L’enfance
sans joie des champions de gymnastique
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Cai
Zhenhua, entraîneur général de l’équipe chinoise de tennis de
table. |
Tian
Liang et Guo Jingjing, deux plongeurs amoureux. |
« Bien entendu, mon
idole, c’est frère Xiao Peng !» lance Yang Rui, 14 ans, très
enthousiasmé en parlant de son athlète préféré. Assis au fond de
la salle de gym, il regarde ses camarades en entraînement. Lors
des exercices d’adresse, il s’est blessé la cheville du pied gauche.
L’assistant médical lui a appliqué une pommade et fait un pansement.
En période de convalescence, il se rend quand même au terrain d’entraînement
avec ses copains.
Sur le mur derrière lui,
s’affichent les photos de 42 champions du monde. Sur le mur d’en
face une sentence appelle à : « s’entraîner assidûment,
pour la gloire du pays ! ».
La lumière veille dans les
locaux de gym de l’Office national des Sports : des dizaines
de jeunes athlètes se répartissent dans différentes parties de la
salle au rez-de-chaussée. Le silence y règne, troublé seulement
par la voix soit douce soit sévère des moniteurs. Reste le bruit
de l’atterrissage des garçons au cheval d’arçons ou celui du ploiement
de la barre fixe.
Deux autres gymnastes font
des exercices de barres asymétriques. L’entraîneur Lu se met sur
un tabouret haut d’un mètre et aide une fille à réaliser des mouvements
difficiles. La ventilation et le conditionnement d’air fonctionnent
bien, n’empêche que le maillot de M. Lu devienne humide de sueur.
Il monte sur le tabouret et en descend à maintes reprises car il
doit également prêter attention aux autres membres de l’équipe.
Trois jeunes filles s’entraînent
patiemment à la poutre. Elles se soutiennent de leurs mains, ou
font le poirier tout en écartant les jambes. Deux gamines parfont
leurs mouvements avec l’aide d’un entraîneur. Les garçons de l’équipe
nationale de gymnastique sont nés la plupart dans les années 1990.
Ces jeunes athètes sélectionnés
par l’équipe nationale viennent des quatre coins du pays. La majorité
d’entre eux ont commencé l’entraînement dès l’âge de 5 ou 6 ans.
Après l’entraînement collectif de décembre 2003, une cinquentaine
ont été sélectionés parmi les 208 candidats natifs des diverses
provinces.
L’évaluation est stricte :
après le deuxième tour de sélection de juin 2004, il ne reste que
30 athlètes.
Tous les jours à 6 h 10,
ces gymnastes sortent pour faire leurs exercices du matin, commençant
ainsi leur journée d’entraînement. À 8 h 30, ils quittent leurs
chambres de l’Immeuble Temple du Ciel pour se rendre aux locaux
de gym, rue Gongti Beilu. Entre 12 h et 15 h, déjeuner et repos.
Dès 15h, quatre heures d’entraînement. Après diner, souvent des
cours de culture générale ou projection des vidéo des compétitions
sont au programme. Ils se couchent à 21 h 30. On leur demande de
faire un résumé hebdomadaire sur leur activité d’entraînement.
« Leur performance
n’est pas comparable aux celle de leurs aînés, et 4 ou 5 d’entre
eux n’ont même pas encore atteint le niveau désiré », dit Bao
Xianqin, qui travaille depuis 20 ans comme entraîneur pour l’Équipe
nationale et a formé des champions du monde comme Yang Bo. « Les
enfants de nos jours sont plutôt mous, ce sont des enfants uniques
qui supportent pas de durs exercices. Pourtant ceux-ci que j’entraîne
ont une qualité meilleure, ils sont ambitieux, savent ce qu’ils
veulent et travaillent dur, ce sont des enfants très dociles. »
Bao n’a pas de week-end,
elle prête attention à tout, veille de 8h à 19h au quotidien de
ces enfants. Le plus important selon elle, est de leur apporter
un soutien psychologique : « Nous sommes leurs anges
gardiens. Il faut que l’entraînement leur plaise et soit en même
temps efficace. D’autre part il est impératif de veiller à ce que
leur santé physique et morale soit saine. Y a quelque temps, pour
trouver une méthode convenable, j’ai dû me tordre la cervelle, si
bien qu’en entrant dans la salle de gym, je sentais souvent l’écœurement. »
Ce sont ces durs entraînements
qui ont édifié le haut niveau de la gymnastique chinoise à l’échelle
mondiale. Les J.O. de Sydney ont marqué la prouesse de la Chine
dans cette discipline : l’équipe masculine a pour la première
fois obtenu sa médaille d’or par équipe, Li Xiaopeng, de sa part,
a été champion en barres parallèles. L’équipe chinoise, lors des
Championats de gymnastique de 2003, a décroché trois médailles d’or.
Et surtout, la compétence de Li Xiaopeng en cheval d’arçons et en
barres parallèles est incontestable.
L’amour cède la place
au sport
Grande surprise pour toute
l’équipe de tennis de table chinoise : le 23 janvier 2004,
Cai Zhenhua, vice-directeur de l’Administration des sports de tennis
de table et de badminton et le moniteur en chef de l’équipe de tennis
de table, a sévèrement puni quatre sportifs impliqués dans des relations
amoureuses.
M. Cai est réputé, dans
l’Office national des sports, pour sa compétence en gestion. Le
public a connu le fait que, ayant subi une intervention chirurgicale,
il n’a pas lâché sa responsabilité d’entraîneur malgré des souffrances.
C’est cette année-là que les Chinois ont pris le relais de l’équipe
suédoise, qui avait été, six ans durant, championne en épreuves
masculines par équipe. Un succès très encourageant !
Son sens des responsabilités
a laissé une impression profonde à ses sportifs. L’autre impression
marquante de lui, ce sont ses sanctions sévères envers ceux qui
ont commis des fautes. Les membres de l’équipe avaient en effet
appris, en écoutant ses consignes strictes, que son souhait est
de former une équipe disciplinée, qu’ils doivent renoncer aux intérêts
personnels au profit de contributions au pays.
Ma Lin, classé premier par
l’Association internationale de tennis de table, était le probable
médaillé d’or des J.O. d’Athènes. Le groupe de moniteurs lui a annoncé
à l’avance que Bai Yang a été renvoyée à son ancienne équipe du
Hebei à cause de ses liens d’amour avec lui. Il est prié de comprendre
cela. Un autre entretien du même ordre a été accordé à Wang Hao :
Fan Ying, son amoureuse du moment, devait retourner également dans
son ancienne équipe.
Cai Zhenhua a donné des
explications aux quatre sportifs renvoyés : l’équipe de tennis
de table de Chine se charge d’une lourde tâche pour les Jeux d’Athènes,
les relations amoureuses pouvaient troubler les entraînements collectifs
de l’équipe nationale.
L’Office national des sports
ne permet pas aux femmes de moins de 25 ans, ni aux hommes de moins
de 28 ans de se lancer dans des passions amoureuses dans une même
équipe. Selon Liu Fengyan, le directeur de l’Administration des
sports de tennis de table et de badminton, « il est naturel
qu’ils aient leur vie sentimentale et que l’on doive penser à leur
futur mariage, mais il faut chercher à prolonger leur activité sportive.
Souvent, on n’interdit pas sévèrement les amours à condition qu’ils
ne nuisent pas aux entraînements. »
Les quatre sportifs punis
déclarent aux médias qu’ils comprennent cette décision du moniteur
et qu’ils souhaitent pouvoir bientôt retourner dans l’équipe nationale
en travaillant dur.
Contrairement à ces mésaventures,
l’amour qui lie Guo Jingjing et Tian Liang, ainsi que Ye Li et Yao
Ming est très heureux.
Sun Jun, l’ancien champion
de badminton, nous confie que sa première rencontre avec Ge Fei
a eu lieu à l’école de sports. Il avait 11 ans à cette époque-là.
À cet âge d’innocence, il trouvait en Ge Fei une fille gentille
et sympathique. Plus tard, ils ont été tous les deux sélectionnés
pour l’équipe nationale. Ils s’entraînaient ensemble, allaient ensemble
participer aux compétitions internationales, et se sont petit à
petit épris l’un de l’autre. Selon Sun Jun, « notre amour s’est
développé peu à peu, il est beaucoup plus vivace qu’un simple coup
de foudre ».
Des années durant, l’équipe
nationale procède aux entraînements collectifs. Depuis l’adolescence,
ces sportifs se renferment dans les locaux d’entraînement. D’ailleurs,
en raison de compétitions fréquentes, ils ont peu de contact avec
l’extérieur. Toute l’équipe forme une grande famille, a un même
parcours de vie. Cette vie collective monotone rend oisif le temps
de repos : au retour de l’entraînement, on se téléphone, on
s’envoie des messages SMS, et ainsi des couples d’amoureux se forment.
D’autre part, l’équipe de
tennis de table comme celle de badminton, est un creuset de belles
filles et de championnes. Être belle et championne renvoie à une
grande renommée et à un haut statut social. Si haut que personne
n’ose s’approcher d’elles. Ce qui fait que les prétendants sont
rares.
De même, leurs habitudes
de vie, leur emploi du temps différencièrent de beaucoup ceux des
gens de l’extérieur, tandis que les camarades d’équipe se comprennent
mieux, leur vie se ressemble, il est donc normal que l’équipe nationale
génère des amours.
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