CHINAHOY

28-September-2017

La Chine sur les chapeaux de roue

 

MATEO HERRERA, membre de la rédaction

 

En novembre 2008, des milliers de fans de Formule 1 s'inquiétaient des rumeurs qui circulaient évoquant la possibilité que le Grand Prix de Shanghai ne soit pas renouvelé après 2010, terme du contrat signé entre les autorités mondiales de la Formule 1 et Juss Event, l'organisateur de la course en Chine. Le pays a beau compter 1,3 milliard de personnes et posséder un éblouissant circuit de 5,4 km conçu pour former le caractère shang (), les événements organisés depuis l'an 2000 ont attiré un public limité, provoquant des pertes économiques sérieuses.

 

Le Championnat mondial de Formule 1 s'est tenu sur le circuit
de Shanghai, attirant de nombreux spectateurs chinois.
 

« C'est dommage, car le site est magnifique. La promotion n'a pas été faite correctement, c'est aussi simple que cela », a déclaré Bernie Ecclestone, le parrain incontesté de la Formule 1 selon les médias et directeur exécutif du Groupe Formule 1 depuis ses débuts jusqu'en janvier de cette année. « Vous pouvez habiter à Shanghai sans vous apercevoir qu'une course y est organisée. »

 

Mais M. Ecclestone a finalement déclaré que, malgré les obstacles, la seule compétition de première catégorie de course automobile en Chine depuis 2004 poursuivra sa route. Effectivement, Juss Event a renouvelé en 2010 son contrat pour sept années supplémentaires, et tout semble indiquer qu'il en sera de même cette année, même si certains se déclarent sceptiques. D'aucuns affirment que les organisateurs chinois avancent des exigences nouvelles vis à vis d'American Liberty Media qui remplace depuis septembre 2016 Bernie Ecclestone en tant que propriétaire du groupe Formula One.

 

« Nous n'avons pas eu de détails sur la prolongation du contrat lors de notre réunion le week-end dernier. Il a plus été question du sport automobile et de la façon de le promouvoir au mieux en Chine », a ainsi déclaré Jiang Lan, PDG de Juss Media, à Shanghai Daily, résumant l'entretien qu'il a eu avec Chase Carey, le nouveau PDG de Formula One. « Tout ce que je peux dire, c'est que nous aurons de plus en plus d'arguments pour accueillir le Grand Prix à l'avenir. »

 

Partenariat stratégique

 

Contrairement à 2008, où l'on vit un circuit d'une capacité de 200 000 personnes rassembler seulement 80 000 spectateurs, ce qui précipita les rumeurs sur la fin du circuit international de Shanghai, la dernière course du Grand Prix de Chine a rassemblé, le 9 avril dernier, un public d'environ 145 000 personnes selon les estimations de Juss Event. Malgré la pluie, les spectateurs se sont déplacés pour assister aux 56 tours haletants qui ont consacré le Britannique Hamilton pour la cinquième fois depuis 2004.

 

Andrew Georgiou, directeur exécutif de l'agence Lagardère Sports and Entertainment, estime qu'en 2022, la classe moyenne chinoise pourrait compter 550 millions de personnes, parmi lesquels un grand nombre devrait développer un goût pour le sport automobile. « Nous parions sur une croissance énorme, de l'ordre de 400 millions de personnes ces 12 à 13 prochaines années. Sans compter l'augmentation des budgets que ces personnes pourront consacrer au divertissement et aux loisirs », déclarait M. Georgiou à Reuters en mars. « Cela vous indique la taille de ce marché. »

 

C'est précisément ce boom de l'intérêt pour la Formule 1 qui a amené Lagardère Sports, déjà bien implanté en Chine et en Asie sur la promotion des événements de la Confédération asiatique de football, à s'associer à Liberty Media pour développer, à partir de 2018, le sport automobile dans cette région à fort potentiel de croissance.

 

Début juillet, les deux sociétés ont publié un communiqué annonçant que China Lagardère Sports participerait à un partenariat stratégique dans la Formule 1 et s'occupera de la promotion des événements, des droits de diffusion, des partenariats numériques et de sponsoring, du marketing, de la recherche de talents et du développement des écuries.

 

« Nous sommes très intéressés par ce développement vers des expériences de divertissement en direct conçues pour rapprocher les amateurs », a déclaré dans un communiqué Sean Bratches, directeur des opérations commerciales de Formula One. « Nous sommes ravis de travailler avec Lagardère Sports qui apporte une connaissance du marché chinois et contribuera à consolider un avantage à long terme pour tous nos partenaires et les marques avec lesquelles nous travaillons. »

 

« Ce nouveau partenariat nous permet d'utiliser la Formule 1 pour développer un contenu local de la plus haute qualité pour le marché chinois. De cette façon, ce sport s'enracinera profondément par une base de fans locaux et deviendra partie intégrante de la culture et de l'esprit sportif chinois », a renchéri M. Georgiou. « Nous sommes très heureux d'enrichir ainsi la Formule 1 dans son ensemble. »

 

China F1 Racing Team

 

En plus d'assurer la promotion du sport automobile à l'intérieur du pays, la Chine cherche à se faire un nom à l'étranger. L'une des nouvelles récentes qui ont secoué le monde du sport automobile a été justement l'intention affirmée par les autorités chinoises de développer une écurie indigène qui fera concurrence aux grands noms que sont la Scuderia Ferrari, McLaren Honda ou Mercedes AMG Petronas Motorsport.

 

Le 19 mai, Bronze Fortune Limited, une société britannique fondée en 2003 présidée par le Français Michael Orts, a modifié son nom porté sur le registre des entreprises britanniques, et s'appelle désormais Chine F1 Racing Team. Les détails concrets ne sont pas encore connus mais cette initiative suggère un fort intérêt pour la Chine et l'envie de prendre sa place sur la grille de départ avec les autres équipes de Formule 1.

 

Des nouvelles qui émergent au moment même où l'on entend que la Formule 1 souhaite accueillir dans le championnat deux nouvelles équipes et veut faire passer de 20 à 24 le nombre de voitures en lice. « Il y a toujours eu des rumeurs, mais c'est vrai que nous portons un intérêt particulier à certaines équipes », a affirmé, sans dévoiler ses cartes, Jean Todt, président de la Fédération internationale de l'automobile (FIA) lors d'une conférence de presse à Genève. « Nous avons aujourd'hui dix équipes, et l'idée est de passer à douze. Si nous voyons apparaître un ou deux nouveaux venus prometteurs, tout est possible. »

 

L'équipe chinoise ne serait pas la seule à représenter un pays. C'est ce que font Force India depuis 2008 et l'équipe américaine Haas F1 Team acceptée par la FIA il y a deux ans et qui a fait ses débuts dans la saison 2016. Comme Force India et Haas, il est probable que la future équipe chinoise base ses opérations au Royaume-Uni, où sont basées toutes ses concurrentes à l'exception de Ferrari, Toro Rosso et Sauber qui sont basées dans d'autres pays d'Europe.

 

« Nous devons tout d'abord étudier cette candidature, c'est une sorte d'audit qui nous permet de mieux comprendre le public-cible », a affirmé M. Todt. « Une fois que nous sommes sûrs qu'un réel intérêt existe, une fois qu'il est établi que cette équipe est qualifiée, comme cela s'est produit pour Haas par exemple, alors nous faisons une offre. »

 

Mais il reste encore du chemin : la Chine doit former une écurie locale capable de rivaliser avec les meilleurs dans cette catégorie. Même si l'équipe chinoise F1 Racing obtient cette place de onzième équipe du championnat, elle ne pourra courir qu'à partir de la saison 2019 dans le meilleur des cas. Pourtant, son ambition ne passe pas inaperçu et l'engagement du pays pour positionner ce sport à l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières jouera sans aucun doute un rôle important dans l'avenir du sport automobile mondial.

 

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