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Le cinéma pour les aveugles

2022-10-08 19:36:00 Source:La Chine au présent Auteur:QIU HUI*
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Une trentaine de spectateurs non-voyants participent à une séance en audiodescription à Guangzhou, le 6 mars 2018.

 

Tous les samedis matin à 9 heures, le Poly International Cinema, situé dans l’arrondissement de Dongcheng à Beijing, accueille les aveugles et malvoyants pour une séance de cinéma adaptée. Dans la salle 9, Wang Weili, un narrateur de film de 64 ans, est là pour décrire et conter le déroulé du film, détaillant chaque scène et chaque personnage sur le grand écran. La tête penchée ou les sourcils froncés, le public suit le rythme de sa narration.

Au fil des ans, M. Wang a développé sa propre façon de narrer les films, saisissant les idées et décrivant avec précision les images, afin que le public aveugle puisse avoir une « imagerie visuelle ».

 

« Les aveugles ont besoin de s’intégrer dans la société », explique M. Wang, le fondateur du cinéma Xinmu (littéralement la « vue du cœur »). Selon lui, les films sont un canal important permettant aux aveugles de se connecter au monde réel.

 

Les débuts d’une petite salle de projection

 

Dans les années 1990, M. Wang s’est lancé dans les affaires après avoir démissionné de l’Académie des sciences de Chine (ASC). Avec sa mère, il s’occupe de sa sœur cadette, handicapée mentale. De fait, M. Wang n’est pas étranger au sort des personnes en situation de handicap.

 

Ses affaires prospérant, M. Wang et sa femme ont eu l’idée de réaliser un documentaire sur les personnes handicapées et pendant le tournage, le couple s’est fait beaucoup d’amis non-voyants.

 

Un jour en 2004, alors que M. Wang était chez lui à regarder le film The Terminator, l’un de ses amis aveugles lui a rendu visite. Pour pallier à la déficience visuelle de son ami, M. Wang a essayé de lui décrire les images du film. C’était la première fois en 30 ans que cet ami « regardait » un film. À partir de ce jour-là, M. Wang s’est conforté dans la conviction que les personnes non-voyantes pouvaient aussi être « spectatrices » de cinéma. « L’audiodescription fournit aux aveugles une grande quantité d’informations en peu de temps, permettant de compenser leurs lacunes visuelles », indique M. Wang. Lorsqu’il a commencé à organiser des séances de cinéma pour les aveugles, la salle de projection se trouvait dans une petite cour carrée du vieux Beijing et ne faisait que 20 m2. Dès la deuxième séance, la salle était pleine et des personnes étaient même assises par terre.

 

Le cinéma Xinmu n’en était alors qu’au stade embryonnaire. En 2005, M. Wang et sa femme ont fondé le centre culturel et éducatif Hongdandan, destiné aux personnes handicapées ; et en juillet de la même année, le cinéma Xinmu a officiellement lancé son projet de cinéma pour les aveugles, en proposant des films en audiodescription avec des équipements très simples : une télévision, un lecteur DVD, des micros et des dizaines de chaises.

 

Afin de mieux comprendre ce que pouvaient ressentir les aveugles, M. Wang, guidé par sa femme, a marché dans la rue en fermant les yeux. Après avoir écrit son propre script pour les films, il demandait à sa femme de l’écouter en fermant les yeux. Les deux se disputaient souvent sur les phrases à utiliser et les scènes difficiles à comprendre.

 

Selon M. Wang, le cinéma est un art visuel. La description des éléments variés, tels que les scènes, le temps, les couleurs, l’âge, les mouvements, les expressions faciales et les costumes, doit être aussi détaillée que possible, afin que les personnes déficientes visuelles puissent former des images dans leur cerveau. De plus, le ton doit être proche du personnage et correspondre à la scène. Afin de proposer une audiodescription concise, M. Wang doit regarder un même film à plusieurs reprises. Son script s’enrichit au fur et à mesure que sa compréhension de l’intrigue s’affine.

 

La plupart des films projetés au cinéma Xinmu étaient alors de vieux films. Il n’était possible de voir des films récents qu’en allant au cinéma. Pour permettre aux non-voyants de profiter des films nouvellement sortis de la même façon que des personnes voyantes, le cinéma Xinmu a décidé de trouver un endroit plus adéquat et quitté la petite cour qui l’avait abrité pendant 14 ans. Zeng Xin, une malvoyante qui travaille depuis 2005 comme bénévole à plein temps pour Xinmu, se souvient qu’à cette époque-là, ils avaient appelé chaque cinéma de Beijing pour s’enquérir d’une possibilité de coopération. Finalement, c’est le Poly International Cinema, qui a mis à leur disposition une salle de projection standard.

 

Un vecteur d’intégration sociale

 

Lorsque Xinmu a quitté sa petite cour en 2018, l’association a organisé une cérémonie en toute simplicité, à laquelle de vieux spectateurs ont participé.

 

Xiao Huanyi, un sexagénaire, était parmi eux. Devenu spectateur de Xinmu en septembre 2006, il fait partie des tout premiers fans du cinéma. « Auparavant, j’étais découragé car je trouvais que la vie était assez injuste », raconte-t-il. Comme de nombreux cinéphiles non-voyants, les séances hebdomadaires sont devenues une partie indispensable de sa vie. M. Xiao ne peut pas « émunérer » les changements que le cinéma lui apporte. « Après avoir regardé des films, je me sens bien mieux », explique-t-il.

 

La Chine compte 17 millions de personnes en situation de handicap visuel. Aider ce groupe à s’intégrer dans la société constitue la clé pour améliorer leur situation de vie. Il existe une grave inégalité d’accès à l’information entre les voyants et les non-voyants. Ces derniers ont ainsi plus de difficultés à comprendre les choses de la société, ce qui les empêche de s’intégrer. Selon M. Wang, le fait que les cinéphiles aveugles puissent bénéficier des derniers films sortis au cinéma est une sorte d’égalité.

 

Depuis 2005, le cinéma Xinmu a projeté plus de 1 000 séances pour les aveugles. « Heureusement, de plus en plus de personnes commencent à prendre conscience des besoins spirituels et culturels des aveugles », constate Mme Zeng.

 

Un engagement solidaire

 

Bien raconter un film n’est pas chose simple. Afin d’enrichir les symboles visuels et de stimuler la « vision mentale » des spectateurs aveugles, M. Wang a encouragé ces derniers à toucher les remparts de la Grande Muraille, à écouter les vagues sur la plage ou encore à toucher des modèles de dinosaures avant de voir le film Jurassic Park, mais il trouve que c’est loin d’être suffisant.

 

Afin de maximiser les effets de la narration, M. Wang et les bénévoles aménagent la salle à chaque séance. Il explique que la voix du narrateur est transmise aux oreilles du public par le biais de haut-parleurs situés à différentes positions, créant un effet de « chuchotement ». Ainsi, le volume et l’émotion du narrateur sont mis en évidence mais n’entrent pas en conflit avec la partie sonore du film.

 

En plus de narrer des films, M. Wang a proposé d’autres services de bien-être pour les aveugles. Le centre Hongdandan a effectué des échanges techniques avec une bibliothèque japonaise pour aveugles et coopéré avec le musée du Louvre pour permettre aux aveugles de toucher des répliques de sculptures du musée. Le centre a aussi lancé une « carte de la vie » pour aveugles et d’autres produits divers leur permettant de rester connectés avec la société.

 

Entre 2005 et 2007, M. Wang a dépensé plus d’un million de yuans pour venir en aide aux personnes déficientes visuelles, provenant notamment de l’argent qu’il avait gagné dans ses affaires et des subventions du démantèlement de sa vieille maison vétuste. « C’est comme un arbre desséché qui renaît au printemps », décrit-t-il. Chaque fois que Hongdandan est sur le point de s’effondrer, il y a une flamme d’espoir. Un don de Bayer a soutenu le fonctionnement du cinéma Xinmu pendant un certain temps ; le financement du programme de bien-être public de l’ambassade d’Allemagne en Chine lui a permis de payer des arriérés de loyer de 3 mois ; et en 2007, un patron du Guangdong a fait don d’un million de yuans à Hongdandan. C’était la première fois que l’organisation recevait un don aussi important.

 

De plus en plus de bénévoles participent à ce travail. Depuis 2005, plus de 10 000 bénévoles ont apporté leur aide au cinéma et plus de 40 000 personnes ayant un handicap visuel ont assisté aux projections.

 

Le cinéma Xinmu a aussi promu ce service dans d’autres villes, telles que Tianjin, Xuzhou, Zhengzhou et Kunming. De plus, il a collaboré avec plus d’une centaine d’écoles pour aveugles et malvoyants dans le domaine de la formation linguistique, et lancé des magazines en gros caractères.

 

L’attente des retrouvailles

 

À la différence des bénévoles qui guident les cinéphiles à leur siège, devenir narrateur bénévole nécessite des aptitudes indispensables, telles qu’une bonne expression orale et des techniques de narration adéquates. Actuellement, Xinmu compte plus de 100 narrateurs bénévoles de niveau élémentaire, mais seulement 5 personnes de niveau élevé. M. Wang souligne la pénurie importante de talents de narration. Les narrateurs jeunes, en raison d’un certain manque d’expérience de vie, ont souvent du mal à faire preuve d’empathie envers le public aveugle.

 

Lorsque les projections en salle ont dû être interrompues à cause de l’épidémie de Covid-19, l’équipe a décidé de diffuser des films en ligne avec des narrateurs décrivant les films en streaming en direct pour répondre aux besoins des cinéphiles aveugles. Néanmoins, la voix du narrateur et le son du film entrent souvent en conflit, compromettant les effets de l’audiodescription.

 

Pour les spectateurs en ligne, la première nécessité est l’utilisation du smartphone, que M. Xiao n’arrive pas à maîtriser. Il préfère les projections hors ligne, lorsque les spectateurs arrivent à l’avance pour discuter du film ou bavarder, et repartent ensemble à l’arrêt de bus quand le film est terminé. M. Xiao s’est fait beaucoup d’amis ainsi. Heureusement, les projections sont rapidement revenues à la normale dès que l’épidémie a été contrôlée.  

  

 
*QIU HUI est journaliste à China Report.
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