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Culture

Wu Huan, ou l’art de perpétuer la réputation familiale

LOUISE CADIEUX, en collaboration avec HU CHUNHUA

Wu Huan

Les milieux artistiques de Beijing ont qualifié la grande famille de Wu Huan de « l’une des familles les plus importantes du milieu culturel en Chine ». Dans un tel contexte, un artiste peut-il s’épanouir complètement quand il doit vivre dans l’ombre de la réputation éclatante des générations qui l’ont précédé? Ce peintre, calligraphe et écrivain semble nous prouver que cela est possible.

Les parents de Wu Huan

L’HOMME est sympathique et jovial. Comme il le dit lui-même : « J’aime plaisanter et faire rire. » C’est donc dans une atmosphère très détendue que s’est déroulée l’entrevue qu’il nous a accordée. Cependant, sous des apparences décontractées, cet artiste prend très au sérieux la tâche de bien faire connaître les hauts faits des deux générations précédentes de sa famille.

Sur sa table de travail se trouvent des photos de sa mère qui seront utilisées dans l’un de ses écrits sur elle, et sur les murs, les photos de ses ancêtres sont bien en vue. L’histoire de la famille Wu est inextricablement liée à celle de la Chine, et inévitablement, elle a fortement influencé la voie qu’a empruntée Wu Huan. D’ailleurs, c’est un peu à travers cette grande famille qu’on arrive à mieux connaître cet artiste.

Les insectes, à la façon de Qi Baishi, qui signent les œuvres de sa mère et quelques-unes de celles de Wu Huan.

Une véritable dynastie

C’est depuis plus de vingt générations que les Wu marquent l’histoire de la Chine. Toutefois, on n’a pas besoin de remonter si loin en arrière pour saisir la fierté que ressent Wu Huan pour sa famille. Il y a d’abord son grand-père paternel, Wu Ying (1891-1959), chez qui il a habité jusqu’à l’âge de 6 ans. Cet homme était passé maître dans la peinture chinoise et occidentale, et il jouissait d’une grande réputation en poésie, gravure de sceau et calligraphie. De surcroît, en 1924, ce grand-père a participé directement à l’établissement du Musée du Palais impérial pour que cet endroit et les trésors qu’il contient soient accessibles au plus grand nombre.

Plus près de Wu Huan, son père, Wu Zuguang (1917-2003), était un intellectuel très respecté. Il a connu la notoriété dans les domaines du théâtre, de la calligraphie, de la littérature, du cinéma et des beaux-arts, et il compte de nombreuses œuvres à son actif. Par ailleurs, à peu près tous les amateurs d’opéra en Chine connaissent sa mère, Xin Fengxia (1927-1998), qu’on a qualifié de « reine du pingju » (opéra populaire en Chine du Nord). Au XXe siècle, Wu Zuguang et Xin Fengxia étaient considérés comme l’exemple parfait du couple d’artistes. En plus d’avoir tenu le rôle principal dans plus de 80 films et opéras et d’avoir écrit une vingtaine de livres, Xin Fengxia a été l’élève de Qi Baishi (1864-1957), un grand maître de la peinture chinoise mettant en scène des choses de la nature. Durant sa vie, Xin Fengxia a peint plus de 1 000 tableaux. C’est donc à juste titre que Wu Huan voue une vive admiration à sa mère. On peut le constater par une touche bien personnelle qui orne certaines des œuvres du peintre : l’ajout d’un insecte qui vient en quelque sorte signer l’œuvre. Une histoire familiale est d’ailleurs liée à cette coutume.

« Mon père avait l’habitude d’ajouter une calligraphie aux peintures de ma mère. Quand ma mère est décédée, elle a laissé près de 500 tableaux que mon père n’avait pas encore calligraphiés, mais ce dernier n’avait plus le cœur à le faire. Pour ma part, il me semblait impossible de laisser ces tableaux inachevés, mais je ne savais pas trop quoi faire pour leur ajouter une certaine “signature”, ce qui en assurerait la pérennité. Un ami m’a alors suggéré de les “signer” à la façon de Qi Baishi, c’est-à-dire en y peignant un insecte. J’ai donc commencé à dessiner des insectes sur les tableaux de ma mère. Aujourd’hui, à l’occasion, j’en ajoute aussi sur certaines de mes propres œuvres », confie Wu Huan, en nous montrant les pinceaux aux poils extrêmement fins et de très haute qualité qu’il utilise pour le faire.

Le caractère dao pour lequel Wu Huan est particulièrement connu.

Le paradis et l’enfer

Vivre dans une famille si illustre n’est pas donné à tous, et Wu Huan en est bien conscient. D’ailleurs, il est particulièrement loquace lorsqu’il nous raconte sa vie : « Je suis né en 1953 à Beijing, et j’ai commencé à peindre dès l’âge de 3 ans. Baigné dans l’ambiance culturelle de ma famille, faire de la peinture et de la calligraphie a donc été tout naturel pour moi. Mon grand-père est mort alors que j’avais 6 ans, et je suis alors revenu vivre chez mes parents. Je me souviens de la période de mes 6 à 12 ans. La renommée de ma famille était alors à son apogée. Notre maison était le plus grand salon culturel de Beijing, et la plupart des peintres, acteurs et écrivains célèbres y venaient. J’ai donc eu la chance d’entrer en contact avec tous ces gens, et ils me prodiguaient leurs conseils. De plus, comme mes parents étaient célèbres, dès que j’exprimais vouloir étudier quelque chose, il y avait toujours quelqu’un qui s’offrait pour me l’enseigner. » C’est ainsi que, sans fréquenter une école spéciale, Wu Huan a pu étudier avec les meilleurs spécialistes chinois du lavis et de la peinture occidentale. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’il s’inscrira à l’Institut central des Beaux-Arts pour y perfectionner les techniques de l’esquisse.

« Pour moi, cette époque, ça a été le paradis, mais il s’est malheureusement transformé en enfer durant la Révolution culturelle. Auparavant des dieux, mes parents sont soudainement devenus des diables. Au début, j’ai suivi le courant et j’ai dû considérer mes parents comme des criminels, mais par la suite, cela m’a amené à réfléchir profondément à mon avenir. J’ai ainsi compris que l’art et la culture étaient les seuls outils qui pouvaient me faire vivre et le seul domaine que je connaissais. J’aimais parler, écrire et peindre, et je ne me sentais bon dans aucun autre domaine », confie-t-il. De cette période sombre, Wu Huan garde évidemment une certaine amertume, mais en bon philosophe, il réalise aussi que ces dures années ont forgé l’artiste qu’il est aujourd’hui. « Pour qu’une semence donne un bon résultat, on doit la mettre dans le fumier », affirme-t-il. Ses œuvres ont elles aussi subi l’influence de cette période difficile. « J’utilisais alors des couleurs vives et je cherchais à mettre de la vie dans mes œuvres. C’est de là que j’ai réalisé que j’aime que tout soit simple. Certains disent que l’art doit être compliqué et profond, mais moi, je crois qu’il doit être simple. Une œuvre n’est bonne que si quelque chose de profond émane de la simplicité », dit-il, en expliquant sa conception de l’art.

L’huile Cheval. Le choix de cet animal représente l’amour de Wu Huan pour les choses simples.

Être à la hauteur

Bien que l’artiste ne cache pas qu’il considère avoir subi maintes épreuves, à l’évidence, celles-ci ne l’ont pas empêché de rester dans la voie qu’avait empruntée sa famille : celle de la culture. Après avoir pris la ferme décision de rester dans cette voie, il s’est mis intensément au travail, bien sûr pour perfectionner son style, mais vraisemblablement aussi pour se sentir à la hauteur de ses prédécesseurs. Cependant, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, Wu Huan ne semble pas vouloir égaler la renommée de ses parents. Il dit : « En Chine, peu de grands maîtres ont eu des fils qui ont continué leur œuvre; souvent, les descendants de maîtres célèbres ont souffert de problèmes psychologiques. Heureusement, ce n’est pas mon cas. Je ne suis pas aussi compétent que mon père et ma mère, mais je sais que je peux perpétuer la réputation de ma famille, tout comme mon fils d’ailleurs, qui étudie la finance. Par ses connaissances spécialisées, il aura sûrement un apport non négligeable pour aider à encore mieux structurer le domaine culturel. »

Malgré cette modestie, Wu Huan a des réalisations importantes à son actif. Par exemple, en 2007, lors d’une exposition qui avait été organisée par le National Committee on United States-China Relations et qui s’est tenue au dernier étage du bâtiment de l’ONU (New York), les œuvres de trois générations de la famille Wu ont été honorées, et c’est le secrétaire général Ban Ki-moon lui-même qui a présidé au vernissage. À cette occasion, ce dernier a déclaré que trois générations de la famille Wu avaient su tellement bien rendre la richesse et le raffinement des trésors de l’art chinois que tous peuvent les admirer et les chérir. Après une telle reconnaissance, qui pourrait croire que Wu Huan n’a pas hérité du talent des générations précédentes?

En 2007, une exposition célébrant les œuvres de trois générations de la famille Wu a été tenue à l’ONU, et Wu Huan a alors présenté sa célèbre calligraphie du dao à Ban Ki-moon.

Aujourd’hui, l’artiste est particulièrement connu pour sa calligraphie du caractère dao (voie) et pour sa façon de peindre les chevaux, et il se consacre presque entièrement à ses deux thèmes. « Quel que soit l’endroit du monde, toute personne doit choisir sa voie, et si on ne comprend pas le sens de la voie, on ne comprend pas la vie. Regardez ce caractère en deux parties : la partie inférieure est en mouvement, elle semble pouvoir reculer et avancer; la partie supérieure évoque une tête, et pour avancer, il faut utiliser sa tête, réfléchir, et parfois choisir de reculer pour mieux avancer », dit-il, pour nous expliquer pourquoi il aime tant calligraphier ce caractère qu’il considère comme porteur de messages essentiels. Par ailleurs, son choix du cheval est probablement en harmonie avec l’amour qu’il porte pour les choses simples. « Les Chinois aiment le dragon, mais tout le monde a besoin du cheval. On a utilisé cet animal pour la guerre et pour divers usages domestiques; il est une nécessité pour l’homme. Je veux donc le présenter musclé, robuste et champion », confie l’artiste.

Bref, à l’immense gloire artistique que ses prédécesseurs ont connue, Wu Huan semble préférer un art plus discret et tranquille, mais cet art ne lui en assure pas moins la notoriété.

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