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Pourquoi la Chine est-elle encore un pays en développement ?

2019-04-26 16:32:00 Source:La Chine au présent Auteur:QIU JING
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Dernièrement, j’ai présenté la Chine à des Européens en l’identifiant comme le plus grand pays en développement au monde et personne ne m’a prise au sérieux. Ils ont trouvé ma remarque humoristique, étant d’avis que la Chine est une « superpuissance » s’autoproclamant « pays en développement » par simple modestie.

Pourtant, ces gens ne sont nullement ignorants. Ils ont parcouru toute la surface du globe, ayant laissé leurs empreintes aussi bien dans des régions développées (en Europe et en Amérique du Nord) que dans des régions moins avancées (en Asie, en Afrique et en Amérique latine). Bien sûr, ils ont aussi visité beaucoup d’endroits en Chine. Que ce soient dans les mégapoles à l’est telles que Beijing et Shanghai, ou dans les grandes villes à l’ouest telles que Chongqing et Xi’an, ils ont eu le sentiment qu’en Chine, les constructions sont plus imposantes que dans nombre de villes européennes et les commodités de la vie urbaine n’ont rien à envier à celles des pays développés.

Il est vrai que ces dernières années, l’économie chinoise a connu une croissance rapide qui lui a permis de se hisser au rang de deuxième économie mondiale, juste derrière les États-Unis. D’ailleurs, dans les récents reportages que les médias européens ont réalisés au sujet des différends commerciaux sino-américains, la Chine est généralement décrite comme un « pays développé » en émergence rapide, remettant en question le titre de « maître du monde » jusqu’alors détenu par les États-Unis.


 Des agriculteurs à Fengdu, dans la municipalité de Chongqing.(PHOTOS : YU XIANGJUN)

Cette année marque le 70e anniversaire de la fondation de la Chine nouvelle. Certes, la Chine s’est développée à un rythme prodigieux et a réalisé des prouesses depuis, mais comparé aux pays développés d’Europe et d’Amérique, elle demeure de toute évidence un pays en développement. On peut dire que la Chine se trouve actuellement à mi-parcours. Il lui reste donc un long chemin à parcourir avant de pouvoir être reconnue comme un pays développé.

Premièrement, le développement est inégal, laissant manifestement apparaître un fossé urbain-rural. De nos jours, le taux d’urbanisation sur le territoire chinois s’élève à 58 %, soit moins que dans les pays développés où ce taux est de l’ordre de 80 %. Les inégalités de revenu entre les résidents urbains et ruraux sont importantes. Le revenu disponible des citadins est 2,7 fois supérieur à celui des campagnards ; de même, la consommation par habitant des citadins est 2,2 fois supérieure à celle des villageois. En outre, l’écart entre les infrastructures et les services publics à disposition dans les villes et les campagnes est plus prononcé en Chine que dans les pays développés.

Prenons comme exemple les lieux en Chine où se sont rendus les Européens dont nous avons parlé au début de cet article. Tous sont allés dans des grandes villes ou sur les sites touristiques incontournables du pays, mais presque aucun n’est allé dans les campagnes, sans même parler des villages reculés. D’ailleurs, ils ne peuvent même pas y aller, puisque ces endroits, trop miséreux et arriérés, ne sont même pas accessibles en voiture. Dans le programme de réduction de la pauvreté en Chine rurale, la réhabilitation des routes est considérée comme un préalable à l’enrichissement des habitants. C’est pourquoi, ces dernières années, la Chine a construit massivement des voies de circulation, mais néanmoins, la densité du réseau routier est encore peu élevée. En 2017, elle s’établissait à 0,51 km/km², contre 5,8 km/km² en Allemagne, 2,7 km/km² en Pologne et même 1,8 km/km² en Inde.


 Les infrastructures de transport dans les régions de l’ouest sont nettement moins développées que dans les régions de l’est.

Prenons maintenant les infrastructures sanitaires à titre d’illustration. Le récent film indien intitulé Toilet: Ek Prem Katha (Toilettes : une histoire d’amour) a mis en lumière le fait que les agriculteurs ne possèdent généralement pas de toilettes. Le même problème s’observe dans les campagnes chinoises. Cette absence de toilettes illustre bien la carence en installations sanitaires et établissements de santé en Chine rurale. L’année 2015, le gouvernement chinois a donné le coup d’envoi à la campagne surnommée « révolution des toilettes ». En un peu plus de trois ans, plus de 70 000 toilettes ont été installées ou rénovées. Malgré ces mesures, seuls 36,2 % de la population rurale utilisent des WC modernes ; 58,6 % ont recours à des latrines ; et encore 4,69 millions de ménages ne disposent pas de toilettes. De la même façon, il reste beaucoup de travail à accomplir pour parfaire l’aménagement des campagnes chinoises, notamment garantir l’accès à l’eau potable, bâtir des hôpitaux et établir des installations de télécommunication.

Le développement déséquilibré entre les régions de l’est et de l’ouest est un autre problème qui persiste en Chine. Dans les zones Beijing-Tianjin-Shanghai et Jiangsu-Zhejiang-Fujian, à l’est du pays, le PIB par habitant a dépassé 13 000 dollars, l’équivalent du salaire minimal dans les pays à revenu élevé. Mais dans certaines zones défavorisées de l’ouest, des habitants n’ont même pas assez pour se nourrir et se vêtir ! D’ailleurs, l’objectif de réduction de la pauvreté affiché dans ces zones se résume à garantir aux résidents ruraux « trois repas par jour et des vêtements en toutes saisons ». Ajoutons que cette situation de développement déséquilibré se reflète également dans la répartition des revenus, l’importance accordée à la protection de l’environnement et le niveau de sécurité sociale.


 Dans le cadre général de la modernisation de l’enseignement en Chine, l’éducation dans les régions de l’ouest et du centre représente également un domaine stratégique.

Deuxièmement, le niveau de développement par habitant reste inférieur à la moyenne mondiale. Certains médias occidentaux, en basant leurs statistiques relatives à la Chine sur la parité de pouvoir d’achat, ont obtenu en résultat des chiffres anormalement élevés. Ils en ont conclu que « le revenu national brut de la Chine est désormais le premier au monde » et que « le PIB chinois par habitant a rattrapé le niveau des pays à revenu élevé ». Mais ces calculs ne permettent pas de peser le pour et le contre…

À partir de statistiques émises par des institutions faisant autorité, le FMI (Fonds monétaire international) calcule le PIB par habitant d’après la parité de pouvoir d’achat. Puis, selon les résultats, chaque pays est classé en tant qu’économies avancées, émergentes ou en développement. Et la Chine appartient toujours à cette dernière catégorie. Pour l’heure, la Banque mondiale répertorie la Chine dans les pays à revenu moyen et élevé sur la base de son revenu national brut par habitant (le classement comporte quatre catégories : pays à faible revenu, pays à revenu faible ou intermédiaire, pays à revenu moyen et élevé, et pays à revenu élevé). Pourtant, en 2017, le revenu national par habitant de la Chine atteignait 7 310 dollars, soit seulement 15 % de celui perçu aux États-Unis et 25 % de celui perçu en France. Ce montant est non seulement bien loin du revenu par tête dans les pays à revenu élevé, mais il est aussi inférieur à la moyenne mondiale établie à 10 387 dollars. S’il est calculé sur la base du PIB par habitant, le revenu national par habitant en Chine s’élevait à environ 9 700 dollars en 2018, toujours moins que le salaire minimal fixé à 13 000 dollars dans les pays à revenu élevé.

En outre, le PIB par habitant ne peut être l’unique critère déterminant si un pays fait partie des pays en développement ou des pays développés. L’indice de développement humain (IDH) publié par le Programme des Nations Unies pour le développement est également un indicateur majeur. En 2017, dans le classement mondial des pays selon l’indice IDH, la Chine apparaissait au 86e rang, à un niveau intermédiaire, loin derrière des pays européens comme l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Troisièmement, le modèle de développement initial, non durable, doit être transformé et mis à niveau. Le niveau global de productivité demeure peu élevé dans la société chinoise et la structure productive n’est pas assez rationalisée. Il reste du chemin à parcourir pour transformer les méthodes de développement existantes axées sur l’investissement et la consommation. À l’avenir, la Chine devrait accorder plus d’attention aux critères environnementaux dans son développement, car la préservation des écosystèmes est de plus en plus une exigence du peuple. Il convient d’améliorer l’efficacité des investissements, qui est tombée dernièrement à 1:7, soit un ratio nettement plus bas que dans les pays développés.

Le peuple chinois est l’un des plus « travailleurs » au monde, puisqu’il travaille en moyenne plus de 2 200 heures par an, un cumul bien plus élevé que les pays développés d’Europe et d’Amérique. Dans une enquête qui a été menée à ce propos à travers les mégalopoles du globe, de manière générale, les villes chinoises caracolent en tête des villes les plus travailleuses, tandis que Paris a été identifiée comme la ville où les semaines de travail sont les plus courtes. Dans certaines entreprises technologiques en Chine, il existe la règle tacite du « 996 » qui signifie : on commence le travail à 9 h le matin et on quitte le travail à 9 h le soir ; 6 jours par semaine. Un rythme insoutenable qui a vivement été décrié.

Derrière ce phénomène se cache une vérité difficile à entendre : l’économie chinoise est un « colosse aux pieds d’argile » dont l’innovation technologique est insuffisante. Par rapport aux pays développés, l’industrie manufacturière en Chine est gigantesque, mais se cantonne au bas de la chaîne industrielle mondiale. Quant au volume des échanges avec l’extérieur, il est monumental, mais la structure du commerce n’est pas avancée : la Chine exporte surtout des « travaux physiques » accomplis par de la main-d’œuvre bon marché et importe des « travaux intellectuels » réalisés par des experts qualifiés. De surcroît, l’édification culturelle de la Chine, sa force de défense nationale, ses sciences et technologies ainsi que son niveau de gouvernance sociale sont autant d’autres points à améliorer.

À l’heure actuelle, la Chine cherche à promouvoir le « développement de haute qualité » de son économie via des réformes structurelles du côté de l’offre, afin d’encourager la mise à niveau industrielle. Toutefois, ce processus ne se fera pas du jour au lendemain et demandera une grande persévérance.

Quatrièmement, le développement se heurte aux mauvaises interprétations des autres pays. À l’heure où la Chine passe d’un développement à grande vitesse à un développement de haute qualité, la priorité absolue consiste à répondre à l’aspiration des citoyens, à savoir accéder à une vie meilleure. De nos jours, la Chine compte encore 30 millions de pauvres, sans parler des 80 millions d’handicapés, des 200 millions de personnes âgées et des 15 millions de chômeurs en recherche d’emploi chaque année. Il est urgent de résoudre tous ces problèmes sociaux par le biais du développement.

Cependant, les médias occidentaux, lorsqu’ils traitent de la Chine, ne rendent pas compte de ces réalités de façon objective et induisent leur auditoire en erreur. S’ils abordent le développement rapide de la Chine, c’est pour propager la « théorie de la menace chinoise » ; s’ils évoquent les défis auxquels la Chine fait face dans son développement, c’est pour insister sur la « théorie de l’effondrement de la Chine ». Dans une certaine mesure, cela confirme que la Chine est encore un pays en développement, car dans l’opinion publique internationale, le droit de parole et même le pouvoir de mise à l’agenda sont réservés aux pays développés.

J’espère sincèrement que les Européens auront l’occasion de lire cet article pour découvrir le vrai visage de la Chine et en faire part autour d’eux.

 

QIU JING est chercheuse assistante à l’Institut de l’économie et de la politique mondiales relevant de l’Académie des sciences sociales de Chine.

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