ZHAO YAYUAN
Certains Chinois refusent catégoriquement de fêter la Saint-Valentin, pour plusieurs raisons. Explications.
À l’occasion de la Saint-Valentin, pas mal de forums de discussion sur Internet s’ouvrent au-tour de cette fête. Les partisans et les opposants sont nombreux. Le soir du 12 février 2009, dans une rue piétonne à Changsha (capitale du Hunan), deux hommes avaient affiché une banderole sur laquelle on lisait : « Tout le monde se doit de résister à la vulgarité de la fête des amoureux. » Nombre de personnes ont signé sur la banderole pour soutenir cette action.
Pour certains jeunes, l’atmosphère de la Saint-Valentin est un peu surfaite.
Les fêtes traditionnelles sont plus importantes
Cette action a été initiée par un internaute surnommé « Petite pierre dans le ruisseau », qui, le 9 février 2009, a publié un article intitulé « Venons dire non à la vulgarité de la fête des amoureux », pour appeler les internautes à résister à la fête. D’après lui, son action a pour but de rappeler aux gens les fêtes traditionnelles. Il a souligné dix raisons de refuser cette fête. Par exemple, pour les commerçants, elle est devenue un moyen d’attirer les clients; et elle gaspille beaucoup d’argent.
Certains experts chinois s’inquiètent également du choc porté aux fêtes traditionnelles par les fêtes occidentales. Ils appellent les Chinois à célébrer plutôt les fêtes nationales que celles de l’Occident. Il existe d’ailleurs une fête traditionnelle chinoise (le 7 juillet du calendrier lunaire) pour remplacer la Saint-Valentin. Tout en admettant que certaines fêtes occidentales permettent aux Chinois d’avoir l’occasion d’exprimer leurs sentiments à leurs proches, M. Feng Jicai, vice-président de la Fédération des hommes de lettres et des artistes de Chine, indique que, dans le contexte de l’économie de marché, beaucoup de ces fêtes sont devenues des opportunités pour les commerçants de vendre leurs produits. Pour lui, les fêtes perdent ainsi leur sens premier, puisque l’argent y a remplacé le sentiment.
D’autres Chinois moins instruits préfèrent eux aussi les fêtes traditionnelles et pensent que la Saint-Valentin n’est pas un jour très important.
Les Chinois ont l’habitude d’exprimer leurs sentiments d’une façon réservée. Dans l’antiquité, on préconisait de traiter le mari et la femme comme un invité. Selon la tradition, c’est une relation idéale entre époux et épouse. C’est pourquoi certains Chinois ne célèbrent pas la Saint-Valentin.
Sun Xiaolin, qui travaille dans le secteur de la publicité, a un bon revenu. Il ne pense jamais à fêter la Saint-Valentin. Il est marié depuis sept ans et a une fille de six ans : « Avant le mariage, je n’avais pas d’argent pour célébrer la Saint-Valentin. Maintenant, on se connaît bien et ce n’est pas la peine de célébrer la fête », explique-t-il. Sa femme partage entièrement son point de vue : « Ce n’est pas que nous n’exprimons pas nos sentiments, mais nous pensons que nous pouvons les exprimer directement. Nous pouvons nous exprimer de la joie ou du mécontentement à tout moment. Ce n’est pas la peine d’attendre le 14 février. Nous sommes pragmatiques. Acheter des vêtements ou des objets fonctionnels est plus utile que d’acheter des fleurs et des chocolats. »
Zhang Lei, 27 ans, a autrefois reçu un bouquet de fleurs de la part de son petit ami. « J’ai été émue au moment où il m’a offert les fleurs. Mais si j’ai assez de temps, je préfère lui préparer un bon repas. Si le temps ne le permet pas, on ne fête pas la Saint-Valentin », avoue-t-elle.
Su Dan, 28 ans, pense que c’est affecté de célébrer la Saint-Valentin comme la plupart des gens. Il a connu sa femme quand il faisait ses études à l’université. En juin dernier, ils se sont mariés. Le jour de la fête, il va envoyer un message à sa femme, mais ils ne la célèbreront pas. D’après lui, ce n’est pas la peine de choisir le 14 février parce qu’ils peuvent la célébrer n’importe quand.
Les critiques à l’encontre de la fête viennent en partie de la mauvaise traduction. Le mot « amoureux » est souvent le même en chinois que le mot « amants ». L’ambiguïté du mot peut faire penser que c’est la fête des amants. Encore maintenant, certains Chinois pensent qu’on doit passer la fête avec son amant ou sa maîtresse.
La notion de fête économe est en vogue aujourd’hui, et la course à l’argent au nom de la Saint-Valentin ne plaît pas à certaines personnes.PHOTOS : CFP
Une fête commerciale
Les roses, les chocolats, les repas très coûteux et les cadeaux sont devenus les raisons qui entraînent certains à refuser la Saint-Valentin. La notion de fête économe est en vogue aujourd’hui, et la course à l’argent au nom de la Saint-Valentin dégoûte certaines personnes.
Selon M. Feng Jicai, c’est l’une des conséquences inévitables de la mondialisation. L’économie de marché toute-puissante crée des besoins. Ainsi est née l’économie de la fête. L’argent remplace les bons vœux.
Sun Xiaolin soutient ce point de vue. Pour lui, la Saint-Valentin n’est qu’un prétexte pour les commerçants de stimuler la consommation. Tout se vend plus cher qu’aux jours ordinaires. « Au lieu de dépenser tant d’argent pour dîner dans un restaurant ou aller au cinéma, nous préférons acheter des vêtements à notre fille », affirme-t-il.
Aux yeux de certaines personnes, prendre un repas occidental ou aller au cinéma sont devenus des façons monotones de célébrer la fête. Yi Siting, employée dans une banque, n’aime pas fêter la Saint-Valentin. « Je n’aime pas faire la même chose que les autres. » Pour elle, les jours commémoratifs sont très importants. Le jour de la Saint-Valentin, elle a choisi de rester chez elle. « Les restaurants et les salles de cinéma sont bondés. C’est ennuyeux. » Il est raisonnable pour les célibataires de ne pas fêter la Saint-Valentin. C’est le cas de Mlle Fan. Pour elle, la Saint-Valentin n’est pas un jour spécial. Mais dans la rue, il y a des couples d’amoureux partout, et les publicités omniprésentes des magasins lui font sentir davantage la solitude. « Quelquefois, mes parents me mettent de la pression en me poussant à chercher vite un fiancé. Ce n’est pas agréable », confie-t-elle. |