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Dossier
L’histoire de Zhang Qianru et de ses parents

HOU RUILI

Observons cette jeune femme, fille de travailleurs migrants, partie répéter le destin familial, et si représentative des nouvelles générations, de leurs problèmes et de leurs aspirations.

PAR rapport à la génération précédente, les nouveaux travailleurs migrants, plus éduqués et plus exigeants, n’aiment pas le travail dur.

Des filles de la campagne cherchent du travail à Shenzhen. CFP

Une enfance sans souci

Pendant les années 1980, la Chine a appliqué la réforme rurale en mettant les terres à la disposition des paysans. Du fait d’une population très nombreuse, chaque paysan disposait de très peu de terre. Le surplus de la main-d’œuvre agricole est alors entré dans les villes. Puis, dans les années 1990, comme la Chine a connu une croissance économique très rapide, les travailleurs migrants ont afflué surtout dans les villes côtières du Sud-Est, dans les chantiers du bâtiment ou dans les entreprises manufacturières exportatrices.

Après 15 ans de séparation, Zhang Qianru, 21 ans, est venue de Shenyang (Liaoning) à Beijing pour rejoindre ses parents qui y tiennent un atelier de confection.

Quand Qianru avait 3 ans, son père, Zhang Wanxu, a quitté son village natal pour aller à Daqing (Heilongjiang) travailler dans une petite usine d’équipement pétrolier. Sa mère travaillait comme cuisinière dans une briqueterie du village. Deux ans plus tard, sa mère est aussi allée à Daqing et a trouvé un boulot de porteur dans la même usine que son père. Les époux ont laissé leurs enfants aux grands-parents, puisque Daqing est une ville pétrolière où les salaires sont un peu plus élevés que dans les villes côtières du Sud-Est. Touchant un revenu mensuel de 600 à 700 yuans environ, ils travaillaient chaque journée dix heures ou plus sans se reposer le week-end. Chauffeur de camion, Zhang Wanxu conduisait souvent la nuit, même en hiver. Chaque année, ils pouvaient retourner chez eux une ou deux fois, mais toute la famille ne pouvait que passer une dizaine de jours ensemble.

Avec le grand développement des industries à forte densité de main-d’œuvre, l’écart de revenu entre les villes et les campagnes se creuse. En 1978, le revenu par habitant urbain était 2,4 fois supérieur à celui par habitant rural, alors qu’en 2008, ce chiffre était de 3,13. Plus de paysans se sont donc déplacés vers les villes et les régions économiquement développées. Grâce au revenu de leurs parents, les enfants de ces travailleurs migrants ne vivent plus dans la pauvreté.

« Quand j’étais petite, avec mes frères et sœurs, quatre enfants se disputaient les plats et une petite quantité de viande sur la table. Ces scènes étaient édifiantes et tristes », se rappelle la mère de Qianru.

Élevés par leurs grands-parents, Qianru et son petit frère ont passé une enfance et une adolescence heureuses. « Dans la cour de ma maison de campagne, on cultivait beaucoup de légumes et plantait des arbres fruitiers. J’y jouais avec mes copains. Nous n’avons jamais travaillé dans les champs, mais j’ai passé mon enfance dans la nature. Je trouve que mon enfance a été plus heureuse que celle des enfants des villes qui ont passé leur vie à jouer avec les consoles de jeux. »

Selon une enquête menée par la Fédération nationale des syndicats de Chine, 89,4 % des nouveaux travailleurs migrants ne connaissent presque rien du travail d’un paysan, et 37,9 % n’ont pas d’expérience de travail. Certains d’entre eux sont même nés dans les villes et n’ont pas de terre dans leur village. Leur enfance est comme celle des autres enfants.

Malgré une vie relativement meilleure, Qianru et son frère pensaient quand même souvent à leurs parents. Ils s’attendaient à les voir revenir au moment du Nouvel An. « Chaque fois, ils rapportaient beaucoup de choses originales, aliments ou jouets. Je pouvais sentir en eux la nouveauté, l’autre monde, les villes. Pourtant, l’affection des parents ne peut pas être remplacée par les satisfactions matérielles. Mon frère et moi avions envie de rester tous les jours auprès de nos parents », se remémore Qianru.

D’après certains psychologues, après une enfance sans l’affection des parents, les enfants pourraient être spirituellement plus exigeants une fois adultes.

Si elle a du temps, Zhang Qianru reste à l’atelier pour tenir compagnie à ses parents. HOU RUILI

Chercher une place dans les villes

En 1997, le couple a dépensé presque toutes ses économies pour construire une maison de 200 m² dans son village natal. Toute la famille dispose de terres cultivées et d’une protection sociale dans son village. Zhang Wanxu confie : « Nous voulons retourner dans notre village natal quand nous serons vieux. Notre travail en ville, c’est pour rendre service aux autres. Nous n’y appartenons pas, mais y rester est pour le moment le meilleur choix. » Leur atelier de confection leur rapporte un revenu annuel de 60 000 à 70 000 yuans, soit dix fois plus que cultivateur.

Maintenant, les premiers travailleurs migrants d’âge moyen sont pour la plupart retournés dans les campagnes. Ils mènent une vie simple en travaillant dans les champs exploités à forfait. Seuls 10 % d’entre eux restent dans les villes grâce à leur savoir-faire. Zhang Wanxu a souhaité que ses enfants puissent se marier dans le village et s’occuper avec sa femme de leurs petits-enfants. Son projet ne se réalisera pas. Il regrette donc d’avoir construit une si grande maison.

L’enquête de la Fédération nationale des syndicats de Chine montre que les nouveaux travailleurs migrants ne connaissent plus la pauvreté et sont moins productifs que leurs parents. En cela, ils ne sont pas différents des jeunes urbains.

Un an après son arrivée à Beijing, Qianru avoue : « Mes parents ont travaillé dur et se contentent d’une vie sobre, alors que moi, je ne supporte pas le travail dur. Je ne veux plus retourner à la campagne, donc je dois trouver ma place dans la ville. »

Grâce à ses amis, elle a trouvé un poste d’assistante au Bureau des recherches optiques de l’Institut national de métrologie de Chine. Comme elle n’a pas de permis de résidence de Beijing ni de diplôme d’éducation supérieure, elle ne touche qu’un salaire mensuel de 1 500 yuans. Heureusement, le travail au bureau n’est pas très lourd et l’employeur offre gratuitement le déjeuner. De plus, elle peut se former auprès de son responsable, une femme docteur de 12 ans son aînée. Celle-ci espère la voir continuer ses études et l’oriente pour sa carrière. « Je ne savais pas que le diplôme était la clé pour trouver du travail. Je suis capable de faire mon travail actuel. Pourtant, sans un diplôme de l’éducation supérieure, je ne pourrais pas obtenir un contrat de travail de longue durée. Si j’obtiens un poste permanent, mon salaire doublera », confie-elle.

Avec le diplôme de l’enseignement secondaire, les nouveaux travailleurs migrants n’ont pas les moyens de s’épanouir professionnellement dans une société complexe. N’étant pas préparés à essuyer des échecs, ils n’ont pas une grande capacité d’élaborer un projet professionnel et de le mettre en place. Ils rêvent tous de continuer leurs études. Selon une enquête, 69,7 % d’entre eux voudraient apprendre une spécialité technique, 54,7 % le droit et 47,8 % des connaissances culturelles. Tout cela en vue de leur futur développement.

Face aux millions d’étudiants qui se concurrencent pour trouver un travail à Beijing, Qianru ne s’inquiète pas. Elle a un savoir-faire important et sait en jouer.

Comme le logement de ses parents n’est pas spacieux et qu’il est loin de son lieu de travail, elle a loué un appartement avec une amie. Elle consacre son temps aux études. « Les élèves de ma patronne ont un haut niveau d’éducation, mais ils ne connaissent pas le monde. En plus de suivre des cours, je travaille pour engranger de l’expérience de la vie et de la société. Avant 30 ans, je ne me presse pas pour fixer mon but professionnel. »

Les anciens travailleurs migrants travaillaient pour épargner de l’argent, alors que les nouveaux arrivent dans les villes pour connaître le monde hors de leur village ou pour réaliser leur rêve. L’enquête révèle que la motivation de l’argent était celle de 76,2 % des travailleurs migrants nés dans les années 1960, 34,9 % pour ceux nés dans les années 1970 et 18,2 % pour ceux nés dans les années 1980. De ces derniers, 71,4 % viennent dans les villes pour « connaître le monde », « acquérir de l’expérience », « apprendre un savoir-faire » ou « quitter l’ennui de la campagne ».

« Nous faisons aussi notre choix. »

Lorsqu’elle accompagne son maître de recherche en visite dans une usine de Foxconn à Jincheng (Shanxi), elle a vu de jeunes ouvriers de son âge, indifférents, travailler sur la chaîne de montage, répétant des gestes mécaniques. Elle se sentait heureuse de ne pas travailler là-bas. « Puisqu’il s’agit d’entreprises comme Panasonic ou Foxconn qui ne veulent pas que les secrets techniques soient divulgués, les ouvriers ont peu de possibilités de changer de poste. Ce genre de travail mécanique monotone ne suscite chez eux aucun intérêt à l’égard du monde extérieur et ne leur permet même pas de connaître l’ensemble du processus qu’ils mettent en œuvre. Je n’accepterais pas ce boulot, même si l’on me donnait un gros salaire! », exprime-t-elle, indignée.

Comme beaucoup de jeunes n’ont pas vécu dans la pauvreté et n’ont pas à entretenir leur famille, ils utilisent leur salaire, parfois très maigre, pour se faire plaisir en matière d’habillement et de nourriture, ou pour se distraire comme tout jeune urbain. Par rapport à la génération précédente, ils ne mettent pratiquement rien de côté. Leur pouvoir d’achat ne doit pas être négligé, surtout depuis que le développement économique de la Chine dépend plutôt de la consommation intérieure que des exportations.

Ces jeunes ne sont pas disposés à accepter n’importe quel travail pour un très bas salaire, d’où les « pénuries » de main-d’œuvre. Par exemple, les restaurants de Beijing se sont heurtés à des difficultés de recrutement depuis le début de l’année, parce que c’est un travail difficile, pas très bien payé, avec beaucoup d’heures supplémentaires. Comme les gens ne peuvent pas travailler longtemps dans un restaurant, le patron ne les engage pas à durée indéterminée, les contrats de travail ne les font donc pas bénéficier de la protection sociale. Puisque les conséquences de la crise financière commencent à s’estomper, la main-d’œuvre retourne dans les usines et cela aggrave la situation des restaurants.

Les familles de Beijing ont également des difficultés à trouver une femme de ménage. Selon les nouveaux règlements de Beijing, le travail de femme de ménage ne peut pas dépasser 12 heures par jour; elles ont droit à quatre jours de repos chaque mois. Leur salaire mensuel ne doit pas être inférieur à 1 500 yuans. Malgré ces conditions, peu de personnes veulent ce genre de poste. « Quand nous étions petits, les adultes s’occupaient de nous. Maintenant, nous ne savons donc pas nous occuper des autres. Nous n’acceptons pas ce genre de travail », dit Qianru. Les jeunes travailleurs migrants exigent un salaire satisfaisant et un statut social convenable.

Contradictions

Le mode de vie de Qianru a changé après son arrivée à Beijing. Dans son appartement de location, elle peut prendre une douche tous les jours et elle habite dans une chambre climatisée. Parfois, avec son salaire modique, elle invite ses amis à manger au restaurant. D’une part, elle se sent heureuse de mener une vie urbaine; d’autre part, elle a un peu de remords : c’est de l’argent gaspillé.

Au fond de son cœur, elle n’aime pas cette ville. « Après mon arrivée à Beijing, les autres m’enviaient de mener une vie comme les citadins. En fait, je ne suis pas contente. Peut-être, est-ce le rythme de vie très rapide ou le nombre de gens riches, en tous cas je n’ai pas les moyens d’acheter un appartement. Même un logement très ordinaire peut coûter presque un million de yuans. Je pense appartenir à la classe inférieure de cette société. Après avoir travaillé dur pour cette ville, on n’a pas de récompense convenable. Donc, on ne peut pas mener une vie comme les vrais citadins. En même temps, la ville nous a changés, et nous ne pouvons plus retourner à la campagne. D’un côté, nous ne pouvons pas trouver notre place dans cette ville; de l’autre, nous ne voulons pas partir, c’est vraiment une contradiction. »

La moitié des jeunes travailleurs migrants souhaitent acheter un appartement en ville pour s’y installer. En effet, les travailleurs migrants habitent dans les grandes banlieues où les conditions de vie sont mauvaises. Pourtant, la montée en flèche des prix immobiliers les empêche de réaliser leur rêve.

Par ailleurs, les problèmes de rémunération, de protection sociale et de permis de résidence sont des obstacles sur leur chemin. En effet, les avantages sociaux sont réservés aux citadins, les paysans qui n’ont pas le permis de résidence de la ville où ils travaillent ne profitent pas des mêmes systèmes de santé et d’éducation qu’eux.

« Beijing, capitale du pays qui offre plus d’opportunités que les villes côtières, accueille un grand nombre de travailleurs migrants. Certaines réussites encouragent les nouveaux migrants qui auront peut-être plus de difficulté à s’intégrer à leur tour. » Qianru, pleine d’espoir, essaie de devenir membre de cette ville. 

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