement de la Chine » et un « berceau ouvrier ». À son apogée, il y avait de multiples entreprises d’État employant 300 000 personnes qui étaient enviées pour leur statut.

Mais dans les années 1980 et 1990, tout a été bouleversé : plus de 90 % des entreprises étaient au chômage technique ou subissaient d’importants ralentissements de la production, causant la disparition de 130 000 emplois. Parce qu’ils n’étaient plus payés, les ouvriers ont souvent bloqué les rues pour se plaindre de la situation, ce qui a attiré l’attention de l’administration centrale. Dans ce quartier populaire, l’avenue Jianshe a été bloquée jusqu’à 20 fois par jour. À l’ouest des rails (Tiexi Qu) de Wang Bing, grand prix du XVe Festival international du documentaire de Marseille, a magistralement illustré le pessimisme et le désespoir des ouvriers de Tiexi face à ces problèmes.

En parlant des raisons du déclin de Tiexi, le vice-chef de cet arrondissement, Wang Zhigang, a mentionné : « Les entreprises publiques avaient accumulé beaucoup de problèmes au fil de leur longue histoire. Et ce système, miné par les fardeaux structurels, n’était plus compétitif lorsqu’il a petit à petit perdu ses avantages. »

Depuis la réforme et l’ouverture, le contrôle étatique et celui des prix ont été peu à peu supprimés. Le marché a été libéré, et face à ce grand défi, l’industrie du Nord-Est était impuissante. Par manque d’originalité et d’efficacité, la production qui avait été glorifiée sous le système de l’économie planifiée ne pouvait pas suivre le train de la modernité.

Un bon exemple de réforme

En 2003, la Stratégie de renaissance des anciennes bases industrielles du Nord-Est a été mise en place. Un an auparavant, la ville de Shenyang avait redessiné le nouveau Tiexi, fusionnant à l’ancien quartier la zone de développement économique et technologique de la ville. Grâce à ces nouvelles limites administratives, le nouveau quartier a lancé un projet d’envergure pour surmonter les difficultés de transformation et de restructuration des anciens sites industriels.

« Déplacement de l’Est et construction à l’ouest » était le mot d’ordre de ce projet de réorientation, d’élimination et de regroupement des entreprises. Il s’agissait de déménager de l’est vers l’ouest les entreprises ayant un potentiel de développement, de redéfinir un programme de croissance industrielle et de faire de l’Est un quartier de service tertiaire. Dans la zone de développement économique et technologique de Shenyang, c’est un ensemble d’industries modernes de fabrication d’équipements de production qui a vu le jour. Grâce à ce déplacement, les recettes foncières tirées de la location de ces emplacements ont rapporté 21 milliards de yuans. Voilà la solution du premier problème qu’était l’argent.

Le responsable du Bureau du développement et de la réforme de l’arrondissement Tiexi, Li Jingxiang, raconte : « Ces dernières années, grâce au développement de Tiexi, 130 000 ouvriers au chômage ont retrouvé du travail. Cela est dû au renouveau du secteur industriel qui a permis une augmentation des capacités de production. De plus, le secteur tertiaire a créé nombre d’emplois après la construction de nouveaux bâtiments, que ce soit dans les services financiers, immobiliers ou intermédiaires. Certains ouvriers qualifiés ont également monté des entreprises qui travaillent en coopération avec les autres. » Le chômage, deuxième problème de la réforme des entreprises publiques, est vaincu.

Lu Chang’an a longtemps travaillé comme responsable de la sécurité de la chaîne de production des usines de machines-outils de Shenyang. Après avoir connu la politique de regroupement des entreprises et le projet de restructuration vers l’ouest de la ville, il a suivi son employeur dans les nouveaux locaux. Fort de 30 ans d’expérience dans la fabrication, cet ouvrier émérite se souvient : « Autrefois, l’équipement était désuet, on ne pouvait pas suivre la tendance du progrès. Et quand on avait des difficultés, les gens n’étaient pas solidaires. » Maintenant, plus de 60 % des équipements sont numériques. M. Lu a dix apprentis. « Ce sont tous des diplômés universitaires, bien éduqués », a-t-il ajouté. En souriant, il nous a confié qu’il espérait que son fils travaille ici après ses études, pour continuer l’œuvre familiale.

Wang Zhigang a ajouté que la reconstruction des quartiers locatifs vétustes était achevée, ce qui représente 5 millions m2 d’habitations fonctionnelles à loyer modéré pour les anciens habitants. La surface moyenne des logements à Tiexi est passée de 12 m² en 2002 à 27,3  m² actuellement.

En 2008, l’ONU a décerné à Tiexi le Prix d’excellence de la catégorie ville habitable. L’année suivante, deux projets pilotes d’envergure nationale y ont été implantés : l’un pour le développement durable et l’autre pour la nouvelle industrialisation. Aujourd’hui, en pénétrant dans ce quartier, il est difficile d’imaginer qu’il a été un des endroits les plus pollués du monde, puisque la qualité de l’air y est bonne plus de 320 jours par an et que la verdure représente plus de 40 % de sa superficie.

Nouvel objectif

Le 9 juin 2007, la Commission nationale du développement et de la réforme et le Bureau du renouveau du Nord-Est du Conseil des affaires d’État ont conféré à Tiexi le titre de « Zone modèle de la restructuration industrielle et du développement de la fabrication d’équipements de production ». L’arrondissement est redevenu une zone économique importante du Nord-Est, avec une valeur de production de 123 milliards de yuans l’année dernière.

À propos de la planification, M. Li a indiqué : « D’ici à 2020, on essayera d’atteindre 1 000 milliards de yuans en valeur de production, dont la moitié proviendra des industries de fabrication d’équipements de production. En tant que nouveau secteur pilier, l’industrie de la construction immobilière atteindra ou dépassera aussi 500 milliards de yuans. »

Développant principalement les outils, les pièces et les services nécessaires à la construction immobilière, ce secteur cherche à faire de Tiexi une capitale de l’industrie de la construction qui rassemblerait à la fois la fabrication, la recherche et le commerce. Citons quelques exemples de réussite : la construction pour deux milliards de yuans du bâtiment du groupe Yuanda; le début du projet de nouvelle base du Groupe de transport d’industrie lourde du Nord; et celui de meilleur quartier industriel du monde dans lequel Kajima a investi 4,8 milliards de yuans. Jusqu’au mois d’août, il y avait eu 44 projets qui avaient été initiés dans la zone de l’industrie de la construction. Un chiffre qui atteindra 83 ce mois-ci et dont le montant total dépassera 30 milliards de yuans.

M. Li nous donne sa conclusion : « L’objectif de Tiexi, c’est d’être non seulement une base compétitive de fabrication d’équipements de production, mais aussi la capitale de l’industrie de la construction en Chine. »