Décembre 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

I. L’esprit créatif français dans toute sa diversité

II. Comme si vous y étiez

III. Propos sur l'exposition Design d'en France

 

III. Propos sur l'exposition « Design d'en France »

Un employé présente aux visiteurs la maquette du Centre Georges Pompidou.

Selle et accessoire à l’exposition Design d’en France.

Interview accordée par M. Fan Di'an, professeur de l'Institut central des Beaux-Arts, à Hai Tong, journaliste du «Beijing Qingnian Bao »  .

Journaliste : En visitant l'exposition Design d'en France, qui a lieu au Musée national de Chine, les Chinois francophones se demandent pourquoi le titre de l'exposition a été traduit en « Faguo shishang yi bai nian » (100 ans de style français)?

Fan Di’an : Cette traduction a été motivée par deux considérations : premièrement, il ne s'agit pas ici de design pur et simple, mais d'un processus de développement; deuxièmement, les gens n'ont pas encore une compréhension suffisante du design ni une compréhension complète du style. L'utilisation du mot « style » vise à attirer l'attention sur son sens et à le saisir entièrement. Certains ont dit que les objets exposés étaient des choses courantes n'ayant pas trait au style. Mais en fait, ces choses courantes constituaient l'essence du style de cette époque-là, et elles se sont avérées pleines de vitalité, car nous les utilisons aujourd'hui encore. Le style n'est pas quelque chose d'éphémère. C'est une chose durable et une accumulation culturelle.

J. : Vous avez dit que le style ne revenait pas à une chose courante, mais à une culture. Comment l'interprétez-vous dans cette exposition?

F. : On entend le style de manière différente. Mais, en tout état de cause, le style a deux caractères importants, soit la créativité et la pérennité. Sans créativité, pas question de style. Mais la créativité ne peut produire un style durable qu'en représentant un noble caractère culturel. Je soutiens qu'il faut envisager le style sous cet angle et rejeter l'idée selon laquelle l'individualité revient au style.

J. : N'est-ce pas que le style est forcément empreint d'individualité?

F. : C'est vrai que le style est forcément empreint d'individualité, mais l'individualité ne revient pas nécessairement au style. Par exemple, si vous accrochez une montre-bracelet à votre oreille, vous manifestez là votre individualité, mais ce n'est pas le style. Si vous arrivez à faire en sorte que tous les gens fassent comme vous, voilà ce qui s'appelle le style.

J. : Qu'entendez-vous par une vie de style moderne?

F. : Dans l'exposition, nous avons tenu à présenter le design français de certains sports, comme l'équitation et la voile, dans l'intention de laisser comprendre que la vie de style moderne concerne aussi les sports et les loisirs. Le sport, de nature populaire, présente un style plus ou moins prononcé. Prenons pour exemple le cyclisme. Nous connaissons le Tour de France. Pourquoi pas un tour semblable en Chine, pays des bicyclettes? Pour cela, il faut réunir deux conditions : la participation massive et le design des vêtements et des équipements.

J. : Comment pouvons-nous mener une vie de style?

F. Cela touche la conception de la vie et le mode de vie de chacun. Il y a une grande différence entre les modes de vie. C'est une bonne chose que les jeunes d'aujourd'hui recherchent le style. Mais il leur faut cultiver un sens esthétique positif dans la recherche du style, au lieu de sombrer dans le consumérisme. Les jeunes gens doivent apprendre à entrevoir l'art à travers le style et le faire leur sur le plan moral, ce qui leur permet de montrer une certaine noblesse d'âme.

J. Nous avions l'idée bien arrêtée que les produits français sont de luxe. Existe-t-il là une méconnaissance?

F. : Dans le passé, des Français se targuaient de leur mode de vie noble et luxueux. Mais rien n'est immuable. Des changements se sont produits avec le temps. Dans l'exposition, nous avons vu à la fois la noblesse et l'élégance d'une part, la lucidité et la rationalité d'autre part. Vers la fin du XXe siècle, les produits, comme les meubles et les vêtements, montrent un style caractérisé par la clarté, la concision et la vivacité. C'est le reflet de notre époque. En tant que véhicule de la culture moderne, en France, le design combine l'élégance et le romantisme traditionnels, de même que la rationalité et l'ordonnance de l'époque moderne.

J. : Peut-on comprendre les choses en disant que le luxe a fait son temps dans le design en France et laissé la place au confort, comme aux États-Unis?

F. : En France, le design est dicté d'abord par la primauté de l'homme. Mais la France est plus ou moins différente des États-Unis là-dessus. Avant, Paris était la marque internationale du design. Après la Seconde Guerre mondiale, le centre mondial de l'art est passé de Paris à New York. Malgré cela, la France conserve le style traditionnel de sa culture. Prenons pour exemple l'architecture. Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, le post-modernisme en architecture a donné le jour à des constructions extrêmement luxueuses et extravagantes. Mais en France, on a suivi le courant international et en même temps conservé ses traditions culturelles. Le Centre Pompidou est à la fois novateur et exceptionnel.

J. : Quel est l'écart entre la Chine et la France sur le plan du design?

F. : La Chine affiche beaucoup de retard. C'est seulement après la réforme et l'ouverture que nous avons pris conscience de l'importance du design et que nous avons réuni les conditions nécessaires. Mais nous ne sommes pas assez conscients de la nécessité de rechercher à la fois la nouveauté et le raffinement. En apparence, nos produits ne sont pas mauvais, mais ils manquent de séduction. Si nous pouvons transformer le Made in China en Design in China, nous serons autrement vus dans le monde entier.

J. : Quel est l'avenir du design?

F. : À l'avenir, le design sera international et pluraliste, et aucun pays ne saura prétendre en être le symbole. Ce sera une concurrence entre tous. Si nous voulons avoir notre place, nous devrons combiner la modernité avec le style national. C'est ainsi que le design sera prometteur en Chine.

(Article d’abord paru dans China.org.cn)