CHINAHOY

7-November-2017

Le badminton chinois

 

 

 

ANDRÉS RODRÍGUEZ LÓPEZ*

 

Le nouveau souffle de l'équipe chinoise arrivera à Tokyo en 2020.

 

Le 3 septembre 2017, Lin Dan, représentant l'équipe de Beijing,
a participé à la finale masculine de badminton par équipe
lors des Jeux nationaux à Tianjin.

 

Lorsque l'Espagnole Carolina Marín a remporté les Championnats du monde de badminton à Copenhague en été 2014, les journaux de son pays ont dû consacrer nombre de pages à présenter la joueuse à leurs lecteurs et à leur détailler les règles du sport dont elle venait de remporter le titre mondial ! Une situation qui aurait été parfaitement invraisemblable en Asie, où le badminton est l'un des sports les plus populaires. Le fait est que Carolina Marín est la première championne du monde non asiatique dans un sport traditionnellement dominé depuis des décennies par un pays en particulier : la Chine.

 

La domination du géant asiatique dans cette discipline sportive était si écrasante que les spectateurs des autres nations se demandaient parfois s'ils n'étaient pas, en fait de championnat du monde, en train d'assister au championnat de Chine. Le point culminant de ce succès a peut-être été atteint lors des JO de Londres en 2012. Cette année-là, les athlètes chinois ne se sont pas contentés d'empocher cinq médailles d'or en jeu : ils ont également remporté deux médailles d'argent et une de bronze, soit huit des quinze médailles distribuées dans la capitale britannique. La domination chinoise dans cette discipline ne peut se comparer qu'à celle qu'elle exerce dans le tennis de table. On n'est qu'à moitié étonné d'apprendre que ces deux disciplines sont régies en Chine par une seule et même fédération.

 

Une période de doute

 

Cependant, l'irruption de la nouvelle championne espagnole a soulevé des questions au sein de la toute-puissante fédération chinoise. Pas tellement en raison de son succès à Copenhague, que l'on aurait pu mettre sur le compte des hasards de la compétition, comme l'ont d'ailleurs fait les membres de l'équipe espagnole. Mais Carolina a réédité son exploit l'année suivante à Djakarta en remportant la médaille d'or aux Championnats du monde, puis en 2016 à Rio où elle décrocha la médaille d'or olympique. Des succès éclatants qui menacent la suprématie chinoise, qu'elle n'est plus la seule à défier.

 

Lors des Championnats du monde de Copenhague, la Chine a remporté trois médailles d'or et trois autres à Djakarta. Mais en 2016, année olympique, la récolte aurifère s'est limitée à deux médailles, et pour la première fois depuis Atlanta, en 1996, l'équipe féminine n'a empoché aucune médaille d'or. La situation s'est certes un peu redressée depuis, la Chine remportant deux médailles d'or lors des derniers championnats du monde à Glasgow, en Écosse. Mais on est loin du niveau auquel étaient habitués les fans chinois.

 

Cette fois encore, aucune championne du monde chinoise n'a remporté la coupe en individuel puisque la finale se jouait entre la Japonaise Nozomi Okuhara et l'Indienne Pusarla Sindhu. La question que tous se posent dans le monde du badminton est donc : assistons-nous à la fin de la domination chinoise sur la discipline ? Le niveau du badminton chinois est-il en baisse ?

 

« Je ne le pense pas », commente le journaliste David Ramírez, expert de ce sport. Et d'expliquer : « Ce qui se passe, c'est plutôt que les autres pays s'améliorent et que donc, l'écart se resserre. »

 

Un avis que partage la championne indienne Saina Nehwal, médaillée de bronze à Londres en 2012. Peu avant les Championnats du monde de Glasgow, elle analysait ainsi la situation du badminton chinois féminin : « L'Inde se porte très bien, c'est sûr. Mais nous avons affaire à forte partie : la Thaïlandaise Ratchanok Intanon, l'Espagnole Carolina Marín ou encore Tai Tzu Ying de Taipei chinois, sont d'excellentes joueuses. Elles sont là pour gagner, et leur but est de battre les joueuses de la partie continentale de la Chine. Ce n'est pas que le niveau a baissé en Chine, mais bien que celui des autres pays s'est élevé. Désormais nous rivalisons avec les meilleures joueuses chinoises. »

 

Changements sur le banc de touche

 

Cette nouvelle situation n'a pas échappé aux autorités sportives chinoises qui en ont tiré les conséquences. L'équipe nationale s'est séparée en avril dernier de son entraîneur vétéran Li Yongbo, qui était à sa tête depuis 24 ans. Sous son commandement, le badminton chinois a remporté 18 médailles d'or olympiques, 10 coupes Sudirman, neuf coupes Uber (badminton féminin) et cinq coupes Thomas (badminton masculin), ainsi qu'une poignée d'autres titres mondiaux. Il a été remplacé par Xia Xuanze, ancien champion du monde, et Zhang Jun, médaillée olympique. Le but de ce renouvellement était moins de sanctionner l'échec chinois aux Championnats du monde de Glasgow en août dernier que de préparer dans les meilleures conditions les Jeux olympiques de Tokyo qui se tiendront en 2020. La Chine espère bien renouer avec l'hégémonie écrasante qui fut la sienne à Londres en 2012 et oublier l'échec de Rio en 2016. Mais est-il encore temps ?

 

« Et pourquoi pas ? », s'interroge M. Ramírez. « La Chine est de très loin la première puissance mondiale du badminton. Ce qui se passe, c'est qu'elle traverse une période de transition. Lin Dan n'est plus celui qu'il était voici sept ou huit ans ; Chen Long est capable du meilleur comme du pire. » Les joueurs que mentionne M. Ramírez sont les champions du badminton masculin, et ils ont à eux deux dominé ce sport pendant toute une décennie. En Chine, Lin Dan est une étoile sportive d'une importance équivalente à celle du basketteur Yao Ming ou du champion du 110 m haies Liu Xiang. « Superdan », comme on surnomme affectueusement en Chine le double champion olympique, cinq fois champion du monde, le vainqueur à six reprises de All England Open Badminton Championships, est une icône publicitaire pour de nombreuses marques.

 

L'autre vedette est Chen Long, tenant du titre olympique, double champion du monde et deux fois vainqueur des coupes Thomas et Sudirman. Cadet de six ans de Lin Dan, il devrait prendre le relais de ce dernier et régner sur le badminton international dans les années à venir. Cependant, il vient de perdre de façon inattendue aux Jeux nationaux contre le jeune Lu Guangzu, qui à 21 ans seulement l'a défait aux éliminatoires en trois sets sans appel. L'avenir du badminton chinois semble assuré.

 

« La Chine disposera toujours d'un vivier de joueurs incomparable, et de ce fait elle ne pourra que rester compétitive dans ce sport. Il suffit pour s'en convaincre de jeter un coup d'œil au palmarès historique des grandes compétitions internationales », explique M. Ramírez.

 

Le journaliste sportif considère que la clé des récents succès espagnols est à mettre plus sur le compte du hasard que sur celui de son système de championnat. Carolina Marín est une exception qui a vu le jour pratiquement sans soutien institutionnel et qui a dû sonner à toutes les portes pour trouver un sponsor. Une joueuse brillante qui ne sera sans doute pas remplacée, faute de vraie école du badminton en Espagne. En Chine, on voit des futures étoiles s'élever aux quatre coins du pays. Elles sont immédiatement détectées et soutenues par les autorités sportives, tout ce qu'on leur demande est de jouer. Elles ne perdent pas de temps à chercher des sponsors ou des courts où s'entraîner. Si en Espagne, ce sport compte un peu plus de 6 000 pratiquants, ils sont plus de 100 millions en Chine. Carolina Marín, que l'on voit à la télé participer aux tournois internationaux les plus importants du monde, semble être la seule Espagnole à jouer au badminton, alors qu'en Chine, ce sport a presque statut de religion.

 

Il ne reste que trois ans pour préparer les Jeux olympiques de Tokyo. Pour la Chine, ce sera l'heure de vérité et on pourra alors évaluer la valeur de ses joueurs de la nouvelle génération. L'équipe nationale emmenée par ses nouveaux entraîneurs renouera-t-elle avec les succès de Londres ou poursuivra-t-elle sa descente de Rio ? Les paris sont ouverts, mais misez sur la Chine si vous ne voulez pas perdre votre argent !

 

*ANDRÉS RODRÍGUEZ LÓPEZ est un journaliste indépendant accrédité en Chine.

 

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