CHINAHOY

30-November-2017

Dong Qiang : promouvoir les échanges culturels en valorisant la traduction littéraire

 

 

Le 16 décembre 2014, Dong Qiang donne un discours lors du VIe prix Fu Lei à Beijing.

 

 

HU YUE, membre de la rédaction

 

 

Depuis sa création en 2009, le prix Fu Lei encourage les échanges culturels sino-français en récompensant les meilleures traductions chinoises d'œuvres de langue française.

 

Le 2 novembre 2017 s'est tenue à Beijing la conférence de presse qui annonçait les 10 titres nominés cette année pour le prix Fu Lei. Créé en 2009 à l'initiative de l'ambassade de France en Chine par des intellectuels chinois francophones, le prix Fu Lei a pour objectif de promouvoir la traduction littéraire et la diffusion de la littérature de langue française en Chine. Ce prix doit son nom au grand traducteur chinois Fu Lei (1908-1966), qui a rendu les œuvres de Balzac, Voltaire ou Romain Rolland accessibles aux lecteurs chinois.

 

Chaque année, le jury sélectionne trois lauréats : un dans la catégorie « Littérature », un dans la catégorie « Essai » et un dans la catégorie « Jeune pousse ». Le jury se compose de huit experts, moitié français, moitié chinois, parmi lesquels Mme Duanmu Mei, directrice d'études en Histoire de France et de Suisse à l'Institut d'histoire mondiale de l'Académie des sciences sociales de Chine, Guillaume Dutournier, docteur en langue et civilisation chinoises, maître de conférences de l'École française d'Extrême-Orient (EFEO) et Caroline Puel, reporter et écrivain. Le jury s'est réuni le 15 septembre afin de sélectionner 10 finalistes parmi 59 candidats dont les livres ont été traduits du français vers le chinois et publiés en Chine cette année. Les œuvres nominées ont souvent été écrites par des auteurs très différents et originaux, allant de Michel Foucault à Pierre Bourdieu en passant par Laurent Binet ou encore J.M.G. Le Clézio. Grâce au travail des traducteurs, la rencontre entre les lecteurs chinois et ces auteurs francophones devient possible.

 

La traduction est l'essence des échanges culturels

 

« La traduction est un pont entre la littérature du monde entier et les lecteurs chinois. Le patrimoine littéraire français est très riche et de nombreuses œuvres méritent d'être lues. M. Fu Lei, très grand traducteur, a contribué à traduire la littérature française, il a travaillé sur plus de 30 œuvres françaises et a influencé de nombreux lecteurs. Le choix de donner au prix le nom de M. Fu Lei est très pertinent. » Depuis la première session, Dong Qiang, professeur du département de français de l'université de Beijing, a été nommé président du comité d'organisation du prix Fu Lei. Il a déclaré que le lancement de ce prix a répondu aux attentes de nombreuses personnes et obtenu beaucoup de soutien dans le milieu de la culture.

 

Selon M. Dong, la traduction est l'essence des échanges culturels, en plus de donner accès à une œuvre, une bonne traduction met en valeur les échanges entre des civilisations différentes.

 

Depuis sa création il y a neuf ans, le prix Fu Lei a obtenu une vraie reconnaissance dans le milieu culturel et il a même induit une tendance. « Maintenant en Chine, de plus en plus de prix littéraires intègrent la traduction ; je pense que le prix Fu Lei est un pionnier. Il permet de faire prendre conscience aux gens de l'importance de la traduction », a-t-il affirmé. Cette année, l'Association des écrivains de Chine a mis en place un prix littéraire et a décidé d'accepter la participation d'œuvres traduites. C'est presque une initiative. «  Je crois qu'il y a une nouvelle tendance qui consiste à accepter que des œuvres traduites puissent concourir à des prix. Ainsi, non seulement le monde entier peut accéder à la littérature chinoise, mais les lecteurs chinois peuvent eux aussi accéder à la littérature mondiale. Donc la traduction est de plus en plus importante. »

 

M. Dong a expliqué que, grâce à la traduction de Ken Liu, un écrivain américain d'origine chinoise, l'œuvre The Three-Body Problem de Liu Cixin a pu obtenir le prix Hugo du meilleur roman en 2015, et qu'après avoir obtenu le prix Nobel en 2012, Mo Yan a publiquement félicité les traducteurs de ses œuvres en affirmant : « Les traducteurs jouent un rôle important. Sans le travail créatif des traducteurs de différents pays, je n'aurais pas pu obtenir le prix Nobel. Parfois, la traduction est encore plus difficile que l'écriture. »

 

La traduction est un art

 

Les lauréats se sont envolés le 25 novembre pour Guangzhou. En fait, ce n'est pas la première fois que le prix Fu Lei quitte Beijing. En 2015, la cérémonie de remise des prix ainsi qu'une série d'activités ont eu lieu à Shanghai et ont eu un impact sur la région Jiangsu-Zhejiang-Shanghai. « Désormais, cet événement littéraire joue de plus en plus en faveur de la régionalisation. On espère qu'en se déplaçant, le prix Fu Lei aura une influence positive sur différentes régions. Par exemple, les activités organisées à Guangzhou ont eu pour effet d'encourager les jeunes traducteurs de la région cantonaise (Shenzhen et Hong Kong par exemple) à participer au concours », a expliqué M. Dong.

 

Selon lui, depuis quelques années, les lauréats sont de plus en plus jeunes. Lorsque le prix venait d'être créé, les lauréats étaient surtout des traducteurs reconnus dans le milieu. Mais ces dernières années, beaucoup de jeunes traducteurs se sont distingués. Et les traductions de ces jeunes ne sont pas du tout inférieures à celles des grands maîtres. C'est la raison pour laquelle, depuis 2013, le prix Fu Lei a créé la catégorie « Jeune pousse ». Le jeune lauréat reçoit une récompense encourageante de 1 500 euros. En 2017, on a eu la bonne surprise de constater que la moyenne d'âge des 65 traducteurs candidats était en baisse, puisque 39 étaient nés dans les années 80 et trois dans les années 90.

 

Les titres qui sont distingués dans les catégories « Littérature » et « Essai » reçoivent chacun une dotation de 4 000 euros à partager entre le traducteur et l'éditeur. Pour les traducteurs, cette prime représente un honneur et est perçue comme un encouragement à persévérer fermement dans cette voie. Ainsi, Ma Zhencheng, lauréat de la première édition du prix Fu Lei pour sa traduction des Essais de Michel de Montaigne, a été sélectionné parmi les 10 nominés du prix Fu Lei cette année pour sa traduction de Limonov. En tant que membre du jury, M. Dong traite chaque œuvre de façon équitable. « La qualité de l'œuvre est le seul critère pour le jury. De même que les français font des dégustations de vin à l'aveugle, nous jugeons les œuvres selon les vrais talents du traducteur. »

 

En 2016, le prix de la catégorie « Essai » n'a pas trouvé de lauréat. C'est bien la preuve du professionnalisme du jury. « En tant que membre du jury, je suis fier de dire que les lauréats choisis par les experts chinois et français ont un réel talent. C'est précisément parce que nos juges sont exigeants que la place est restée vacante dans la catégorie « Essai » en 2016. Plutôt que d'attribuer un prix à une traduction de qualité moyenne, nous préfèrons rester fidèles à nos principes. »

 

Les échanges culturels créent une intimité entre les pays

 

Depuis 1949, la littérature et la pensée françaises, notamment des penseurs et des écrivains comme Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Hugo et Balzac, ont été parmi les premières influences intellectuelles en provenance de l'Occident. Après la réforme et l'ouverture de la Chine dans les années 70, de plus en plus d'œuvres littéraires ont été traduites et publiées en Chine. L'ambassade de France en Chine a apporté un soutien financier au prix Fu Lei, c'est évidemment une façon d'encourager les échanges culturels sino-français.

 

En 2018, le prix Fu Lei fêtera son dixième anniversaire. Selon M. Dong, les membres du jury font un travail d'intérêt public. « C'est une véritable passion pour la traduction qui nous pousse à continuer. » En 2009, pour le remercier de sa grande contribution aux échanges culturels entre la Chine et la France, le gouvernement français a remis à Dong Qiang la médaille de chevalier des Palmes académiques.

 

Selon M. Dong, les échanges sino-français dans le domaine de la culture et de l'éducation ont été très fructueux ces dernières années. « Tout d'abord, les échanges entre les deux pays bénéficient de bases solides. Par exemple, dans le domaine littéraire, les lecteurs chinois attendent beaucoup de la littérature française et les échanges entre les deux pays répondent à cette attente. En plus, ces dernières années, les acteurs du milieu culturel sino-français se sont engagés à organiser des activités pour encourager les échanges, comme par exemple le prix Fu Lei. Chaque année, nous avons essayé de présenter aux lecteurs chinois des œuvres qui représentent l'essence de la littérature française et au fur et à mesure, nous avons pu asseoir notre réputation. »

 

D'après M. Dong, la littérature et la culture influencent profondément les relations entre les deux pays qui s'appuient d'abord sur le respect mutuel. « L'ancien président français Charles de Gaulle a choisi d'établir des relations avec la Chine car il considérait la Chine comme une civilisation magnifique. » Selon M. Dong, en raison de sa croissance économique, la position de la Chine sur la scène internationale se renforce, et par conséquent, la civilisation chinoise attire de plus en plus la curiosité des autres peuples du monde. Il a affirmé : « Les échanges entre la Chine et la France sont plus dynamiques sur le plan culturel que sur le plan politique.»

 

D'autre part, selon M. Dong, les Chinois et les Français ont une opinion mutuelle favorable. La plupart des Chinois voient la France comme le pays du romantisme et de l'art de vivre et cela vient justement des représentations culturelles. Ainsi, les échanges culturels jouent en faveur d'une compréhension mutuelle entre les deux pays et renforcent leur intimité dans le domaine politique.

 

 

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