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Francosphère
Chris Buckley : revisiter l’art traditionnel du carpettier

PENELOPE COLVILLE

L’exemple d’un homme qui a su non seulement combiner avec succès le savoir-faire traditionnel et les techniques modernes, mais également concilier réussite en affaires et engagement social.

LA contribution de Chris Buckley au Tibet, à la Chine et à l’art du carpettier par l’intermédiaire de Torana House, son entreprise, est un curieux mélange de techniques artisa-nales et de techniques de pointe. Sa recherche sur les textiles traditionnels a aidé à préserver des recettes de colorants et à ce que l’emploi de colorants naturels se perpétue au Tibet, alors que cette utilisation était en voie de disparaître. Son atelier a introduit des colorants modernes et non toxiques dans la fabrication des tapis tibétains et a ouvert des marchés plus vastes pour les tissus et les tapis fabriqués à partir de la laine fournie par les nomades.

Lavage des tapis récemment tissés à l’aide de palettes en bois

Homme d’affaires et bienfaiteur

C’est en 1996 que Chris Buckley a visité le Tibet pour la première fois. Tout comme un grand nombre d’expatriés, il s’intéressait aux tapis traditionnels et en a alors acheté quelques-uns. Puis, un de ses amis, qui était propriétaire d’un petit magasin de tapis en Chine, a été affecté hors du pays; M. Buckley a alors acheté cette entreprise. À l’époque, il pensait s’adonner à cette activité comme passe-temps, mais à mesure qu’il faisait de nouvelles découvertes dans sa nouvelle activité, il prenait conscience des points faibles des stocks de tapis dont il venait d’hériter de même que des stratagèmes qui avaient été employés pour garder les prix au plus bas : des couleurs synthé-tiques et de la laine tissée à la machine. D’après lui, ces procédés rendaient ces tapis sans originalité. Finalement, il y avait aussi le fait de devoir se plier aux exigences du grand public qui résistait à de nouveaux styles. Il pensa donc qu’il pourrait faire mieux tout en ayant un apport bénéfique.

C’est à ce moment-là qu’il a découvert une ONG se consacrant au développement de l’artisanat tibétain et à la recherche de débouchés pour ses produits. Cette ONG n’existe plus, mais elle a aidé M. Buckley à comprendre la situation de l’artisanat tibétain du moment. Ce dernier a réalisé qu’il avait désormais beaucoup à faire. Bien que Torana House ait des salles d’exposition de tapis et de textiles à Shanghai et à Beijing, c’est à 40 km de Lhasa que Tanva (l’atelier de teinture et de tissage de Torana) fait une différence dans la vie des Tibétains.

Les premiers problèmes à régler ont été techniques. Il était toujours souhai-table d’utiliser les colorants naturels pour une production à échelle réduite, car en plus d’être non polluantes, les couleurs sont subtiles et le label « colorant naturel » possède un certain cachet aux yeux des acheteurs. Pour que les habiletés et le savoir traditionnels ne se perdent pas, M. Buckley a interviewé des Tibétains plus âgés qui avaient exercé le métier. Puis, il a ouvert l’atelier Tanva et y a nommé Norbu Tsering, un habitant local, comme directeur général. L’atelier importe les matières premières pour faire l’indigo, et il achète des matériaux locaux pour les autres couleurs dont il a besoin. Pour la production à grande échelle, des colorants de qualité et non polluants sont importés de la Suisse. D’ailleurs, l’atelier Tanva conserve continuellement une « banque de colorants naturels » pour approvisionner les artisans locaux et il vend également les produits importés.

Comme dans toute entreprise, des questions d’efficacité ont dû aussi être abordées. Le nouage et le tissage pouvaient continuer à être faits à la maison, car il n’y avait aucune raison que l’atelier Tanva fasse concurrence aux industries familiales. Les villages avaient l’habitude d’avoir de petits ateliers communaux où l’on pouvait effectuer les travaux exigeant beaucoup de main-d’œuvre. Cependant, comme les ateliers communaux de ce type ont pour la plupart disparu, l’atelier Tanva abrite maintenant une installation pour les gros travaux, notamment le lavage. Il possède aussi l’équipement qui coupe mécaniquement les tapis en seulement quelques minutes, ce qui évite les heures pénibles que les artisans indépendants devaient passer au coupage. Le travail qui doit être fait à la main, le nouage par exemple, n’a pas été mécanisé, et est même fait le plus souvent à la maison. Cette répartition des tâches qui fait participer le travail collectif et le travail individuel signifie que le label « fabriqué à la main » qui est apposé sur les tapis est plus viable sur le plan commercial.

M. Buckley soutient les groupes organisés d’artisans locaux et ne leur fait pas concurrence. « Les Tibétains n’ont pas beaucoup d’argent et on ne s’attend pas à ce qu’ils aient une trésorerie permettant de se payer des colorants naturels ou synthétiques chers. L’atelier Tanva teint les stocks de laine et en fournit aux tisserands. Quand ils retournent le produit fini, ils sont payés pour leur travail », déclare-t-il.

Des relations avec les fournisseurs et des partenariats judicieux aident également à ce que Torana ait une bonne position sur le marché et à ce que sa longévité soit assurée. Pour les tapis qu’il fabrique lui-même, l’atelier Tanva utilise de la laine à tapis provenant à 100 % du haut plateau tibétain; de plus, il n’utilise aucun additif. Deux produits connexes ont attiré l’attention de M. Buckley : le nambu, un tissu de laine traditionnel utilisé pour l’ameublement et les vêtements tibétains, et le wangden, un type unique de petit tapis épais, fabriqué spécialement pour les moines qui l’utilisent lors des cérémonies ou de la méditation.

Séchage des tapis au soleil

Assurer la formation pour sauvegarder un patrimoine

On peut visualiser l’entreprise Torana House comme trois cercles concentriques dont le centre est l’atelier tibétain Tanva. Celui-ci emploie 50 ouvriers sur place, dont 35 tisserands et 15 employés de soutien. Le deuxième cercle est formé des artisans soutenus par les ressources de la collectivité locale qui s’occupent de laver et de tisser la laine. Environ 60 artisans produisent à la main le filé servant aux tapis de Tanva; cela inclut les filatures collectives qui emploient des femmes plus âgées qui, autrement, seraient dépendantes de l’aide de l’État ou de leur famille. « En règle générale, cela prend un jour pour fabriquer un kilo de laine filée à la main, et pour fabriquer un tapis fait main de bonne qualité, utiliser un filé fait main est aussi important que la façon traditionnelle de le nouer, précise M. Buckley, parce que le filage à la main conserve la résistance et la texture naturelles de la laine qui sont perdues lors du filage à la machine

Dans ce deuxième cercle, il y a également les artisans qui fabriquent en sous-traitance. Cette situation fournit des revenus aux villages pauvres de la campagne qui, autrement, dépendraient d’une agriculture de subsistance. Le cercle extérieur est formé par la sphère d’influence de Torana, et celle-ci est plutôt vaste : les nomades et les bergers desquels Torana achète la laine pour l’atelier et la banque de laine; les personnes qui tirent profit des efforts considérables de Tanva pour sensibiliser les artisans à la nécessité de la formation; et les designers et architectes de la Chine et du monde entier qui profitent des services de tissage de tapis de l’atelier Tanva.

Les stagiaires de l’atelier Tanva peuvent avoir accès à des bourses du gouvernement chinois leur permettant de compenser les coûts d’un semestre de formation et d’apprentissage offerts sur place par l’atelier. Jusqu’à maintenant, deux groupes de stagiaires parrainés par le gouvernement ont reçu un diplôme du cours de formation de l’atelier Tanva, et un troisième groupe de tisserands handicapés apprennent actuellement l’art du tissage. Cette année, l’atelier Tanva coopère avec la Fédération des femmes de Lhasa pour recruter davantage de stagiaires qui pourraient profiter d’une formation en tissage traditionnel.

Les activités de bienfaisance de Torana vont au-delà de la seule mise en place d’un système pouvant alimenter son entreprise. L’atelier Tanva a produit un manuel sur la fabrication et l’usage de colorants naturels; c’est un condensé des connaissances sur le patrimoine tibétain de fabrication de tapis, connaissances que M. Buckley a soigneusement recueillies et préservées. En plus des stagiaires, Tanva forme également des tisserands de la région pour améliorer leurs techniques afin que celles-ci répondent aux normes commerciales. Dans ce cas, l’atelier ne se préoccupe pas de savoir si ces tisserands mieux qualifiés travailleront pour Tanva ou y feront concurrence. « Cela n’importe pas qu’une fois leur formation terminée, nos stagiaires choisissent de travailler pour nous ou préfèrent tisser dans leur propre village. D’une manière ou d’une autre, cette formation établit un bassin de compétences dans lequel nous pouvons puiser; ce qui est plus important pour la culture, c’est que la fabrication des textiles traditionnels pourra se poursuivre au Tibet », déclare M. Buckley.

Actuellement, cet entrepreneur effectue des recherches sur les techniques de tissage à plat que les Tibétains utilisent pour faire des couvertures pour chevaux, des licous de yacks et des matériaux de tente. La résistance et la longévité remarquables des poils de yack sont connues depuis des siècles et sont exploitées par les nomades pour fabriquer les tentes noires traditionnelles qu’ils utilisent lors de leurs migrations annuelles. M. Buck-ley cherche maintenant à reprendre ces techniques pour faire la base de la chaîne des tapis wangden traditionnels et pour s’en servir dans d’autres marchandises qui pourraient être vendues en Chine et à l’étranger.

Une décennie à se consacrer à la conservation de la culture et à la responsabilité sociale peut impressionner l’acheteur du produit final, mais la valeur de ce produit tient également dans le modernisme des styles de tapis. M. Buckley donne libre cours à sa passion pour la conception et les couleurs, crée des nouveaux modèles de tapis qui intègrent des éléments aussi disparates qu’un sceau impérial, un labyrinthe, un treillis, la Grande Muraille, ainsi que des styles tibétains traditionnels revisités comme les tapis avec motif de tigre ou de dragon. Les choix de couleurs correspondent maintenant mieux à la gamme de couleurs plus subtiles que favorisent les Occidentaux, tout en maintenant les combinaisons traditionnelles éclatantes préférées au Tibet. Fait intéressant, certains des motifs préférés traditionnellement dans la région sont inspirés des soieries han qui étaient offertes en cadeaux aux monastères tibétains pendant la dynastie des Ming (1368-1644). M. Buckley a isolé et stylisé certains éléments comme le motif chinois du nuage, si distinctif, et les flammes entourant les têtes des dieux tibétains courroucés, créant ainsi des tapis ayant des motifs qui s’harmonisent bien avec l’intérieur des maisons modernes.

Tout en respectant les pratiques environnementales exemplaires du Tibet, le fait que l’atelier Tanva choisit des matières premières non toxiques et des procédés non polluants signifie qu’il est devenu un chef de file de la prise de conscience environnementale et de la sécurité des produits dans le secteur des tapis en Chine.

 

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