ZHANG HONG

Beaucoup de pistes sont explorées à Shanghai pour bâtir intelligemment; trois pavillons dévoilent pour nous certains de leurs secrets.

L’EXPOSITION universelle a toujours été une vitrine pour les nouveaux matériaux, et cette année, Shanghai ne fait pas exception. Les façades de nombreux pavillons les utilisent afin d'être attrayantes, uniques et surtout respectueuses de l'environnement et économes en énergie.

Pavillon de l’Espagne : l'osier remplace le béton

Pour beaucoup, un immeuble évoque des cadres en acier et du béton, mais le pavillon de l'Espagne, l'un des plus grands de l'Expo de Shanghai, réfute cette notion.

À l'intérieur du grand « panier » d'osier, la commissaire générale Maria Tena dit chaleureusement au revoir à Meng Jinghui, le metteur en scène chinois du classique espagnol Don Quichotte. Elle n'a pas eu une seule bonne nuit de sommeil depuis l’ouverture, mais ça en valait la peine. Jusqu'à maintenant, ce pavillon a reçu trois millions de visiteurs, et ce qui la rend la plus fière, c'est qu'il soit devenu la pièce maîtresse de la zone européenne.

Grâce à l’utilisation de la vannerie, le pavillon espagnol a été proclamé « pionnier de l'histoire architecturale » et attire de nombreux spécialistes ainsi que des visiteurs réguliers. Il y a un arrêt de bus en face du pavillon, et la file d'attente ne cesse de s'allonger, telle une immense canne de rotin.

Galla, de Barcelone, connaissait l'utilisation de ce matériau pour fabriquer des objets; enfant, elle prenait un panier en osier pour aller cueillir des champignons. Mais c'est seulement quand elle est venue travailler ici qu'elle a appris qu'on pouvait l'utiliser pour la construction de bâtiments.

« Les cannes de rotin et de saule sont renouvelables et respectueuses de l'environnement, c'est tout à fait en accord avec le thème de l'Expo : Meilleure ville, Meilleure vie. » Maria est fière du style naturel de son pavillon et elle souligne qu'il « crée des ombres pommelées. Le pavillon ressemble à un dragon endormi, ou selon certains, à une forêt ou à une montagne. Dans l'ensemble, il représente de nombreux éléments de la nature.

Dans un bâtiment en pierre, en béton ou en acier, vous ne pouvez pas sentir le monde extérieur, mais ici, vous êtes en harmonie avec la nature, explique Maria en montrant les rayons du soleil à travers l'osier. Regardez, vous ne faites qu'un avec la nature. »

Toutes les portes et les planchers du pavillon sont faits de copeaux de bambou compressés, apportant ainsi la qualité de la membrane extérieure vers l'intérieur.

Bien que le résultat semble très simple, adapter ce matériau à la taille impressionnante de la construction a été une opération de longue haleine. Tout d'abord, les cannes ont subi un processus en dix étapes, comprenant la stérilisation, le séchage, le façonnage, la peinture, le tissage et le vernissage avec un revêtement ignifuge. Chaque élément a dû être tissé selon un angle différent en fonction de son emplacement final. La structure finale a ensuite subi un vaporisage à haute température afin de prévenir la déformation et le développement de moisissures.

« La vannerie est un artisanat commun à la Chine et à l'Espagne, par exemple pour les berceaux et les chaises. Comme symbole de vie, ils relient les deux pays, dit en souriant Maria, c'est ce que nous voulons transmettre aux visiteurs. »

Le revêtement extérieur, comportant 8 500 panneaux d’osier qui pèsent environ 80 tonnes, a été tissé à la main dans une petite ville du district de Boxing, (province du Shandong). Dans cette ville pleine de vanniers, la tradition de la vannerie a plus de 800 ans.

Pavillon de la Finlande : des murs en papier et en plastique

Le design de « bouilloire géante » du pavillon de la Finlande apporte une trêve à la fournaise estivale en conférant un sentiment de fraîcheur et de tranquillité. Ses murs extérieurs sont constitués de 25 000 bardeaux disposés comme les écailles d'un poisson. Les 18 tonnes de cette structure sont faites de déchets de papier et de plastique; ils sont donc totalement recyclables.

« En Finlande, chacun d'entre nous se soucie de l'environnement, donc chaque fois que nous découvrons un nouveau concept comme la "bouilloire géante", nous sommes tous heureux », déclare avec une fierté évidente le guide Antti Saarilahti.

Chaque écaille fait environ 20 cm de long et est fixée avec trois vis. L'assemblage a nécessité des dizaines de travailleurs, trois semaines de travail et plus de 70 000 vis.

Le dos des autocollants et des adhésifs double-face était généralement jeté au hasard jusqu'à ce que la société papetière finlandaise UPM ProFi ait eu l'idée géniale de les recycler en matériau de construction. On peut voir au premier étage une boîte créée à partir de ces déchets. « Le papier et l'eau ne font pas bon ménage, explique Antti, mais quand du plastique y est ajouté, ça devient beaucoup plus fonctionnel. »

Ce composite papier-plastique a suscité un grand intérêt, puisqu’il est non seulement entièrement fabriqué à partir de déchets, mais également imperméable à l'eau.

En Finlande, bien que le géant économique national soit Nokia, l'industrie du papier reste encore extrêmement importante. La plupart des objets exposés sont également fabriqués à partir de papier recyclé. Touchez par exemple le canapé K-chair et vous serez incapable de dire qu’il est fait de déchets de papier. Antti ne possède pas sa propre maison, mais s’il en avait une, « je la remplirais avec des meubles comme ça, attrayants et abordables », confie-t-il. Certaines compagnies de papier finlandaises ont mis en place des usines en Chine. Celles-ci produiront-elles le matériau tendance pour construire l’immobilier et le mobilier de l'avenir?

Le pavillon est construit selon les normes des bâtiments pérennes. Après l'Expo, il sera probablement vendu comme un ensemble.

Pavillon Vanke : des bottes de paille

La façon dont le pavillon Vanke a vu le jour est assez inattendue. Alors que le concepteur jouait avec des gobelets en papier, une idée audacieuse lui est venue à l’esprit : pourquoi ne pas faire un bâtiment en forme de tasse? Ainsi, ce sont sept tasses qui ont vu le jour. À grande échelle, elles ressemblent à ces silos utilisés dans la campagne, de sorte que le designer a joué sur la similitude, et c’est de la paille qui a été utilisée pour produire les 300 000 éléments du revêtement extérieur.

Les « planches de paille » ont été produites aux Pays-Bas et envoyées à Shanghai pour y faire leurs débuts en tant que matériau de construction. « Si on ne l’avait pas utilisée, la paille aurait été brûlée, ce qui aurait été du gâchis », explique Hong Yuchen, étudiante à l'Université des études internationales de Shanghai et bénévole au pavillon Vanke.

C’est le seul qui a été construit par une compagnie chinoise privée. Celle-ci est bien connue pour son orientation écologique, et son président, Wang Shi, est allé sur le mont Qomolangma (Everest) pour y ramasser les ordures laissées par les touristes. Le mur de paille reflète parfaitement ses idéaux : pas de produits chimiques, tout naturel, pas besoin de ventiler après peinture.

La première fois qu'elle a vu ce pavillon, Hong Yuchen ne pensait pas qu’il s’agissait d’une construction. « Les structures d'origine humaine sont construites contre la nature, mais ce lieu semble se fondre avec elle si harmonieusement, fait-elle observer en pointant du doigt la forêt de tours dans le lointain. Ceux-là ont l'air très modernes, mais n'ont pas le sens de la nature. »

En effet, comme on entre dans le pavillon, l'odeur du blé semble nous transporter à la campagne, surtout lorsque la brise souffle à travers. « Les sept "tasses" sont disposées de façon très précise, une à l’endroit et une à l’envers. Cette disposition optimise l'utilisation de l'espace et permet au vent de passer en douceur. C'est une ventilation style Shanghai », ajoute Hong.

Beaucoup de visiteurs partagent son enthousiasme, et des architectes étrangers ont manifesté un grand intérêt. « Ils disent tous "Fantastique! Incroyable!" parce que c'est naturel. »

Tard dans l'après-midi, le soleil couchant jette ses rayons obliques sur les murs jaune paille. Il s'agit du moment préféré de la journée pour Hong Yuchen: « C’est très doux, très beau. »

Mais certains ont soulevé des questions sur la résistance de la paille à l’humidité et au feu. La réponse, c’est qu’après avoir subi une haute température, une haute pression et d'autres procédés, ce matériau est non seulement résistant au feu, mais encore plus résistant à l'humidité que le bois normal.

Le concept étant de « célébrer la vie à travers les structures », même les tables sont faites en paille, et sous une couche de peinture, elles ne semblent pas différentes de leurs homologues en bois.

Plus de 7 000 personnes viennent voir ces bottes de paille tous les jours, et le nombre ne cesse d'augmenter. Elles peuvent être démontées, donc une fois l’Expo terminée, Vanke reconstruira le pavillon ailleurs, en ajoutant un jardin ou un musée, pour diffuser son message écologique à plus de gens. Beaucoup de dirigeants locaux ont exprimé le désir d’accueillir le pavillon.