CHINAHOY

26-November-2014

La réforme des entreprises d’État est entrée dans une phase cruciale

 

 
 Le 22 août 2014, le premier ministre Li Keqiang a indiqué, lors de sa visite dans la Société des chemins de fer de Chine, que celle-ci devait suivre de nouvelles idées et servir de modèle pour la réforme des entreprises d'état. (CNSPHOTO)

 

Les entreprises d'État sont en train d'entrer dans une nouvelle phase de mutation. Entre dilemne, contradiction et innovation, comment ces entreprises tiraillées entre socialisme à la chinoise et marché s'y retrouvent-elles ?

YU JING*

La réforme des entreprises d'État chinoises peut être divisée en trois phases. La première est la période précédant la 3e session plénière du XIVe Comité central du PCC tenue en 1993, qui représente la phase lors de laquelle l'État attribuait les pouvoirs et intérêts aux entreprises. Le début des années 90 jusqu'au tournant du nouveau siècle compte comme la deuxième phase dite de l'innovation des institutions. Enfin, après le XVIe Congrès du PCC, l'établissement de la Commission de contrôle et de gestion des biens publics (CCGBP) du Conseil des affaires d'État en 2003 incarne le début de la troisième phase du développement des entreprises publiques. Depuis la tenue de la 3e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC, la réforme des entreprises d'État est entrée dans une nouvelle phase d'approfondissement.

Nouveaux domaines de la réforme et effets

L'approfondissement de la réforme de ces entreprises compte comme l'une des tâches les plus importantes avancées par la 3e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC. Depuis un an, la réforme s'active sur deux fronts : les entreprises d'État centrales et les entreprises d'État locales.

En ce qui concerne les premières, trois démarches majeures ont été lancées. Tout d'abord, le ministère des Finances a relevé le pourcentage de perception sur le bénéfice de celles-ci en l'augmentant de 5 points, de façon à ce que celui-ci atteigne de 10 à 25 %. Ensuite, la CCGBP a désigné six entreprises, dont State Development & Investment Corporation et China National Cereal, Oils and Foodstuffs Corporation, pour réaménager des sociétés d'investissement à capitaux publics et effectuer des essais dans le développement d'économies mixtes, le mode de recrutement des membres du conseil d'administration, le contrôle de la performance et la gestion des rénumérations. Enfin, le Bureau politique du Comité central du PCC a examiné et approuvé des documents à propos de la réforme du système des rénumérations des responsables des entreprises centrales, pour encadrer l'entrée en fonction et la rémunération de ceux-ci, ainsi que les dépenses de leurs activités.

Pour les entreprises d'État locales, la réforme couvre un éventail encore plus large. Après la 3e session plénière du XVIIIe Comité central, une vingtaine de provinces et de villes ont lancé des avis directeurs comprenant des mesures réformatrices dans six domaines. Tout d'abord, établir et améliorer le système budgétaire de l'exploitation des capitaux d'État et relever le pourcentage de perception sur les bénéfices. Dans certaines provinces et villes, ce pourcentage atteint déjà 30 %. Certaines localités ont proposé d'introduire des capitaux d'État dans la protection sociale ou d'utiliser une partie des bénéfices de ces capitaux dans la restructuration industrielle, les infrastructures ou les travaux pour le bien-être social. Un autre domaine de la réforme des entreprises d'État locales est de définir la fonction des entreprises pour mieux gérer celles-ci. Un autre aspect de la réforme consiste à développer les économies mixtes et à établir un système où les actions sont détenues par les employés. Mettre en œuvre le rôle du marché des capitaux dans la répartition des ressources et promouvoir le réajustement stratégique structurel des capitaux d'État sont également des nouveaux sujets de la réforme. L'amélioration du système de gestion des capitaux d'État en encadrant et en mettant en valeur les plates-formes d'investissement et d'opérations des capitaux d'État fait également partie des domaines à réformer. Enfin, pousser les entreprises d'État locales à moderniser leur système de fonctionnement et à revoir leur système de sélection des cadres supérieurs est également un des enjeux majeurs.

La « montagne » de la réforme

Pendant l'année écoulée, des mesures réformatrices ont été prises dans les entreprises d'État centrales et locales. Mais il faut savoir que la planification de la réforme est encore en cours de conception. Depuis la 3e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC, la situation à l'intérieur du pays et à l'international est de plus en plus complexe. Pour bien réussir la réforme des entreprises publiques, il va falloir gérer convenablement la situation nationale et la situation internationale, ainsi qu'étudier et répondre à des questions majeures concernant la situation générale.

Premièrement, c'est le dilemne du rapport entre la réforme axée sur le marché et la poursuite du socialisme à la chinoise. Pour ce qui est de la réforme des entreprises publiques, certains estiment qu'il faut sacrifier l'un pour sauver l'autre. La contradiction se résume par « la réforme axée sur le marché porte atteinte au socialisme à la chinoise » et « le socialisme à la chinoise empêche le mécanisme de marché ». Jugement simpliste s'il en est.

Même les théories économiques occidentales confirment qu'il n'existe pas de marché parfait ni tout-puissant dans la réalité. Dans un pays où l'économie de marché n'est pas très développée, les entreprises d'État sont un outil utilisé pour réguler le développement économique et social. Elles jouent un rôle complémentaire par rapport aux autres systèmes économiques et peuvent même quelquefois les remplacer.

La pratique montre que dans les pays occidentaux, avec l'amélioration du système économique, la sphère des activités des entreprises publiques se rétrécit. Mais lorsque la situation économique et sociale devient instable, l'éventail des activités des entreprises publiques s'élargit.

D'ailleurs, les institutions des entreprises publiques dans les différents pays évoluent. Dans un système économique où le marché tend à jouer un rôle décisif dans la répartition des ressources, les entreprises d'État adoptent des normes correspondant au marché.

À l'heure actuelle, la tâche principale de la réforme des entreprises publiques est de se reposer sur la situation de la réalité économique et sociale chinoise, de s'inspirer des expériences des autres pays, tout en simplifiant leurs procédures administratives et en décentralisant leurs pouvoirs. Il faut également stimuler le dynamisme de ces entreprises, en renforcer la régulation, l'encadrement et le contrôle, et dans le même temps, harmoniser de façon pragmatique et innovante le rapport entre la réforme axée sur le marché et la poursuite du socialisme.

En deuxième lieu, c'est le problème du rapport entre la réforme, le développement et la transition économique. La réforme des entreprises d'État est liée au développement et à la transition économique en Chine. Pendant les trois dernières années, à cause de l'instabilité et des limites de la conjoncture économique internationale, la croissance économique, très rapide autrefois, est revenue à une vitesse « moyenne ». C'est-à-dire que le modèle traditionnel de la croissance rapide tirée par l'investissement n'est plus adapté à la réalité. Il faut de nouveaux moteurs pour maintenir le développement économique et social. Dans les 20 à 30 années à venir, les structures industrielles chinoises connaîtront des changements considérables. Les entreprises publiques et privées, forces majeures dans les secteurs micro-économiques, devront s'adapter aux changements futurs.

L'approfondissement de la réforme se doit de créer des conditions favorables au développement des entreprises qui correspondent aux besoins des concurrences futures et aux exigences de la transition économique du pays. Pour les entreprises d'État, la clé est de mettre en valeur des avantages que celles-ci possèdent dans le système actuel, de surmonter ou de briser les limites de ce système et d'assumer la tâche de la reconversion industrielle et de l'élévation de la compétitivité globale du pays.

Enfin, c'est le rapport entre la réforme des actifs publics et la réforme des entreprises d'État. Thomas Piketty dans son livre Le Capital au XXIe siècle, indique qu'« en Chine, les actifs publics, sous forme de biens étatiques, représentent la moitié des actifs nationaux. Si la Chine peut s'assurer que les richesses créées par ses actifs publics sont partagées à égalité, elle pourra éviter les fautes commises par les autres pays et trouvera finalement un équilibre et un compromis entre capitaux publics et capitaux privés ».

Pour le moment, le total des actifs publics est énorme, mais leur rendement et leur contribution au bien-être de la population doivent encore être améliorés. Ces dernières années, plus de contradictions sont apparues entre les bailleurs d'État et les entreprises publiques, entre les entreprises et le gouvernement, entre la société et le marché. Cela montre que le système de gestion des entreprises publiques et de ces énormes actifs publics n'est pas mûr. Ces problèmes ne pourront pas être résolus uniquement par les efforts individuels des entreprises d'État. C'est pour cela que la 3e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC a proposé d'améliorer le système de gestion des actifs publics.

Quel futur pour les entreprises d'État ?

D'après la 3e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC, « appartenant au peuple entier, les entreprises d'État sont une force importante pour promouvoir la modernisation du pays et protéger les intérêts communs du peuple ». Sur le long terme, la clé de la réforme de ces entreprises n'est pas leur retrait de certains secteurs ni la réduction de leur part dans ces secteurs, mais l'innovation de leur système de gestion, l'amélioration de la qualité du développement du secteur économique public et l'augmentation de la contribution de ce dernier secteur à la croissance de l'économie nationale et à l'amélioration de la vie du peuple.

Approfondir la réforme ne doit pas se borner au cadre du secteur économique public ni au problème de l'exploitation des actifs publics actuels. Il faut envisager l'avenir et conduire les entreprises publiques à bien jouer leur rôle complémentaire à celui des autres entreprises, afin que l'économie nationale soit saine, durable et plus compétitive.

La 4e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC a approuvé la Décision du Comité central du PCC sur les questions importantes relatives à la promotion globale de la gouvernance du pays en vertu de la loi, dans le but de fournir une protection juridique à la planification de l'approfondissement global de la réforme avancée par la 3e session plénière du XVIIIe Comité central du PCC. Selon ce texte, il faut approfondir la réforme, promouvoir le développement, résoudre les contradictions, maintenir la stabilité sociale dans l'esprit de l'État de droit, bien coordonner les forces sociales, équilibrer les intérêts des différentes parties et encadrer les comportements pour que la société chinoise, en mutation profonde, se révèle dynamique et bien organisée. Ce texte servira de guide pour la mise en pratique de la réforme des entreprises d'État dans son étape cruciale. Il aborde la réforme des actifs publics quand il décrit « l'administration selon la loi et l'accélération de la construction d'un gouvernement d'État de droit ». Ces descriptions revêtent une importance significative pour définir le rapport entre le gouvernement et les entreprises, ainsi que pour encadrer les comportements du régulateur et des opérateurs des actifs publics.

 

*YU JING est directeur et chercheur du Centre d'études sur le système des entreprises à l'Institut de recherche sur l'économie industrielle relevant de l'Académie des sciences sociales de Chine.

 

La Chine au présent

Liens