CHINAHOY

26-November-2014

La nouvelle régulation de l’Internet

 

Le 31 août 2014, à l'Institut d'informatique de l'université de Liaocheng (Shandong), l'étudiant Feng Lin partage bénévolement ses connaissances sur la cyber-sécurité avec des camarades de première année. (CFP)

 

2014 marque non seulement le 20e anniversaire de l'apparition de l'Internet en Chine, mais aussi le début de la transformation de ce grand pays connecté en une puissance de l'Internet.

LIU HONGMEI*

Sous l'impulsion de plusieurs facteurs, la conscience patriotique se réveille en matière d'Internet : la Chine intensifie ses efforts pour renforcer sa gouvernance des réseaux selon une nouvelle logique. Sous la direction du Comité central du PCC, les différentes autorités compétentes ont déployé des actions communes et pris des mesures actives pour délimiter les frontières nationales du cyber-espace. Les règlements juridiques et l'autodiscipline sectorielle sont renforcés afin d'aider à l'élaboration de règlements en matière de cyber-sécurité. La Chine essaie de créer un nouveau modèle de cyber-économie en l'encourageant tout en la supervisant. L'accent est également mis sur la capacité autonome d'innovation technique. Enfin, les échanges et coopérations avec l'étranger sont encouragés pour participer à la formation d'un nouvel ordre de régulation de l'Internet dans notre « village planétaire ».

La cyber-sécurité : une politique nationale

Le 27 février 2014, le Groupe de direction de la cyber-sécurité et de l'information a été officiellement créé. Xi Jinping en est le directeur, Li Keqiang et Liu Yunshan, les directeurs adjoints. Il s'agit du troisième organe important composé de personnalités du Parti, de l'Exécutif et de l'Armée établi après la 3e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC. Sa création marque l'entrée dans la nouvelle étape de la gouvernance en matière de cyber-sécurité et d'information en Chine.

Le président Xi Jinping a souligné : « Sans cyber-sécurité, il n'y a pas de sécurité nationale. Sans informatisation, il n'y a pas de modernisation. » La fonction du Groupe de direction de la cyber-sécurité et de l'information du Comité central du PCC est de rassembler les différents pouvoirs et de coordonner les forces de différents domaines pour résoudre les problèmes majeurs liés à la cyber-sécurité et à l'information. L'un de ses autres rôles est d'élaborer et de mettre en œuvre les stratégies, les orientations et les politiques importantes sur ce sujet. Bien sûr, renforcer sans cesse la capacité de la cyber-sécurité est également une de ses tâches.

Sous le nouveau système de gouvernance, on peut espérer que le problème du manque de régulation unifiée d'Internet sera résolu. En tous cas, la stratégie de transformation de la Chine en une cyber-puissance est d'ores et déjà à l'ordre du jour. Le secteur de l'information et des technologies connexes va également certainement connaître de grands progrès, et on peut considérer que ce pays qui possède déjà plus de 600 millions d'internautes se transformera rapidement en une puissance de l'Internet.

Fin 2013, le ministère de l'Industrie et de l'Informatisation a attribué des permis d'exploitation « TD-LTE » aux trois plus importants opérateurs chinois. Le réseau chinois est donc entré dans l'ère 4G. Le modèle « TD-LTE » développé par la Chine a d'ailleurs été désigné comme l'un des standards internationaux pour les réseaux 4G.

Dans le même temps, 14 ministères dont le ministère de l'Industrie et de l'Informatisation et la Commission nationale du développement et de la réforme ont lancé conjointement l'action « 2014 ADSL ». L'amélioration des infrastructures chinoises de réseau Internet stimulera grandement la consommation liée à l'information. D'après les statistiques, en 2015, la consommation d'informations atteindra 3 200 milliards de yuans et celle relative à l'Internet s'élèvera à 2 400 milliards de yuans.

Le 22 octobre dernier, la société Sugon Information Industry a lancé le premier serveur développé complètement par la Chine, dont le processeur et le système d'exploitation sont brevetés. C'est un pas important pour briser le monopole des multinationales étrangères dans le secteur des serveurs informatiques et pour favoriser la création d'entreprises chinoises spécialisées dans ce domaine. En conclusion, on peut dire que cela revêt une grande importance en ce qui concerne la cyber-sécurité et la promotion de l'industrie informatique.

 

Le 19 septembre 2014, le groupe chinois Alibaba fait son entrée à la Bourse de New York. (CFP)

 

Assainir les réseaux

À la fin du mois de mai dernier, la nouvelle du lancement prochain du système de contrôle a créé quelques remous. Avec ce nouveau système, tous les produits d'Internet, qu'ils soient chinois ou étrangers, passeront au radar de la cyber-sécurité chinoise. Les produits non conformes aux standards prévus par ce système seront interdits en Chine.

En juillet, le ministère de la Sécurité publique a publié les règlements concernant la procédure pénale appliquée aux affaires de cyber-criminalité. Auparavant, la Cour suprême populaire avait annoncé des interprétations judiciaires concernant la diffusion de contenus pornographiques, la violation de droits de propriété intellectuelle et l'escroquerie en ligne. Ces interprétations marquent la formation d'un système d'arbitrage juridique en matière d'Internet en Chine.

Du 20 au 23 octobre dernier, la 4e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC, dont le thème était « la promotion intégrale de la gouvernance du pays en vertu de la loi » s'est tenue. Selon le Bureau national de l'information d'Internet, il faut mettre en jeu le rôle de l'État de droit pour orienter et encadrer les réseaux, ainsi que renforcer la législation et son application sur Internet. L'exploitation et la gestion des réseaux devront se faire selon la loi. Il faudra également promouvoir la régulation du cyber-espace selon le principe de la gouvernance par la loi dans tous les domaines. Dans le futur, la Chine établira également un système dit de « crédit de confiance » des internautes et des organisations présentes sur Internet, afin d'améliorer le mécanisme de récompense et de punition sur la toile.

À la fin 2013, l'Association chinoise de l'Internet a publié la Convention d'auto-contrôle sur la cyber-sécurité. Cela représente une nouvelle base destinée à encadrer la cyber-sécurité, à assurer les droits légaux des internautes et à maintenir un climat de concurrence équitable et harmonieux.

En mars 2014, la sous-branche Internet de l'Association chinoise des publicitaires a commencé à appliquer des normes relatives à la protection des données des publicitaires de l'Internet chinois, pour guider et encadrer la collecte, l'utilisation et le transfert des données de ceux-ci.

Le 15 août, le Congrès chinois de l'Internet a lancé une initiative appelant les professionnels, les « célébrités Internet » et les internautes à respecter « sept lignes rouges ». Celles-ci les poussent à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de la société et à publier des contenus sains.

Les « sept lignes rouges » à ne pas dépasser sont les lois et règlements du pays, le socialisme à la chinoise, les intérêts nationaux, les droits et intérêts légaux des citoyens, l'ordre public, la morale et l'authenticité des informations. Pour la première fois, « sept lignes rouges » ont généralisé l'auto-contrôle Internet à travers tout le pays.

Dans le cadre des lois et des règlements de l'Internet, certaines actions spécifiques ont permis d'assainir encore plus l'environnement de l'Internet chinois : en avril dernier, la société Shenzhen QVOD Technology a été santionnée, puis fermée, pour avoir diffusé des vidéos pornographiques. En août, la personne morale de cette société, Wang Xin, a été arrêtée.

Neuf départements ministériels dont le Département de la Communication du Comité central du PCC, le ministère de l'Industrie et de l'Informatisation et le ministère de la Sécurité publique ont mené conjointement des luttes contre les rumeurs et le chantage dans les médias. En septembre, le site internet www.21cbh.com a fait l'objet d'une enquête pour chantage. Shen Hao, le PDG de sa société mère et d'autres cadres supérieurs ont été arrêtés. Ce scandale a fait du bruit dans le milieu des médias, et soulevé le problème sérieux de la supervision et de l'auto-contrôle de ceux-ci.

Des actions contre ceux que l'on appelle « les célébrités Internet » ont également été lancées. Certains personnages susceptibles de faire courir des rumeurs ou de mener des activités illégales sur Internet ont été jugés et condamnés à des peines de prison. Ces actions sont efficaces pour assainir les réseaux sociaux, et orienter les paroles et comportements des célébrités des réseaux sociaux.

En octobre dernier, le Bureau national de l'information d'Internet a également révélé que des règlements seront publiés pour résoudre les problèmes liés aux portables, et en particulier, la violation des données des abonnés par certaines applications.

La fusion et l'impact des médias

Pour les médias, 2014 est une année pivot. Le 18 août, le groupe pour l'approfondissement de la réforme du Comité central du PCC a examiné et approuvé l'Avis directeur sur la fusion et le développement des médias traditionnels et émergents. Xi Jinping a prononcé un discours indiquant qu'il fallait créer de nouveaux médias diversifiés ayant des techniques avancées et plus compétitives, ainsi que des groupes de presse puissants couvrant un éventail d'activités. En résumé : un système de médias moderne.

La fusion des médias ne signifie pas pour autant un affaiblissement de la supervision professionnelle. Dès juin 2014, l'Administration nationale de la radiodiffusion, du cinéma et de la télévision a ordonné d'interdire certaines émissions télévisées importées par des établissements commerciaux et des vidéos élaborées par des sites Internet, car les créateurs n'étaient pas sous le contrôle des autorités compétentes.

Cyber-économie : nouveau mécanisme de contrôle

En 2014, des entreprises d'e-commerce chinoises ont été introduites successivement en Bourse aux États-Unis, créant le miracle de la capitalisation et soulevant une vague de fusion-acquision des capitaux à l'intérieur de la Chine. Face au nouvel essor de la cyber-économie, en février dernier, le ministère de l'Industrie et de l'Informatisation a annoncé qu'il allait adopter quatre mesures pour compléter le mécanisme de la concurrence et de la régulation. Il a déclaré que premièremement, il allait faire l'étude et le suivi du nouveau modèle commercial développé par l'application de nouvelles technologies d'information. Deuxièmement, il compte développer des techniques de supervision et étudier la mise en place d'une plate-forme de contrôle, de prévention et d'authentification de la concurrence des entreprises Internet, en cherchant à effectuer la supervision et la certification des technologies par un tiers. Troisièmement, il va mettre en place un mécanisme d'arbitrage des litiges entre entreprises Internet, perfectionner le mécanisme de prévention et de réaction rapide du marché, et améliorer les règles de concurrence. Quatrièmement, il renforcera l'autodiscipline sectorielle et le sens de la responsabilité sociale des entreprises, et améliorera les règlements et les conventions du secteur.

En janvier dernier, un document destiné à renforcer la supervision de la finance de l'ombre a également été publié. Il ordonne à la Banque centrale et à d'autres départements ministériels d'étudier et d'élaborer ensemble des méthodes de régulations des activités financières sur Internet.

En septembre dernier, le centre de développement et de recherche du Conseil des affaires d'État a convoqué une réunion à huis clos sur la cyber-finance afin de discuter de la coopération des banques avec la plate- forme P2P. Après un essor considérable et un processus d'écrémage, la légitimité de la finance sur Internet est confirmée, mais l'élaboration de règlements plus détaillés est en cours. La supervision, le bénéfice mutuel, la réforme et la coopération sont les objectifs qu'essaient d'atteindre avec prudence le système financier chinois et les nouvelles forces de l'Internet.

En octobre dernier, l'Administration nationale de l'industrie et du commerce et le ministère de l'Industrie et de l'Informatisation ont publié conjointement un Avis sur le renforcement de la supervision des tractations sur Internet et la promotion active du développement de l'e-commerce, dans le but de lutter contre les tractations illégales sur Internet et d'encourager le développement sain et équilibré du commerce électronique.

Pour une nouvelle régulation de l'Internet planétaire

Les 23 et 24 avril dernier, la réunion mondiale sur la gouvernance de l'Internet s'est déroulée à São Paulo. Y ont participé des représentants venant de plus de 80 pays tels que la Chine, l'Argentine, le Brésil, l'Allemagne ou les États-Unis. Lors de la réunion, les Règles générales civiques des internautes planétaires ont été signées, en réponse au scandale Prism, afin de servir de référence aux différents pays pour la régulation de l'Internet.

Le 27 mars, Xi Jinping a prononcé un discours au siège de l'UNESCO, dans lequel il a indiqué que « les échanges entre les civilisations ne doivent pas prendre pour principe de vénérer ou de calomnier telle ou telle civilisation », mais que pour « pour connaître l'âme des différentes civilisations, il faut afficher une attitude équitable et modeste, car le passé et la réalité nous enseignent que l'orgueil et les préjugés sont les plus grands obstacles aux échanges entre les civilisations ». Le 16 juillet dernier, lors de son discours prononcé au parlement brésilien, Xi Jinping a avancé l'idée de la souveraineté informatique et de la gouvernance de l'Internet. Il exposait ainsi la position et les points de vue chinois fondamentaux concernant l'établissement d'un système planétaire de gouvernance de l'Internet.

Le 18 septembre dernier, le premier Forum sur le cyber-espace Chine-ASEAN s'est tenu. Selon Lu Wei, directeur du Bureau national de l'information d'Internet, l'espace Internet a besoin d'être interconnecté, mais aussi d'être respectueux de la souveraineté des pays. Il faut à la fois accélérer le développement de l'Internet et assurer sa sécurité. En même temps qu'on encourage la liberté sur Internet, il faut respecter l'ordre. Il faut non seulement en maintenir l'indépendance et l'autonomie, mais aussi préconiser son ouverture et sa coopération.

La Chine va s'efforcer d'approfondir sa coopération stratégique sur l'espace virtuel avec l'ASEAN et de bâtir un port d'informations entre la Chine et l'ASEAN, afin qu'il devienne une importante plate-forme pour construire une communauté de destin entre les deux parties.

L'Internet est né d'un processus de contruction et de partage commun ; la régulation de l'Internet demande aussi aux différentes parties d'en assurer ensemble la responsabilité. Aucun modèle de développement de l'Internet dans le monde n'est parfait. La Chine préconise d'encourager chaque pays à explorer et à développer indépendamment son propre modèle de développement de l'Internet, et de travailler en collaboration pour construire un nouveau système planétaire en la matière qui soit pacifique, sécurisé, ouvert et coopératif.

 

*LIU HONGMEI est assistante-chercheuse et docteure à l'Institut de recherche en communication de l'université des Communications de Chine.

 

La Chine au présent

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