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L’Alliance Française en Chine, ou l’art de communiquer
M. Laurent Croset, délégué général de l’Alliance Française en Chine, est l’un des meilleurs communicateurs qu’il m’ait été donné de rencontrer. Prévu pour quarante minutes, notre entretien a duré deux heures pendant lesquelles il a brossé le portrait du développement continu de l’Alliance Française en Chine, dans le contexte parfois changeant des relations sino-françaises. Le secret du succès de l’Alliance pourrait-il être une source d’inspiration pour certaines entreprises françaises ayant du mal à s’intégrer dans le marché chinois?
LE développement de l’Alliance Française en Chine a de quoi interpeller. Sur un total de quinze Alliances (Hong Kong, Macao, Beijing, Dalian, Tianjin, Jinan, Qingdao, Xi’an, Nanjing, Shanghai, Wuhan, Chengdu, Chongqing, Hangzhou et Guangzhou), pas moins de dix ont été créées au cours des dix dernières années, un rythme unique au monde!
Comme partout ailleurs, les différentes Alliances ont pour mission de diffuser la langue française et la culture francophone dans le pays d’accueil, tout en étant des lieux d’échanges avec la culture locale. En Chine, sous la direction de 275 professeurs, les 25 000 étudiants des Alliances sont majoritairement jeunes, et plus des trois quarts sont des femmes. De plus, dans toutes les Alliances, les revenus tirés des frais de scolarité suffisent à garantir un fonctionnement autonome.
À noter : en Chine, ces établissements ne sont pas seulement des écoles de langue. Ce sont de véritables organismes culturels véhiculant l’image de la France et de la Francophonie auprès des Chinois. Rien qu’en 2009, les Alliances ont organisé 325 événements culturels qui ont attiré 40 000 spectateurs.
« En France, on est très intéressé par la Chine, souligne Laurent Croset. On a de grands spécialistes de la Chine, mais le grand public ne la connaît pas bien. Il est important qu’à travers nos événements, les gens puissent mieux connaître la Chine. [...] À leur niveau, les Alliances doivent contribuer à faciliter le dialogue et la connaissance de nos deux pays; c’est important. Il faut saisir toutes les occasions de se rencontrer et de dialoguer. »
Un secret de polichinelle?
Pour le délégué général, le succès de l’Alliance Française en Chine n’est pas sorcier. Depuis une vingtaine d’années, la Chine s’ouvre considérablement sur le monde, et de ce fait, joue un rôle très différent de celui qu’elle jouait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Dans ce contexte, les Chinois, surtout les jeunes, ont envie de découvrir le monde, tout en restant très attachés à leur pays. La Chine est donc un marché très intéressant, qui donne des occasions de communiquer. « Ce qui m’intéresse dans un événement culturel, c’est surtout le public qu’on va pouvoir rencontrer, confirme Laurent Croset, et ce que je constate, c’est que, pour les Chinois, il y a un vif désir de découvrir la France, d’y étudier, d’y vivre; des gens y restent trois, voire cinq ans, avec le projet de revenir non seulement en Chine, mais aussi dans leur province. »
En Chine, l’Alliance n’est pas le seul établissement à donner des cours de français, mais elle dispose d’atouts. Par rapport aux établissements privés qui ont pour unique but de faire des profits, en plus d’une garantie de qualité de la formation en français, l’Alliance propose de nombreux programmes culturels à travers lesquels les étudiants peuvent mieux comprendre le français et la culture française. De surcroît, comme c’est une organisation à but non lucratif, elle réinvestit ses bénéfices dans la formation des professeurs et dans l’amélioration des installations des différentes antennes, de façon à garantir encore davantage la qualité de la formation. Par exemple, toutes les Alliances seront bientôt équipées de tableaux interactifs qui permettent d’améliorer la participation des étudiants en cours. Par rapport aux universités chinoises, l’Alliance propose une formation plus pratique, facilement applicable dans la vie quotidienne; il s’agit d’apprendre à écrire et à parler français pour communiquer, et non dans un but littéraire.

Un modèle différent
L’Alliance n’a pas eu de gros problèmes de développement en Chine, mais elle a dû faire preuve d’innovation. En effet, partout dans le monde, les Alliances Françaises sont des associations, mais comme cette forme d’organisation n’existe pas dans la partie continentale de la Chine, l’Alliance a trouvé un modèle différent : en Chine, chaque Alliance Française est partenaire d’une université. Le hic, c’est qu’il n’est pas toujours facile de trouver un bon partenaire. L’Alliance a donc fait un gros travail de relations publiques. Il a fallu dialoguer, redéfinir les choses, parfois changer de partenaire quand l’intérêt de travailler ensemble avait disparu. Comme le souligne son délégué général, l’Alliance Française en Chine a pour but de partager. « Si ce n’est pas compris ainsi par le partenaire, il est alors préférable de changer de partenaire. Toutefois, c’est l’exception », explique-t-il.
De façon générale, la coopération semble bénéfique pour l’Alliance et pour les universités. Pour l’Alliance, la coopération avec un partenaire universitaire lui permet de mieux s’adapter à l’environnement local. Pour une université qui souhaite accueillir beaucoup d’étudiants et développer les relations avec d’autres pays, une telle coopération permet de nouer plus facilement des relations avec des universités françaises. L’Alliance Française fait partie du réseau culturel français de l’ambassade de France et peut aider à nouer des relations entre les universités chinoises et le monde universitaire français.

Échanges et partage d’expériences
Sous de nombreux aspects, l’Institut Confucius ressemble à l’Alliance Française. Leur principal point commun réside dans leur objectif de diffuser et de promouvoir leur langue et leur culture dans le monde. De plus, les deux organisations travaillent sur le terrain avec des Français et des Chinois de tous les milieux et contribuent à construire l’avenir des relations entre les deux pays. Il reste toutefois une différence pour M. Croset : le taux d’autofinancement des Alliances Françaises avoisine les 100 %, alors que les Instituts Confucius sont principalement financés par le gouvernement chinois.
À propos du financement, Laurent Croset est clair : « C’est la force du réseau de l’Alliance Française. La France a une spécificité, elle a un réseau culturel extrêmement important depuis nombre d’années partout dans le monde, mais comme beaucoup d’autres pays, elle doit faire face à un contexte économique difficile [...] Lorsqu’on est plus autonome au niveau financier, on est peut-être plus innovant, on essaie de trouver des moyens de fonctionner qui coûtent moins cher. [...] Il est important que l’État investisse dans la culture. Mais au-delà, il est important que les établissements culturels cherchent des moyens de se financer autrement; cela suscite de l’innovation, cela donne plus de responsabilités et permet de rationaliser les dépenses. »
Quant aux Instituts Confucius, le délégué général est d’avis qu’ils sont encore très jeunes. En réalité, ce ne sont pas encore des organismes culturels comparables aux Alliances. Leur activité principale consiste à dispenser des cours de chinois; quand elle existe, la partie culturelle est encore très récente. Dans ce sens, les activités culturelles constituent un volet que l’Alliance pourrait partager avec l’Institut Confucius. « La meilleure façon de partager les expériences, c’est d’être en contact », souligne Laurent Croset, qui croit beaucoup aux échanges, pas seulement aux échanges de documents et de décisions, mais aussi aux échanges de personnes. Par exemple, les Français de l’Alliance qui parlent très bien le chinois pourraient aussi enseigner dans les Instituts Confucius.
« Votre culture est très accueillante... »
Les relations internationales connaissent toujours des hauts et des bas, mais le réseau des Alliances Françaises est là pour assurer la continuité de l’amitié franco-chinoise. Laurent Croset nous explique son point de vue sur le sujet : « Je vous donne un exemple qui, sans doute, vous paraîtra très étonnant. Quand je suis arrivé en Chine, je ne connaissais pas la Chine, mais je ne me suis jamais senti à l’étranger. Qu’est-ce que cela veut dire? Plusieurs choses. D’abord, votre culture est très différente de la culture française, mais elle n’est pas une culture agressive, elle est très accueillante. Cependant, elle aime la différence, et cela est très important. On se sent accueilli en Chine. La deuxième chose, qui est évidente aussi, c’est que les liens entre la France et la Chine sont anciens, et même si on peut avoir des incompréhensions, une amitié très longue et une histoire commune ne se défont pas du jour au lendemain. Et de fait, tous les Chinois que je rencontre, jusqu’aux chauffeurs de taxi, connaissent la France. Tous les Chinois semblent connaître la France ! Il y a cinq ans, quand j’étais en Afrique du Sud, tous les Africains du Sud ne connaissaient pas la France. Les Français connaissent le nom de nombreuses villes chinoises, et beaucoup de Français sont allés en Chine. Même s’il reste beaucoup de choses à s’apprendre mutuellement, il y a un passé commun, et c’est sur ce passé commun qu’on construit l’avenir. »
Que réserve l’avenir?
Depuis son arrivée à Beijing, en août 2009, au lieu d’ouvrir davantage d’antennes, le délégué général donne la priorité à la qualité du réseau des Alliances. Ainsi, l’année 2010 marque la première phase de création du label « Alliance Française en Chine ». Objectifs : garantir la qualité de l’enseignement du français dans le réseau chinois de l’Alliance et continuer à offrir un service et un accueil de haut niveau. Cette ambition répond à un double objectif stratégique : améliorer la promotion de la langue française et des cultures francophones.
« Notre projet de développement consiste à se développer en réseau. Puisque notre vocation est d’attirer un public toujours plus nombreux, la qualité de la programmation culturelle et la qualité de la communication sont très importantes; l’Alliance doit faire une pause et consolider le réseau, puisque quinze Alliances, c’est déjà beaucoup. Ce que je veux, c’est que la qualité soit partagée entre toutes les Alliances », confie-t-il.
Une bonne compréhension de la réalité chinoise, une bonne interaction avec ses partenaires chinois et un contrôle qualité, c’est ce que prône Laurent Croset. Le secret du succès de l’Alliance Française en Chine ne tient-il pas à ces trois principes très simples que toute entreprise peut appliquer?