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Une nouvelle
zone urbaine de Chaozhou. |
La
culture, une des particularités de Chaozhou (III)
« ON a beau avoir visité le Guangdong, si on
ne s’est pas rendu à Chaozhou, on n’a rien vu. » Les
échanges de longue date avec l’extérieur, la fusion des cultures
chinoise et occidentale et la fusion de la culture de la Plaine
centrale avec la culture maritime ont permis à la culture locale
de Chaozhou de former une culture régionale particulière :
la culture de Chaozhou. Les nombreuses particularités de
cette ville, dont son dialecte, sa cuisine, son thé gongfu,
ses grands gongs et tambours et son opéra, constituent des ressources
culturelles qui lui sont propres. Centre politique, économique
et culturel de l’est du Guangdong, Chaozhou regroupe plus de 700 sites
archéologiques qui sont autant de fenêtres permettant de présenter
la culture de Chaozhou.
Le pont Guangji de Chaozhou, dont la construction a commencé sous
les Song du Sud (1127-1279), est l’un des quatre grands ponts de
la Chine antique; on le qualifie de premier pont mobile en pierre
du monde. Le temple Kaiyuan, construit sous les Tang (618-907),
est le centre des activités bouddhiques dans l’est du Guangdong.
C’est dans les monts Bijia que l’on trouve les ruines du plus
long four des Song de Chine. La résidence de Fuma (le gendre
de l’empereur) est un type d’édifice des Song que l’on voit rarement
à l’intérieur du pays. Pour sa part, le temple des ancêtres de
Huang Gong représente la quintessence de la sculpture sur bois de
Chaozhou.
Si l’on ne se rend pas dans cette région, on ne peut
constater l’ingéniosité et l’habileté des habitants de cet endroit.
La broderie de Chaozhou constitue une branche de celle du Guangdong,
l’une des quatre grandes broderies de Chine. La sculpture
sur bois de Chaozhou fait partie des deux grands procédés de la
sculpture sur bois de Chine. À Chaozhou, les activités
courantes telles que boire du thé, prendre un repas et broder sont
imprégnées d’un charme particulier. « Distinguée, raffinée
et harmonieuse sont des qualificatifs qui caractérisent bien la
culture de Chaozhou », comme le résume Zeng Chunan, vice-directeur
de l’Association chinoise de Han Yu.
Le thé gongfu, un trait particulier
Partout où vous allez, s’il y a des gens de Chaozhou, il y a du
thé gongfu. Bien qu’il soit difficile de trouver une vraie
maison de thé dans les rues de cette ville, on voit souvent de ses
habitants en train de boire du thé : durant un festin, lors
d’une activité de loisir ou à la maison, sous les tonnelles ou devant
un étalage.
Au moment de boire du thé, pour faire bouillir l’eau, les habitants
de Chaozhou qui sont attachés aux traditions vont à coup sûr allumer
un four fait d’argile et chauffé au charbon du bois. Lorsque
l’eau est prête, ils réchauffent minutieusement les verres et infusent
le thé. Alors, tout naturellement, ils prennent une petite gorgée
de thé et la dégustent soigneusement.
La plupart du temps, le thé gongfu est préparé
avec le thé fenghuang (phénix), un produit local. Les
meilleurs théiers sont âgés de 600 ans, et leur production
se vend au prix le plus élevé parmi tous les thés produits au pays.
L’eau qui sert à préparer le thé a elle aussi son importance. Il
y a une expression pour la décrire : « L’eau de source
est supérieure; l’eau du fleuve arrive en seconde place; et l’eau
de puits est de moindre qualité. » On dit que la meilleure
eau, c’est la rosée; il faut toutefois la cueillir sur les feuilles
des plantes avant qu’elle ne s’évapore au soleil. Autrefois,
dans la ville de Chaozhou, il y avait des boutiques spécialement
réservées à la vente d’eau de source venant de l’extérieur
de la ville et d’eau du fleuve Hanjiang.
Le service à thé de Chaozhou est lui aussi typique. Que
ce soit pour le four en argile, la théière ou les verres, l’apparence
exprime toujours subtilité et raffinement. La théière est
souvent fabriquée en grès pourpre ou en argile rouge, alors que
les verres sont en fine céramique blanche produite localement.
Un service à thé complet était auparavant composé de 28 pièces;
il n’en compte que quatre ou cinq aujourd’hui.
La technique de préparation du thé gongfu
compte dix étapes. En général, trois personnes utilisent
deux verres et quatre personnes, trois verres; il doit toujours
manquer un verre. C’est ainsi que les personnes des générations
plus jeunes doivent offrir à boire aux gens plus âgés, et que le
maître fait de même pour ses invités. Le rituel de dégustation
du thé consiste d’abord à examiner sa couleur, puis à humer son
parfum, et enfin, à le boire lentement.
Pour boire du thé gongfu, il vaut mieux se
trouver dans une ambiance lumineuse et nette ; dans la pratique,
il en va toutefois tout autrement. Par exemple, dans un défilé
de manifestations folkloriques, sous l’accompagnement des gongs
et des tambours, tout en marchant et en chantant et en jouant des
instruments de musique, les artistes n’oublient pas de prendre
le temps de bien se désaltérer avec du thé gongfu, préparé
par leurs aides.
Zeng Chunan a ainsi caractérisé le thé gongfu :
il est affable, respectueux, raffiné et joyeux. Selon lui, l’affabilité
et le respect désignent la vertu et l’esprit global du thé, tandis
que le raffinement est sa qualité intrinsèque et que la joie exprime
son âme.
La cuisine de Chaozhou : tout en raffinement
Une simple petite olive peut se transformer en 50
plats différents. Même les feuilles de patates, que l’on donne souvent
à manger aux porcs, peuvent être servies dans un banquet à Chaozhou.
Un plat local célèbre est appelé « Xianren Zhilu »
(L’esprit céleste indique le chemin). Sa préparation consiste à
vider un germe de soja et à le farcir d’ailerons de requins. N’est-ce
pas là l’exemple parfait du raffinement des habitants de Chaozhou ?
Parmi les mets délicieux de Chaozhou, les fruits de mer sont le
premier choix. En Chine du Nord, quand ils mangent
des fruits de mer, les habitants des côtes aiment cuisiner de la
façon la plus simple possible pour savourer le goût au naturel.
À Chaozhou, les habitants préfèrent plutôt cuisiner avec ingéniosité,
en ajoutant toutes sortes d’ingrédients. Les fruits de mer
ainsi préparés sont doux, mais pas insipides, délicieux, mais sans
odeur relevée.
De nombreux ingrédients servent à préparer les plats de Chaozhou,
et leur variété peut se regrouper sous trois types : les produits
aquatiques, les plats maigres et les plats sucrés. La patate,
le taro, la citrouille et le ginkgo sont souvent utilisés au naturel;
même le gras de porc peut être transformé en plats de qualité
supérieure.
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Le temple Kaiyuan. |
Dans cette ville, il y a un plat appelé Dingbian. Il est
fabriqué avec des blocs d’un liquide visqueux extrait de riz rôti.
La légende raconte que c’était un plat impérial, ainsi nommé
par Li Zicheng (1606-1645), roi Chuang, lorsqu’il est monté sur
le trône. Pour préparer ce plat, il faut d’abord produire
un liquide visqueux à partir d’un riz que l’on a conservé au moins
trois ans et moulu par la suite. Ce liquide est ensuite versé
le long des rebords d’une marmite de manière à former une couche
mince. Après l’avoir bien cuite, on retire cette couche de
la marmite et on la fait sécher. Le Dingbian est lisse
et agréable au goût. On peut aussi y ajouter d’autres ingrédients
tels que des fleurs d’hémérocalle séchées, de petites huîtres et
de l’auricularia. Ce plat est encore plus parfumé et délicieux
s’il est accompagné de la soupe mijotée à base de chanos.
Les boulettes de bœuf de Chaozhou sont très connues
en Chine. Même si elles sont fort simples en apparence, leur
préparation demande du temps. Il faut d’abord enlever tous
les tendons d’un morceau de bœuf frais. Puis, on bat le morceau
pendant plus d’une heure avec deux bâtons de métal pour le transformer
en une pâte liquide. Ce n’est qu’après cette préparation
inusitée que l’on peut confectionner de délicieuses boulettes.
Le temple Kaiyuan : un modèle d’harmonie
En Chine, Chaozhou et Shantou du Guangdong sont toujours
deux endroits où les fidèles bouddhistes affluent en grand nombre.
Parmi les temples qui attirent des fidèles de tous les coins
du pays, le temple Kaiyuan de Chaozhou est le plus prospère.
L’harmonie est un état recherché par le bouddhisme.
En 738, dans chacun des dix grands départements de
la Chine d’alors, l’empereur des Tang fit construire un temple portant
le nom de son règne, c’est-à-dire « Kaiyuan »; parmi ceux-ci,
on trouve le temple Kaiyuan de Chaozhou. Les temples célèbres
sont pour la plupart situés au pied d’une montagne et près d’une
rivière, alors que le temple Kaiyuan de Chaozhou se trouve dans
un quartier animé de la ville.
En Chine, parmi les édifices antiques à structure
de bois, le palais Tianwang (Roi céleste) de ce temple est un chef-d’œuvre.
Tout le palais a été construit avec le meilleur bois de l’époque.
L’assemblage des composantes ne présente aucune trace de coups de
marteau et de clou; c’est ainsi que le palais n’a toujours pas de
fissure, malgré l’influence climatique.
Le Grand Temple de l’Est, à Nara au Japon, est surnommé
le « premier édifice avec structure en bois du monde » ;
toutefois, on ne connaît toujours pas son origine. Étant
venu à Chaozhou, Lu Bingjie, professeur du département d’architecture
de l’université Tongji de Shanghai, a remarqué que la disposition
de base du Grand Temple de l’Est ressemblait à celle du palais
Tianwang du temple Kaiyuan de cette ville.
Ce temple Kaiyuan conserve 80 volumes du « canon Huayan »,
écrit avec du sang provenant de la langue de son ancien supérieur.
Tous les étés, les moines organisent une cérémonie de séchage
du Tripitaka, canon classique et trésor du temple.
Un aérolithe est tombé dans la région de Chaozhou
en 1325. À même ce météorite, les artisans locaux ont sculpté
un brûle-parfum pesant 475 kg ; celui-ci est conservé
dans le temple. Malgré les flammes ardentes, nul danger de
se brûler les cheveux à l’extérieur du brûle-parfum. Celui-ci
est resté intact bien que l’encens y brûle depuis plus de 600 ans.
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