JIAO FENG, journaliste attitrée

Activité récréative ancestrale, le cerf-volant est aussi l'objet d'une tradition bien vivante à Weifang, où une fête lui est consacrée.

LA Fête internationale du cerf-volant de Weifang est une activité traditionnelle de renom en Chine et un grand événement international dans le folklore du cerf-volant. Depuis 1984, l’événement se tient chaque année en avril à Weifang (province du Shandong), sur la côte est de la Chine. Cette année, c’est sa 28e édition.

Plus que tout autre endroit, Weifang nous rappelle le folklore traditionnel du cerf-volant. La ville en a une longue tradition de fabrication, et celle-ci est très admirée pour la sophistication du processus : donner forme à l’ossature de bambou, y coller du papier qui sera sa chair, et peindre le tout avec de belles couleurs pour donner de la vivacité à l’objet lorsqu’il vole. Tout cela est fait avec un savoir-faire qui rend le cerf-volant facile à piloter. Dans les années 1950, des cerfs-volants de Weifang ont été vendus sur les marchés de l’étranger, et il était alors réputé voler haut dans le ciel de plus de 20 pays et régions. Le 1er avril 1988, le comité de la Ve Fête internationale du cerf-volant a décerné à Weifang le titre de « Ville mondiale du cerf-volant » et a décidé de rassembler les dix meilleurs cerfs-volants à travers le monde et de les conserver dans le Musée du cerf-volant de Weifang comme souvenirs permanents.

Pendant cette fête, la ville accueille une variété d’activités pour que les participants explorent d’autres aspects du folklore local et de la culture traditionnelle en dehors des compétitions de vol et de fabrication de cerfs-volants et des échanges de connaissances artisanales. Weifang a un bon réseau routier, ferroviaire et aérien, si bien que tout en attirant de nombreux professionnels et amateurs de cerfs-volants, l’événement fait également connaître aux touristes diverses activités autres que de s’adonner simplement à leur curiosité pour la myriade de petites créatures volantes qui colorent le ciel.

L’histoire des cerfs-volants

Les secrets de la véritable origine des cerfs-volants se sont perdus avec le temps. Selon la tradition, on les faisait voler en souvenir des morts. En effet selon la mythologie, lors de la fête Qingming (autour du 5 avril, jour traditionnel pour rendre hommage aux morts), la porte du monde souterrain de l’au-delà est ouverte. Les gens pensaient donc que leurs cerfs-volants pourraient atteindre les défunts et leur envoyer les sentiments d’amour et de chagrin causés par leur disparition. Une autre croyance populaire est liée au printemps comme moment du retour de la vie; les gens peuvent alors dissiper la malchance et les malheurs accumulés au cours de l’hiver précédent en faisant s’envoler un cerf-volant au printemps. La coutume veut qu’on coupe alors le fil pour laisser s’échapper le cerf-volant, et avec lui, tous les mauvais esprits qui ont harcelé la famille. C’est pourquoi il ne faut jamais en ramasser un qui est tombé, sous peine de récupérer toutes les mauvaises choses qu’il transportait.

La plus ancienne référence historique aux cerfs-volants dans les annales chinoises remonte au IVe ou Ve siècle av. J.-C. Le célèbre philosophe chinois Mozi avait passé trois années à créer un oiseau de bois qui pouvait voler pendant une journée entière. Un de ses élèves, un prestigieux maître charpentier nommé Lu Ban, a imité sa technique. Il a coupé du bambou en fins bâtonnets, a lissé leur surface, et il les a chauffés sur le feu pour obtenir la forme qu’il voulait. Une fois achevé, son oiseau en bambou pouvait voler sans interruption pendant trois jours. Ce fut le prototype du cerf-volant. Sous la dynastie des Han de l’Est, Cai Lun (environ 62-121) a trouvé le processus permettant la fabrication du papier, et les gens ont commencé à faire des cerfs-volants en papier qu’ils appelaient « oiseaux de papier ».

Weifang est célèbre pour son artisanat traditionnel, et ses cerfs-volants ont aussi une longue histoire. À l’origine, ce commerce ne concernait que des artisans qui en fabriquaient pour répondre à la demande du marché et exprimer leur attachement à cet art. Plus tard, les lettrés et les artistes s’y sont intéressés et ont mis leur intelligence et leurs talents artistiques à contribution dans la conception et la décoration de cerfs-volants, ajoutant une touche d’élégance et de sophistication à l’artisanat populaire. Celui-ci s’est trouvé galvanisé par les changements de dynasties, car les créateurs de cerfs-volants impériaux fuyaient alors la capitale pour commencer une nouvelle vie à Weifang, y apportant leurs goûts, leurs normes et leur expertise en ce domaine. Passé de simple jouet à objet d’art, le cerf-volant était devenu une composante importante de la culture locale.

Le cerf-volant de Weifang a la réputation d’être un exquis travail d’artiste. Les artisans utilisent du bambou géant de trois ans, aux tiges droites et aux veines lisses. Le processus de découpage, de parage, de grattage et de chauffage crée des structures rectilignes et si élastiques qu’elles s’enroulent autour du doigt. Les cadres de cerfs-volants fabriqués de cette façon sont légers, stables et flexibles. Il en existe plusieurs variétés : cerf-volant à aile souple, à aile dure, en train et cylindrique.

Les boutiques en proposent partout dans la ville, mais la plus connue est certainement le Pavillon Sanguan qui vend le modèle Tang. La famille Tang a commencé cette activité vers 1628, à la fin de la dynastie des Ming (1368-1644). Le propriétaire actuel s’appelle Tang Yanshou, de la 4e génération. Le commerce familial se distingue par ses cerfs-volants à aile dure, dont la large envergure permet une ascension facile. Le modèle « Hirondelles doubles », conçu par M. Tang, a été salué comme un chef-d’œuvre extraordinaire.

Combat de cerfs-volants

Événement international d’une fière tradition folklorique, la Fête internationale du cerf-volant de Weifang attire chaque année de nombreux maîtres cerfs-volistes chinois et étrangers. Leurs cascades impressionnantes et le spectacle des compétitions passionnent des milliers de visiteurs, ainsi que les différents modèles, couleurs, styles et techniques de pilotage mis au point dans différents pays.

Les organisateurs ont fait de ce divertissement populaire un événement sportif sérieux. Cette année marque la 7e édition du Championnat mondial de cerf-volant auquel prennent part des équipes de plusieurs dizaines de pays et régions, y compris les États-Unis et la Grande-Bretagne. Pendant ce temps, les « Miss du cerf-volant », venues de divers pays, font une apparition pour ce grand événement, encourageant l’amitié entre les habitants locaux, les participants et les visiteurs par leur beauté, leur gentillesse et leur charme.

L’une des compétitions est l’événement sportif sino-étranger de cerf-volant qui attire également des milliers d’amateurs du monde entier pour faire voler des objets aérodynamiques de différentes formes. Le cerf-volant le plus emblématique de Weifang est un énorme modèle en train avec une tête de dragon et un corps de mille-pattes. Il est en fait composé d’une multitude de cerfs-volants attachés les uns aux autres. En vol, la queue et le corps doivent partir en premier afin de donner une impulsion assez puissante à la tête de dragon géant pour la tirer vers le ciel. Chaque cerf-volant doit être conçu selon les principes de l’aérodynamisme si l’on veut que le monstre décolle et reste vaillant dans les cieux. Les modèles de ce genre ont habituellement environ 30 m, mais quand il s’élance dans le ciel, il peut atteindre 100 m de long.

Quelle fête serait complète sans le spectacle d’un mariage traditionnel? À Weifang, la parade de la berline des mariés, l’adoration du ciel et de la terre, l’échange des coupes de vin et bien sûr l’arrivée dans la chambre nuptiale reproduisent le déroulement d’une cérémonie traditionnelle de mariage. Les visiteurs peuvent également découvrir le milieu rural en séjournant dans le village et profiter de son mode de vie, des coutumes et des plats locaux.

Savourez le folklore

Le village de Yangjiabu est un important producteur de cerfs-volants de Weifang. Ceux-ci sont très colorés et s’envolent avec élégance. Ils sont en outre décorés de manière caractéristique en utilisant la technique de la xylographie du Nouvel An.

Yangjiabu est situé dans l’arrondissement Hanting de Weifang et est facilement accessible par la route et le chemin de fer, puisqu’il est adjacent à l’autoroute Jiqing (Jinan-Qingdao) et à la ligne ferroviaire Jiaoji (Qingdao-Jinan). Lorsque vous entrez dans le village, vous ne manquerez pas de voir les ruelles remplies de magasins d’antiquités et magnifiquement décorées d’art populaire.

Les estampes xylographiques du Nouvel An et les cerfs-volants de Yang-jiabu figurent sur la première liste du patrimoine culturel immatériel de la Chine. Ces derniers sont présentés au Parc d’art folklorique de Yangjiabu, et les visiteurs pourront y apprendre plus sur leur histoire et leurs techniques de fabrication.

Le parc a la structure d’un siheyuan (maison traditionnelle avec cour intérieure), divisé en différentes sections consacrées à la fabrication de cerfs-volants, à l’estampe du Nouvel An, au folklore et aux autres arts et artisanats. Les visiteurs peuvent s’essayer à la construction de cerfs-volants et à la xylographie en chromotypie. Ils peuvent également faire s’envoler des cerfs-volants ou bien prendre le téléphérique pour tout simplement profiter du paysage pastoral.

Fortes d’une histoire de plus de 600 ans, les estampes du Nouvel An de Yang-jiabu sont caractérisées par des couleurs fortement contrastées et de belles lignes qui créent des images exagérées, pleines d’imagination et d’esprit. Les motifs sont principalement mythologiques et font référence aux anciennes coutumes. Mais il y a également une foule d’autres genres.

Ce village est aussi le principal lieu de naissance du cerf-volant de Weifang, auquel on a joint la technique de xylographie. Cet objet peut ainsi être une œuvre d’art ou un jouet, selon que vous l’accrochez au mur ou que vous le faites voler. On en trouve six catégories représentant plus de soixante variétés.

Musée du cerf-volant

Les visiteurs ne doivent pas manquer d’aller visiter la collection du Musée du cerf-volant de Weifang, situé au 66, rue Xingzheng, dans l’arrondissement Kuiwen. C’est un immense édifice d’une superficie de 8 100 m² dont la conception rappelle le long mille-pattes volant à tête de dragon, présent sur toute la longueur du toit. Celui-ci est recouvert de carreaux émaillés bleu paon qui servent de toile de fond pour l’animal fantastique qui semble s’envoler dans le ciel. Le musée possède une collection de plus de 1 000 chefs-d’œuvre et de quelque 300 photos et reproductions de cerfs-volants antiques.

Le musée est composé de huit salles d’exposition, consacrées à l’histoire et à la culture du cerf-volant, à leur utilisation et fonctions anciennes et actuelles, aux chefs-d’œuvre provenant de Weifang et d’autres parties du monde, à la Fête internationale du cerf-volant de Weifang et au cerf-volant dans le folklore et le cinéma.

En vous y baladant, vous sentirez vivement la puissance de cette tradition passionnante et vivace. Laissez-vous aller dans la contemplation des réalisations artistiques gigantesques et des non moins impressionnantes merveilles miniatures dont les détails ne peuvent être discernés qu’à la loupe. Ce musée présente une culture vivante qui remonte à un passé lointain et qui se prolonge dans un avenir sans bornes.