La main d’œuvre des industries manufacturières chinoises a récemment connu des hausses de salaire sans précédent. Quels en sont les tenants et aboutissants? Le modèle économique est-il remis en question?
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Économie |
Hausses salariales : les produits « Made in China » devraient-ils dire au revoir à la main-d'œuvre bon marché? |
GONG HAN La main d’œuvre des industries manufacturières chinoises a récemment connu des hausses de salaire sans précédent. Quels en sont les tenants et aboutissants? Le modèle économique est-il remis en question? APRÈS que les usines de pièces détachées Honda en Chine ont augmenté les salaires de 24 % pour calmer la grève de leurs ouvriers, Foxconn a annoncé, le 1er juin dernier, une augmentation salariale collective de 30 %. Cinq jours après, Foxconn a confirmé une deuxième augmentation, dont la plus forte atteindrait 66 %. Bien que les augmentations salariales lancées par Foxconn soient considérées comme un geste pour améliorer son image plombée par les suicides de ses employés, une vague d’augmentation des salaires amorcée dans les grandes usines manufacturières s’étend dans le delta du fleuve Zhujiang (rivière des Perles), voire dans la Chine entière. Il est à noter que 27 provinces et villes ont relevé le niveau des salaires minimums. Dans certains endroits comme Beijing, Shenzhen, le Henan, le Shaanxi, l'Anhui et sur l'île de Hainan, les augmentations dépassent 20 %. Dans nombre d’usines, le salaire de base correspond en effet au salaire minimum local. Ainsi, l’élévation du niveau de celui-ci est devenue pour les patrons une pression pour augmenter les salaires. La main-d’œuvre bon marché a soutenu la croissance économique rapide de la Chine depuis sa réforme et son ouverture, il y a 30 ans; ces hausses de salaire ont donc attiré une grande attention de toutes les parties : la Chine, qualifiée d’« atelier du monde », est-elle en train de perdre l'avantage de cette main-d’œuvre?
L’augmentation du salaire chez Foxconn a exercé une grande pression sur les entrepreneurs. Derrière les augmentations salariales Superficiellement, ces hausses salariales sont dues aux grèves et à certains événements hors du commun. En fait, elles remontent au temps de la pénurie de travailleurs migrants en 2004, et même encore avant. D’après l’enquête effectuée par M. Cai Fang, directeur de l’Institut des études sur la démographie et l’économie du travail relevant de l’Académie des sciences sociales de Chine, le salaire des travailleurs migrants a augmenté peu avant l’an 2000, et il a connu une croissance à deux chiffres après 2004; ainsi, en 2008, l'augmentation a été de 19 %, et en 2009, de 16 %. Responsable de l’Institut du développement social de Shenzhen, une organisation non gouvernementale, M. Liu Kaiming a suivi de près l’évolution des industries manufacturières du delta du fleuve Zhujiang. D’après lui, c’est la pénurie de travailleurs migrants liée à un bas niveau des salaires qui demeure la raison principale de ces augmentations salariales. « Depuis longtemps, les ouvriers manufacturiers travaillaient dur, mais touchaient un maigre salaire. La part du coût de la main-d'œuvre est très restreinte dans le coût total de la production. Jusqu’à maintenant, elle ne représentait pas une part normale. Demander des augmentations salariales se révèle donc raisonnable », constate M. Liu. Mandaté par les entreprises occidentales qui passent des commandes, M. Liu effectue des évaluations auprès des usines sous-traitantes du delta du fleuve Zhujiang. D’après lui, le nombre d’ouvriers de Foxconn a augmenté de 9,7 % en 2009 par rapport à 2008, tandis que la part du coût de la main-d'œuvre dans le coût total a baissé de 28 %, soit une réduction du coût moyen par ouvrier de 34 %. C’est-à-dire que le coût de sa main-d'œuvre ne cesse de baisser. L’Enquête commune sur les salaires de base en Asie, menée l’an dernier par une dizaine d’ONG britanniques, montre que, pour une famille chinoise de quatre membres, un salaire de 1 638 yuans peut lui permettre de maintenir une vie élémentaire; si elle vit dans les grandes villes chinoises, dont Beijing, Shanghai, Guangzhou ou Shenzhen, il lui faut un salaire de 2 000 yuans. Selon des évaluations de M. Liu, le salaire moyen d’un ouvrier du delta du fleuve Zhujiang n’est que de 1 094 yuans, moitié moins que le salaire indispensable pour maintenir une vie élémentaire. Selon d'autres statistiques, la baisse du prix de la main-d'œuvre chinoise est un fait indéniable. D’après la Fédération nationale des syndicats de Chine, de 1983 à 2005, la part des revenus du travail des habitants chinois dans le PIB a baissé de 20 % pendant 22 années consécutives, alors que la part des rémunérations du capital dans le PIB a augmenté de 20 % pendant la même période. Lors d’une interview accordée en mai dernier, M. Zhang Jianguo, directeur du contrat de travail collectif de la Fédération nationale des syndicats de Chine, calculait que le salaire moyen des ouvriers, si on ne tenait pas compte des heures supplémentaires, équivalait à peine au salaire minimum. Maintenant que celui-ci atteint 920 yuans à Zhuhai, Foshan, Dongguan et Zhongshan (province du Guangdong), il reste encore inférieur à la moitié du salaire moyen local. Un autre moteur de ces hausses salariales, c’est l’esprit rebelle de la nouvelle génération des travailleurs migrants qui occupent déjà 50 %, voire 70 % de cette catégorie d’ouvriers. Comparés à leurs prédécesseurs, ils n'hésitent pas à exprimer directement leurs revendications, même par la révolte. « En fait, chaque année, il se passe des événements sur l’augmentation des salaires, surtout au moment du réajustement de ceux-ci. Cette année, les conflits qui se sont produits dans des sociétés qui passent pour meilleures que d’autres, comme Honda et Toyota, font des émules. Les médias et le public leur ont donc accordé plus d’attention », note M. Liu. Selon M. Su Hainan, vice-chef de l’Association du travail et directeur de la Commission professionnelle des rémunérations, l’élévation du salaire minimum n’est pas le signal d’une hausse générale des salaires. « Selon des règlements chinois sur le salaire minimum, il faut au moins le réajuster une fois tous les deux ans. Pourtant, en 2008 et en 2009, du fait du choc de la crise financière mondiale, les réajustements ont été reportés pour qu'employeurs et employés s’unissent et passent ce cap difficile. Cette année, la conjoncture internationale s’améliore; la Chine est la première à s'être sortie de la crise. Dans ce contexte, relever les salaires minimum dans certaines régions revient en quelque sorte à rembourser ses dettes. En plus, la montée des prix à la consommation rend ces hausses de salaire également nécessaires », explique M. Su. Mme Qi Yunlan, professeure au Centre d’étude sur le développement relevant du Conseil des affaires d'État, a indiqué que le réajustement du salaire minimum est lié à la politique macro-économique menée par le gouvernement chinois. « 2010 marquera la réforme du système de répartition des revenus en Chine. Qu’il s’agisse de l’équité sociale ou de la consommation intérieure, la réforme doit tenir compte des salariés moyens, notamment des travailleurs à faible revenu. »
La main-d'œuvre bon marché n’est pas l’unique avantage de la Chine M. Chen, l’un des responsables d’une usine électronique sous-traitante, a été choqué lorsqu’il a appris la nouvelle de l’augmentation des salaires chez Foxconn, car il s’inquiète d’un éventuel départ des ouvriers et d’une difficulté de recrutement. Son usine de près de 300 ouvriers est un exemple des sous-traitants de petite et moyenne taille du delta du fleuve Zhujiang. Sous le choc de la crise financière et de la réévaluation du yuan, ces entreprises sont incapables de supporter la pression des hausses de salaire. Selon M. Pan Yue, professeur à l’Institut des recherches sur les stratégies internationales de l’école du Parti relevant du Comité central du P.C.C., en raison du très bas niveau des salaires, leur augmentation n’affaiblirait pas significativement la compétitivité de la main-d'œuvre chinoise à court terme. « Des expériences internationales montrent néanmoins qu’avec le développement économique d’un pays, la tendance à la hausse du salaire de sa main-d'œuvre est inévitable. Mais en Chine, la main-d’œuvre est plus abondante qu'ailleurs, ce qui rendait son coût toujours stable depuis la réforme et l’ouverture du pays. Pourtant, la croissance rapide et le progrès économique entraîneront tôt ou tard son augmentation », affirme le Pr Pan. Sous la pression de cette hausse éventuelle, assisterons-nous à un transfert d’envergure des industries manufacturières vers les pays de l’Asie du Sud-Est? Beaucoup d’experts ont donné une réponse négative. Leur raison : après des années de développement, la main-d'œuvre à faible coût n’est pas le seul avantage de la Chine. « En fait, la Chine possède non seulement une main-d'œuvre à coût réduit, mais aussi une forte productivité, ce qui la rend toujours plus compétitive que d’autres pays », souligne le Pr Pan. M. Su Hainan trouve qu’il ne faut pas négliger les autres avantages de la Chine, par exemple : les bonnes infrastructures, les conditions de transport, la richesse de l'offre en matières premières et en énergies, l'orientation du réseau de vente vers l’export, la confiance mutuelle entre les entreprises, ainsi que le système complet de services offerts par les gouvernements locaux pour soutenir les entreprises exportatrices. La Chine présente plus d’avantages que le Vietnam ou l’Inde, et le coût est très inférieur à celui aux États-Unis ou en Europe. C’est pourquoi elle restera encore le premier choix pour la plupart des entreprises manufacturières. La preuve : les commandes d’un grand nombre de sociétés, dont Walmart, reviennent d’Inde en Chine. En outre, la Chine possède un immense marché. C’est ce qu’apprécient les multinationales. Selon des statistiques du ministère du Commerce, pour les 290 000 sociétés étrangères implantées en Chine, 63 % de leurs produits ont été vendus en Chine, seulement 37% ont été exportés. La part croissante du marché chinois laisse entrevoir la potentialité de celui-ci. Au lieu de déplacer les usines à l’étranger, les entreprises avec de larges effectifs préfèrent s’installer dans les provinces intérieures; nombre d’exportateurs expriment la même idée. Ces derniers temps, ces provinces préparent le terrain pour accueillir l’afflux de nouvelles implantations. Ainsi, parmi les projets industriels de plus de 50 millions de yuans qui se sont installés au Jiangxi en 2007, 67,2 % proviennent des provinces traditionnellement exportatrices comme le Zhejiang, le Guangdong et le Fujian. Et ailleurs, les provinces d'où proviennent la main-d’œuvre, comme l’Anhui, le Hubei et le Sichuan, se préparent activement à recevoir les entreprises qui vont se délocaliser. Le temps de la main-d'œuvre bon marché est loin de toucher à sa fin Malgré la très haute attention accordée par l’Occident, la fin de la main-d'œuvre bon marché est loin d’arriver en Chine, scande M. Su. « Le temps de la main-d'œuvre bon marché continuera 8 à 10 ans. Les structures économiques caractérisées, entre autres, par l’exportation de productions à forte demande en main-d'œuvre, et le faible niveau d'éducation des travailleurs ne rendraient pas viable une forte augmentation des salaires des ouvriers. Si ces deux éléments subsistent, l’ère des bas salaires durera », commente M. Su. Le ratio entre la population non active et la population active est une référence importante pour apprécier la structure démographique d’un pays. Un bas ratio signifie une large main-d'œuvre et des charges sociales moins lourdes, un avantage important pour le développement économique. C’est ce qu’on appelle le dividende démographique. En dépit des débats sur la modification de celui-ci, qui mènerait vers une pénurie de main-d'œuvre, des statistiques publiées par la Commission nationale de la population et de la planification familiale montrent que ce coefficient se trouve encore maintenant à un bas niveau et qu’il connaîtra un changement en 2013 lorsqu’il atteindra alors son maximum de 38 %. « D’ici 3 à 5 ans, la Chine pourrait bénéficier encore de son dividende démographique. Même si le tournant arrive, le ratio se trouvera encore à un bas niveau par rapport aux autres pays. C’est pour cela qu’on dit que le dividende démographique va durer 20 à 25 ans. Pendant cette période, la main-d'œuvre restera suffisante », analyse la Pre Qi. La très grande quantité d'ouvriers chinois disponibles reste un avantage incomparable face aux autres pays. Avec les progrès scientifiques et techniques et la montée en gamme des industries, la main-d'œuvre en Chine sera évidemment un élément très compétitif à long terme pour la concurrence internationale. La reconversion imminente Les exportateurs du delta du fleuve Zhujiang ont toujours subi des pressions pour la reconversion. Le 24 mai 2008, le gouvernement provincial du Guangdong a publié la Décision sur le transfert des industries selon laquelle les entreprises manufacturières bas de gamme seront déplacées vers le nord, l’est et l’ouest de la pro-vince et cèderont la place aux industries de pointe et aux services haut de gamme. Ce plan a pour objectif d’optimiser les structures industrielles du Guangdong. La Chine ne veut plus se trouver au bas de la chaîne industrielle. Après l’éclatement de la crise financière, le protectionnisme est plus grave. La chute des exportations a montré au gouvernement chinois qu’une économie étroitement dépendante des exportations n’était pas viable. Le changement de modèle économique de ses principaux partenaires commerciaux, dont les États-Unis, limite la croissance des éventuelles exportations chinoises. La Chine restera pendant longtemps l’atelier du monde; son niveau de consommation toujours inférieur au niveau moyen mondial laisse voir une forte marge de croissance de ce marché. Les ouvriers de la nouvelle génération changent aussi, essayant de trouver un meilleur salaire et un emploi plus digne. M. Liu connaît bien ce problème : « Pour que les ouvriers touchent un salaire gratifiant, on ne peut pas compter sur l'augmentation du salaire minimum par le gouvernement, tout dépendra de la capacité des ouvriers à mener des négociations salariales collectives. » La publication, l’an prochain, d’une réglementation sur les salaires est sans doute une bonne nouvelle pour les ouvriers. La répartition des revenus sera plus équitable, et un système de négociation des salaires sera établi. Le droit des ouvriers à être raisonnablement récompensés sera protégé. Pour les entreprises dépendant uniquement de l’avantage financier de la main-d'œuvre, la reconversion est imminente sous la pression des hausses de salaire.
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