CHINAHOY

3-January-2018

L’expérience réussie de la Chine - 40 ans de réforme et d’ouverture

 

 

HU BILIANG*

 

 

Au début des années 1980, j’ai été admis dans une université chinoise d’économie et de finance. Une fois diplômé, j’ai pu entrer à l’Académie des sciences sociales de Chine pour faire des recherches en économie. Plus tard, j’ai eu l’occasion d’aller étudier en Europe et aux États-Unis. J’ai aussi eu la chance d’intégrer la Banque mondiale pour étudier la politique économique chinoise et de travailler pour une banque d’investissement française sur la macroéconomie et les marchés de capitaux en Chine. Vers l’année 2000, j’ai fondé avec des amis une société sous-traitante de logiciels, qui apportait, par l’intermédiaire d’ingénieurs chinois, des services de conseil en informatique aux clients des États-Unis. Ces expériences m’ont permis non seulement de témoigner de façon pleine et entière des métamorphoses qu’a connues la Chine depuis sa réforme et son ouverture il y a 40 ans, mais aussi de prendre part aux changements dans certains domaines.

 

 

Juillet 2016, le port de Yantian à Shenzhen. Ce port compte actuellement
18 grands mouillages en eau profonde, 83 grands élévateurs à quai,
et gère une centaine de lignes maritimes internationales.
 

 

À la fin de 1976, la Révolution culturelle, qui avait duré une décennie, touchait à son terme. Cette année-là, le PIB chinois totalisait 153,94 milliards de dollars (selon le taux de change actuel et idem pour les conversions ci-dessous), soit 2,2 % du volume global mondial de l’année, avec un PIB par habitant de seulement 165,4 dollars, ce qui classait la Chine au-delà du 120e rang mondial. Les réserves de changes de la Chine ne s’établissaient qu’à 1,26 milliard de dollars. Son volume global des importations et exportations des marchandises était de 13,43 milliards de dollars, et dépassait à peine les 5 % du commerce total américain des marchandises de la même année. À l’époque, les investissements directs étrangers en Chine étaient tout simplement inexistants, sans même parler d’investissements directs chinois à l’étranger. La Chine était essentiellement un pays agricole, dont la population rurale s’élevait à 82,6 % et souffrait pour la grande majorité d’une pauvreté absolue.

 

C’est dans ce contexte-là que les dirigeants chinois ont commencé à réfléchir avec sang-froid sur l’avenir et le destin de la nation, à concevoir de nouvelles stratégies et politiques de développement, et à élaborer de nouveaux plans et mesures de développement. En même temps, le peuple chinois a entamé des expériences et des recherches afin de satisfaire à ses besoins existentiels. À la fin de 1978, une toute nouvelle stratégie de développement pour la réforme en Chine et l’ouverture sur le monde extérieur a été officiellement publiée et mise en œuvre. La Chine s’est, à partir de là, engagée dans une nouvelle voie de développement.

 

Au bout de près de 40 ans d’efforts, la Chine a vu en 2016 son PIB atteindre les 11 200 milliards de dollars pour se hisser au deuxième rang mondial, soit 14,8 % du PIB mondial contre 2,2 % en 1976. Son PIB par habitant s’est élevé à 8 123,2 dollars pour arriver au-dessus du 60e rang au classement mondial. Son volume global des importations et exportations des marchandises et ses réserves de changes se sont respectivement établis à 3 660 milliards de dollars et 3 010 milliards de dollars, tous deux au premier rang mondial. Les investissements directs étrangers effectivement réalisés en Chine ont été évalués à 133,7 milliards de dollars, au troisième rang mondial. Alors que les investissements directs chinois à l’étranger, partis de zéro, se sont cumulés de manière fulgurante pour se retrouver au deuxième rang mondial avec un volume de 183,1 milliards de dollars.

 

 

En 1978, Deng Xiaoping (à dr.) et Chen Yun lors de
la 3e session plénière du XIe Comité central du PCC

 

Selon l’Indice mondial 2016 de compétitivité du secteur manufacturier, publié par Deloitte, le plus important cabinet d’audit et de conseil au monde, la compétitivité manufacturière chinoise a été classée au premier rang mondial. Parmi les 500 principaux biens industriels, la Chine en était le premier producteur mondial pour 220, dont l’acier, le charbon et l’aluminium électrolytique. Quant aux industries de haute technologie, la Chine possédait également des indicateurs en tête du classement mondial, tels que la valeur ajoutée et le volume des exportations, ce qui révélait que la Chine accélérait son allure en vue de devenir le plus grand pays manufacturier de haute technologie. Dans l’ensemble, la Chine s’est déjà transformée, devenant le plus grand pays manufacturier du monde avec une valeur ajoutée agricole ne représentant en 2016 que 8,6 % du PIB. Parallèlement, elle a réalisé pour l’essentiel son changement sociétal, à savoir le passage d’une société rurale à une société urbaine, affichant un taux d’urbanisation de 57,4 %.

 

Reste à savoir comment la Chine, en tant que pays en développement, a pu accomplir ces progrès par des moyens pacifiques et à travers sa propre réforme dans l’ordre international actuel ?

 

 

En février 1990, le port de Luohu de la zone économique spéciale de Shenzhen
 

 

Le choix d’une voie adaptée aux particularités du pays

 

La réponse réside dans le fait que la Chine a choisi la voie d’un socialisme à la chinoise. Cette voie implique beaucoup de choses, mais l’essentiel est de maintenir l’orientation socialiste tout en assurant les caractéristiques chinoises.

 

Par « le maintien de l’orientation socialiste », on entend la poursuite sans relâche d’une prospérité commune à tous. Le gouvernement chinois encourage certes un certain nombre de personnes à s’enrichir avant les autres, mais son but ultime est de réaliser la prospérité commune à tous. Par conséquent, il fait toujours grand cas de la lutte contre la pauvreté. Durant les 40 dernières années, le gouvernement chinois a réussi à faire sortir de la pauvreté absolue 700 millions de personnes. Aujourd’hui, il s’évertue à en faire sortir les 30 derniers millions dans l’objectif d’éradiquer la pauvreté absolue d’ici 2020.

 

Outre l’éradication de la pauvreté, la Chine a réalisé des progrès remarquables dans l’amélioration des conditions de vie de la population. Primo, le taux de chômage urbain enregistré s’est stabilisé à un niveau relativement bas de 4 % au cours des dernières années. Secundo, les chances pour l’accès à l’éducation ont augmenté : le taux d’analphabétisme 40 ans auparavant était au-dessus de 30 % contre aujourd’hui moins de

3 %. Par ailleurs, la proportion de la main-d’œuvre totale ayant fait des études supérieures a été portée de 0,5 % à 25 %. Tertio, la sécurité sociale a connu une nette amélioration : le taux de couverture de l’assurance retraite de base à l’échelle nationale a dépassé les 85 %, alors que plus de 95 % de la population nationale a adhéré à l’assurance maladie de base.

 

 

Le 8 décembre 2017, la 8e édition de l’Exposition sur les yatchs,
l’aviation et le luxe a lieu à Sanya, dans la province de Hainan.
 
 

Le maintien de l’orientation socialiste montre d’autres spécificités en Chine, telles que la primauté accordée au peuple, la propriété publique des terrains, le développement des entreprises publiques et un pouvoir de régulation relativement fort, dans une certaine mesure, du gouvernement dans les activités économiques.

 

Un autre point important de la voie du développement chinois se traduit par les caractéristiques chinoises, qui apparaissent grosso modo sous trois aspects. Premièrement, le modèle politique démocratique chinois n’est pas le même que celui des pays occidentaux : compte tenu de sa propre histoire, culture et tradition, la Chine ne pratique pas la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, mais elle assure la coordination entre la direction du Parti communiste chinois (PCC), la souveraineté populaire et la gouvernance de l’État en vertu de la loi. En même temps, elle maintient et perfectionne le système de l’assemblée populaire, le système de coopération multipartite et de consultation politique sous la direction du PCC, le système d’autonomie régionale des minorités ethniques, ainsi que le système de gestion autonome des masses populaires de base. Deuxièmement, le gouvernement joue un rôle majeur dans la promotion du développement économique et social. Troisièmement, certains éléments issus de l’histoire chinoise, de la culture chinoise et de la tradition chinoise pèsent lourd dans la balance. Par exemple, certaines idées fondamentales du confucianisme chinois continuent à influencer notablement la manière de coordonner et d’équilibrer la relation entre la gouvernance du pays par la vertu et selon la loi, le rapport entre l’ordre et les règles, ou encore les liens entre le réseau social et le développement. C’est pourquoi en Chine, il y a synergie des institutions formelles et des normes morales.

 

Le socialisme à la chinoise est un choix de voie et de système que la Chine a fait en partant des particularités du pays. Après des décennies de pratique et de perfectionnement, il a permis de relativement bien coordonner les rôles du gouvernement et du marché, et présente certains avantages uniques.

 

La persévérance dans la réforme orientée vers le marché

 

Comme le monde entier le sait, si la Chine a obtenu un tel succès aussi visible aujourd’hui en matière de développement, c’est en raison de la réforme lancée par Deng Xiaoping. Plus important encore, c’est aussi en raison d’une ligue de réforme axée sur le marché suivie par la Chine.

 

À la suite de sa fondation en 1949, la République populaire de Chine avait cloné l’économie planifiée de l’ex-Union soviétique. Tandis qu’en parallèle avec un prompt accroissement de la productivité et du capital, de nombreux problèmes s’étaient posés. Par conséquent, dès le début de la réforme, la Chine a entrepris d’appliquer l’économie marchande. Et elle s’est rendu compte par la suite qu’il fallait pratiquer une économie de marché et instaurer le système d’économie de marché. Malgré la mise en place progressive de l’économie de marché, la Chine n’a pas rejeté en bloc le régime d’économie planifiée. Au contraire, elle a laissé les deux systèmes, nouveau et ancien, coexister et se compléter l’un et l’autre. Autrement dit, elle cherche à ce qu’un équilibre s’établisse entre la planification et le marché à travers une réforme progressive qui s’adapte et se réajuste par rapport à leurs circonstances changeantes.

 

Durant les 40 ans d’efforts, la réforme chinoise orientée vers le marché n’a cessé de s’approfondir. À l’heure actuelle, la Chine poursuit l’approfondissement de sa réforme afin de faire jouer le rôle décisif au marché dans l’allocation des ressources.

 

La promotion de l’ouverture en faveur de l’intégration au monde

 

Les accomplissements que la Chine connaît aujourd’hui sont également attribués à son ouverture sur l’extérieur et à ses échanges amicaux avec d’autres pays. Jusqu’à présent, l’ouverture de la Chine a généralement connu trois grandes phases de développement.

 

La première grande phase de développement couvre la période allant des années 1980 aux années 1990. L’objectif principal était d’introduire des investissements directs étrangers dans les projets de construction d’infrastructures et industriels dans diverses régions en Chine. Les régions côtières comme le Guangdong, le Fujian ou Shanghai se sont développées le plus vite grâce à leurs avantages géographiques et humains. À la fin des années 1990, l’investissement direct étranger en Chine a atteint son apogée, confirmant son statut d’« atelier du monde ».

 

La deuxième grande phase de développement a débuté après l’accession de la Chine à l’OMC en 2001 pour durer jusqu’aux alentours de 2012. Au cours de cette période, la Chine a accompli deux missions cruciales : l’une consistait à s’adapter aux règles mondiales en matière de commerce et d’investissement. L’autre à mieux se situer dans les chaînes de valeur mondiales, afin de devenir une importante composante de la chaîne industrielle et de celle des valeurs dans le monde. Résultat : au lieu de décliner, la Chine a vu la compétitivité de son industrie manufacturière au niveau mondial se renforcer nettement. Elle est devenue le plus grand pays manufacturier au monde.

 

La troisième grande phase de développement a commencé en 2013 marquée par une ouverture plus active. Cela fait moins de cinq ans que l’initiative des nouvelles Routes de la Soie a été lancée, mais l’entreprise est sur un excellent départ. Avec ce stade de l’ouverture, la Chine espère mettre pleinement à profit ses avantages en capitaux, en certaines technologies appliquées et en personnels spécialisés, afin de travailler avec les autres pays pour favoriser l’interconnectivité et un développement coordonné dans le monde en matière d’infrastructures, de commerce, d’investissement, de finance et d’échanges humains pour intensifier le dialogue entre les civilisations, afin de construire une communauté de destin pour l’humanité.

 

La promotion du développement économique

 

Lorsque la Chine a émis ses pistes de réflexion sur le développement à la fin de 1978, le plus important était de déplacer le centre des activités du Parti et de l’État sur l’édification économique. La croissance économique est devenue l’indicateur le plus important pour mesurer le développement d’une région et le mérite d’un dirigeant.

 

En dépit d’une importance particulière de l’essor de l’industrie manufacturière sur laquelle misait la Chine, du gouvernement central aux autorités locales, le manque de capitaux restait une question omniprésente à travers le pays dans les années 1970 et 1980, voire jusqu’au début des années 1990. En effet, le développement de l’industrie manufacturière demande une forte concentration de capitaux pour acquérir la machinerie et les équipements, exploiter des terrains, construire des usines et payer des employés. Dans le même temps, un certain nombre d’investisseurs étrangers étaient à la recherche d’opportunités d’investissement en Chine, ce qui a suscité une vague d’appels aux investissements directs étrangers à travers le pays. Pour attirer les investissements étrangers, des autorités locales ont commencé à fournir des droits préférentiels aux investisseurs étrangers, notamment des réductions ou des exonérations d’impôt et des baisses de prix des terrains. Ces pratiques confinaient parfois à l’excès : des autorités locales faisaient preuve de laxisme à l’égard des normes environnementales.

 

En plus d’attirer des capitaux étrangers, les autorités locales promouvaient le développement de leurs industries manufacturières et la construction d’infrastructures en faisant du lobbying auprès des banques locales ou en créant elles-mêmes des plates-formes de financement.

 

Grâce aux efforts des autorités de tous les échelons, les infrastructures et l’industrie manufacturière se sont développées rapidement pendant cette période, tandis que le taux de croissance annuel du PIB était rarement inférieur à 10 %. Mais en même temps, certains problèmes ont été soulevés. Par exemple, les exigences envers la protection de l’environnement n’étant pas très élevées au début, cela a conduit à la détérioration de l’environnement dans de nombreuses régions. Comme les terrains étaient cédés aux investisseurs étrangers à faible coût ou même gratuitement, cela a généré une pléthore de terrains industriels qui grignotaient les terrains agricoles. Certains responsables locaux ont été impliqués dans des affaires de corruption lors des appels de fonds étrangers. À l’heure actuelle, la Chine procède à des ajustements ciblés dans ces domaines et corrige les dérives négligées dans le passé, résultat d’une trop grande focalisation sur le développement économique.

 

Le maintien de la stabilité politique et sociale

 

Si la Chine a connu un développement fulgurant au cours des 40 dernières années, l’une des principales expériences qui peut être inspirante réside dans le fait qu’elle a accompli du bon travail en faveur de la stabilité politique et sociale. Quiconque, Chinois ou étranger, peut ressentir que la Chine est un pays très stable et sûr. Reste à savoir comment la Chine, pays multiethnique et le plus peuplé du monde, a réussi à le faire.

 

Premièrement, la direction centralisée et unifiée du PCC a joué un rôle crucial dans le maintien de la stabilité politique en Chine. Le PCC est le seul parti au pouvoir et les autres partis participent à l’administration des affaires de l’État sous sa direction, ce qui détermine la stabilité fondamentale de la situation politique.

 

Deuxièmement, les organisations du Parti et les autorités de tous les échelons en Chine attachent une importance particulière à la stabilité sociale, « la stabilité prime sur tout ». Les Chinois sont convaincus que sans un environnement stable, rien ne peut réussir. C’est pourquoi les organisations de gestion sociale en Chine s’étendent jusqu’aux villages et aux quartiers des villes.

 

Troisièmement, certaines idées issues de la culture traditionnelle chinoise contribuent également à favoriser la stabilité sociale en Chine. Par exemple, les Chinois sont adeptes d’une philosophie fondée sur la primauté de la paix. Ils croient en la bonne entente pour faire fortune et n’aiment pas les conflits. Autre exemple : ils professent la doctrine du « juste milieu ». En Chine, on dit « Heureux celui qui sait se contenter de peu », et on ne se laisse jamais aller jusqu’aux extrêmes.

 

La mise en œuvre d’un ensemble de plans pour le développement

 

Dans tous les domaines évoqués ci-dessus, la Chine élabore des plans sur la base d’études approfondies et les exécute effectivement. Cela s’applique aux plans à long terme s’étendant sur des décennies, aux plans de développement à moyen terme pour les cinq ans à venir et aux plans à court terme pour le développement annuel, voire même trimestriel. En plus, ces plans s’articulent pour former une cohérence d’ensemble.

 

Par exemple, à partir de 1949, la Chine a déjà élaboré 13 plans quinquennaux pour le développement. Le plus grand avantage de la planification fait que le pays entier est conscient de l’objectif et de l’itinéraire du développement, des difficultés et des problèmes, ainsi que des principales politiques et mesures pour y répondre. Cela favorise une synergie de tout le pays pour atteindre un objectif commun.

 

Enfin, deux points méritent d’être soulignés. Premièrement, quand nous réexaminons le développement de la Chine des 40 dernières années, nous ne devons jamais omettre le dur labeur du peuple chinois. Parler de l’expérience réussie de la Chine sans évoquer ce point n’a aucun sens. Deuxièmement, le PCC attache une grande importance à l’apprentissage et à l’inspiration des brillantes réalisations de toute l’humanité, il en tire l’essentiel, les digère, les absorbe et les rend innovantes. La pensée de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère représente une des innovations théoriques majeures du PCC. Je suis convaincu que guidé par cette pensée, le peuple chinois réalisera les grands objectifs de la prospérité du pays et le renouveau de la nation.

 

*HU BILIANG est doyen de l’Institut des marchés émergents de l’Université normale de Beijing.

 

 

 

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