CHINAHOY

28-September-2017

La vérité sur commerciaux sino-américains

 

ZHANG CHANG

 

Les États-Unis ont déclaré ouvrir une enquête sur les pratiques commerciales de la Chine en août dernier. Analyse de la réalité sur les échanges commerciaux entre les deux plus grandes puissances économiques du monde.

 

    Huang Songping, porte-parole de l'Administration générale des
douanes de Chine, lors d'une conférence de presse le 13 avril 2017
 

Comme prévu, l'après-midi du 14 août, le président Donald Trump a signé un mémorandum demandant à M. Lighthizer, représentant du commerce américain, d'ouvrir une enquête sur les « pratiques commerciales déloyales » de la Chine en vue de protéger la propriété intellectuelle et les technologies américaines. Le 18 août, conformément à la loi du commerce datant de 1974, le représentant du commerce des États-Unis a déclaré ouvrir une enquête sur les pratiques commerciales de la Chine. Ce geste a surpris les spécialistes du monde entier, même si les États-Unis n'ont pour l'instant pas pris de mesures à l'encontre de la Chine.

 

L'opinion généralement répandue est que le conflit commercial qui oppose les deux grandes puissances économiques provient du « déséquilibre commercial » qui se creuse entre les deux pays. D'après les données publiées par le Département du commerce des États-Unis, le déficit enregistré par ces derniers dans le commerce de marchandises avec la Chine s'est monté à 347 milliards de dollars, soit 47 % du déficit commercial total du pays. Mais la situation réelle n'est pas entièrement reflétée par ces données. En réponse aux accusations américaines, Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, s'est exprimée à plusieurs reprises. Elle a rappelé que l'objectif est de poursuivre le développement de ces échanges commerciaux et non de mener une guerre commerciale qui ne mènera à rien et dont personne ne sortira gagnant.

 

Distorsion du commerce de sous-traitance

 

Ce sont des différences de méthodologie statistique qui alimentent les principales controverses entre les deux pays. Certains professionnels soulignent qu'une bonne partie des opérations commerciales en cause sont le fait d'entreprises sous-traitantes coréennes ou japonaises implantées en Chine afin de réduire leurs coûts et améliorer la compétitivité de leurs produits. De ce fait, une partie de l'excédent commercial chinois vis-à-vis des États-Unis provient d'entreprises appartenant à d'autres pays d'Asie de l'Est et ce sont au final des exportations de ces pays vers les États-Unis qui se retrouvent portées au crédit des exportations chinoises. Elle reprend l'argument déjà avancé par Huang Songping, porte-parole de l'Administration générale des douanes de Chine, qui avait affirmé que l'excédent commercial enregistré par la Chine vis-à-vis des États-Unis était en partie dû à l'implantation en Chine d'entreprises étrangères. La Chine se trouve au bas et au milieu de la chaîne industrielle internationale et l'industrie de la transformation ne présente pas une rentabilité très élevée, alors que c'est la valeur finale de ces marchandises transformées qui est portée au crédit du pays producteur. De ce fait, les statistiques du commerce international des marchandises ne présentent pas les bénéfices réels encaissés par la Chine, qui sont bien moins importants.

 

De fait, Pascal Lamy, alors directeur général de l'OMC, avait déjà souligné en 2012 que la méthode statistique actuelle date d'une époque où les produits étaient en général fabriqués intégralement dans un même pays. À l'ère de la mondialisation, cette méthode présente des lacunes qui provoquent une distorsion de l'excédent commercial de la Chine vis-à-vis des États-Unis. Les statistiques des douanes chinoises montrent qu'en 2016, les exportations de la Chine vers les États-Unis se sont montées à 385,2 milliards de dollars, contre 134,4 milliards de dollars d'importations en provenance des États-Unis. L'excédent commercial de la Chine n'était donc que de 250,8 milliards de dollars, soit 96,2 milliards de dollars de moins que le chiffre avancé par les États-Unis.

 

Prise en compte du commerce des services

 

Au-delà du chiffre du commerce des marchandises, il faut tenir compte du poids de plus en plus important du commerce des services. Un grand nombre de multinationales américaines spécialisées dans les industries manufacturières investissent dans le commerce, le marketing et la finance en Chine. Ces entreprises américaines vendent des produits sur le marché chinois ainsi que des services fournis aux entreprises chinoises. Mais ces exportations de services aux entreprises ne sont pas prises en compte dans les statistiques du commerce de services.

 

Par ailleurs, de nombreuses entreprises chinoises ont été rachetées entièrement ou en partie par des entreprises étrangères, notamment américaines. Ces opérations dissimulent des importations de services sous la forme de cession de savoir-faire, d'informations diverses et de budgets de recherche-développement. Ces services qui sont facturés très cher aux entreprises chinoises ne se reflètent pas dans le commerce des services entre les deux pays. Certains professionnels considèrent que cette situation conduit à sous-estimer les exportations de services américains vers la Chine et que l'excédent commercial enregistré par la Chine est en réalité bien inférieur à celui qui est généralement annoncé.

 

C'est ainsi que les États-Unis surévaluent les exportations et sous-estiment les importations chinoises. Les relations sino-américaines ne se résument pas à un excédent ou un déficit commercial. C'est pourquoi les pressions exercées par les États-Unis en raison du soi-disant excédent commercial chinois n'empêchent pas la Chine de poursuivre ses efforts visant à adopter les technologies de pointe et à mettre à jour ses modes de gestion et plus généralement à encourager la mise à niveau des entreprises chinoises.

 

Déséquilibre structurel du commerce extérieur

 

« Le commerce de sous-traitance ne représente qu'un tiers des échanges entre la Chine et les États-Unis, on ne peut donc pas se baser sur lui pour illustrer l'ensemble de la situation du commerce bilatéral. De fait, les restrictions imposées par les États-Unis à l'exportation des produits de haute technologie jouent également un rôle dans l'excédent commercial chinois », rappelle Huang Songping. C'est un fait peu connu qui explique une partie du déséquilibre.

 

D'après des documents révélés au public, les produits de haute technologie américains représentaient 16,7 % des importations chinoises de ce genre de marchandises en 2001. Un pourcentage qui est tombé à 8,2 % en 2016. L'année passée, la Chine a importé pour 227 milliards de dollars de circuits intégrés, soit plus que la valeur totale de ses importations de pétrole brut, de minerai de fer et de plastiques primaires. Mais seuls 4 % de ces circuits étaient produits aux États-Unis. Un rapport publié en avril par Carnegie Endowment for International Peace a révélé que si le gouvernement américain assouplissait ses restrictions qui frappent les exportations vers la Chine et offrait à ce pays les mêmes conditions que celles qui s'appliquent au Brésil, le déficit commercial américain vis-à-vis la Chine se réduirait de 24 %. Si l'administration américaine offrait à la Chine la politique commerciale qu'elle réserve à la France, ce déficit se réduirait de 34 %.

 

Essor des produits nationaux

 

Certains produits américains bénéficient depuis longtemps d'un avantage compétitif sur le marché international et les produits chinois ont beaucoup de mal à prendre pied sur ce marché. Depuis l'approfondissement de la réforme et de l'ouverture, la Chine s'est forgé progressivement une image d'« atelier du monde ». Depuis des décennies que les produits fabriqués en Chine se vendent dans le monde entier, l'impression s'est établie que les produits chinois sont bas de gamme et bon marché. Une situation qui a commencé à évoluer ces dernières années. De plus en plus de produits sophistiqués fabriqués en Chine s'imposent sur le marché international. Certains se vendent d'abord sur le marché domestique puis gagnent une réputation internationale. Le superordinateur et le TGV sont des exemples qui illustrent bien ce succès de l'innovation chinoise.

 

Certains professionnels expliquent que, comme les téléphones portables chinois qui ont gagné des parts de marché sur l'iPhone et les modèles Samsung, les TGV et les avions de ligne chinois commencent à remplacer les produits importés. Les produits chinois sont populaires parmi les consommateurs et les exportations se développent. Certains produits étrangers perdent en compétitivité aussi bien par la qualité que par le prix, et cela entraîne une baisse des importations. Ces deux phénomènes se combinent pour accroître l'excédent commercial chinois.

 

« L'essor du ‘‘fabriqué en Chine'' conduit de plus en plus de consommateurs chinois à acheter chinois. Les produits électroménagers en sont l'illustration. Ce secteur était autrefois dominé par les importations, mais la montée en gamme des marques chinoises a conduit les magasins et les boutiques en ligne à vendre de moins en moins d'appareils électroménagers importés », observe Bai Ming, directeur adjoint de l'Institut des marchés internationaux de l'Académie du commerce international et de la coopération économique du ministère du Commerce chinois. Les produits chinois remplacent les produits importés sur le marché domestique, et ils sortent également du pays pour entrer sur le marché international. Encore un facteur qui booste l'excédent commercial chinois.

 

L'avenir des relations commerciales

 

Un grand nombre de professionnels pensent que les différends commerciaux de ce type resteront fréquents. La Chine et les États-Unis, premières puissances économiques mondiales, dépendent économiquement l'une de l'autre et leurs échanges commerciaux se multiplient. Il est donc peu probable qu'une guerre commerciale se produise entre eux. Mais des désaccords sont inévitables dans un contexte globalement stable.

 

« À l'heure actuelle et dans un avenir proche, les relations économiques et commerciales de nos deux pays connaîtront une certaine stabilité, même s'il y a des hauts et des bas », analyse Liu Shiguo, directeur du bureau de recherches macroéconomiques planétaires de l'institut de l'économie et de la politique mondiales de l'Académie des sciences sociales de Chine. Dans le contexte de la mondialisation, la Chine fournit d'immenses avantages aux États-Unis, au premier rang desquels son immense armée de consommateurs. De son côté, elle acquiert auprès des États-Unis une riche expérience dans le domaine des échanges économiques et commerciaux.

 

Le 21 août dernier, Gao Feng, porte-parole du ministère du Commerce chinois, a exprimé lors d'une conférence de presse la position chinoise sur la question. L'enquête lancée par les États-Unis à l'encontre de la Chine conformément la loi américaine porte atteinte au système commercial international actuel et provoque la consternation parmi tous ceux qui œuvrent à la promotion des relations économiques et commerciales sino-américaines.

 

Selon lui, la Chine considère que lorsque surgissent des problèmes économiques et commerciaux entre la Chine et les États-Unis, c'est l'intérêt commun qui finit toujours par l'emporter sur les différends, et que par conséquent il faut laisser de côté les divergences et viser une coopération gagnant-gagnant. C'est comme cela que les entreprises et les populations des deux pays pourront réellement bénéficier du développement de ces relations.

 

*ZHANG CHANG est journaliste au quotidien Beijing Business Today.

 

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