
III. Propos
sur l'exposition
« Design d'en France »
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Un
employé présente aux visiteurs la maquette du Centre Georges
Pompidou. |
Selle et
accessoire à l’exposition Design d’en France.
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Interview
accordée par M. Fan Di'an, professeur de l'Institut central des
Beaux-Arts, à Hai Tong, journaliste du «Beijing Qingnian Bao » .
Journaliste : En visitant l'exposition Design
d'en France, qui a lieu au Musée national de Chine, les Chinois
francophones se demandent pourquoi le titre de l'exposition a été
traduit en « Faguo shishang yi bai nian » (100 ans de
style français)?
Fan
Di’an : Cette traduction a été motivée par deux considérations :
premièrement, il ne s'agit pas ici de design pur et simple, mais
d'un processus de développement; deuxièmement, les gens n'ont pas
encore une compréhension suffisante du design ni une compréhension
complète du style. L'utilisation du mot « style » vise
à attirer l'attention sur son sens et à le saisir entièrement. Certains
ont dit que les objets exposés étaient des choses courantes n'ayant
pas trait au style. Mais en fait, ces choses courantes constituaient
l'essence du style de cette époque-là, et elles se sont avérées
pleines de vitalité, car nous les utilisons aujourd'hui encore.
Le style n'est pas quelque chose d'éphémère. C'est une chose durable
et une accumulation culturelle.
J. : Vous avez dit que le style ne revenait pas à une
chose courante, mais à une culture. Comment l'interprétez-vous dans
cette exposition?
F. : On entend le style de manière différente. Mais, en
tout état de cause, le style a deux caractères importants, soit
la créativité et la pérennité. Sans créativité, pas question de
style. Mais la créativité ne peut produire un style durable qu'en
représentant un noble caractère culturel. Je soutiens qu'il faut
envisager le style sous cet angle et rejeter l'idée selon laquelle
l'individualité revient au style.
J. : N'est-ce pas que le style est forcément empreint
d'individualité?
F. : C'est vrai que le style est forcément empreint d'individualité,
mais l'individualité ne revient pas nécessairement au style. Par
exemple, si vous accrochez une montre-bracelet à votre oreille,
vous manifestez là votre individualité, mais ce n'est pas le style.
Si vous arrivez à faire en sorte que tous les gens fassent comme
vous, voilà ce qui s'appelle le style.
J. : Qu'entendez-vous par une vie de style moderne?
F. : Dans l'exposition, nous avons tenu à présenter le
design français de certains sports, comme l'équitation et la voile,
dans l'intention de laisser comprendre que la vie de style moderne
concerne aussi les sports et les loisirs. Le sport, de nature populaire,
présente un style plus ou moins prononcé. Prenons pour exemple le
cyclisme. Nous connaissons le Tour de France. Pourquoi pas un tour
semblable en Chine, pays des bicyclettes? Pour cela, il faut réunir
deux conditions : la participation massive et le design des
vêtements et des équipements.
J. : Comment pouvons-nous mener une vie de style?
F. Cela touche la conception de la vie et le mode de vie de
chacun. Il y a une grande différence entre les modes de vie. C'est
une bonne chose que les jeunes d'aujourd'hui recherchent le style.
Mais il leur faut cultiver un sens esthétique positif dans la recherche
du style, au lieu de sombrer dans le consumérisme. Les jeunes gens
doivent apprendre à entrevoir l'art à travers le style et le faire
leur sur le plan moral, ce qui leur permet de montrer une certaine
noblesse d'âme.
J. Nous avions l'idée bien arrêtée que les produits français
sont de luxe. Existe-t-il là une méconnaissance?
F. : Dans le passé, des Français se targuaient de leur
mode de vie noble et luxueux. Mais rien n'est immuable. Des changements
se sont produits avec le temps. Dans l'exposition, nous avons vu
à la fois la noblesse et l'élégance d'une part, la lucidité et la
rationalité d'autre part. Vers la fin du XXe siècle,
les produits, comme les meubles et les vêtements, montrent un style
caractérisé par la clarté, la concision et la vivacité. C'est le
reflet de notre époque. En tant que véhicule de la culture moderne,
en France, le design combine l'élégance et le romantisme traditionnels,
de même que la rationalité et l'ordonnance de l'époque moderne.
J. : Peut-on comprendre les choses en disant que le luxe
a fait son temps dans le design en France et laissé la place au
confort, comme aux États-Unis?
F. : En France, le design est dicté d'abord par la primauté
de l'homme. Mais la France est plus ou moins différente des États-Unis
là-dessus. Avant, Paris était la marque internationale du design.
Après la Seconde Guerre mondiale, le centre mondial de l'art est
passé de Paris à New York. Malgré cela, la France conserve le style
traditionnel de sa culture. Prenons pour exemple l'architecture.
Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, le post-modernisme
en architecture a donné le jour à des constructions extrêmement
luxueuses et extravagantes. Mais en France, on a suivi le courant
international et en même temps conservé ses traditions culturelles.
Le Centre Pompidou est à la fois novateur et exceptionnel.
J. : Quel est l'écart entre la Chine et la France sur
le plan du design?
F. : La Chine affiche beaucoup de retard. C'est seulement
après la réforme et l'ouverture que nous avons pris conscience de
l'importance du design et que nous avons réuni les conditions nécessaires.
Mais nous ne sommes pas assez conscients de la nécessité de rechercher
à la fois la nouveauté et le raffinement. En apparence, nos produits
ne sont pas mauvais, mais ils manquent de séduction. Si nous pouvons
transformer le Made in China en Design in China, nous
serons autrement vus dans le monde entier.
J. : Quel est l'avenir du design?
F. : À l'avenir, le design sera international et pluraliste,
et aucun pays ne saura prétendre en être le symbole. Ce sera une
concurrence entre tous. Si nous voulons avoir notre place, nous
devrons combiner la modernité avec le style national. C'est ainsi
que le design sera prometteur en Chine.
(Article
d’abord paru dans China.org.cn)
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