FÉVRIER 2002

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

ETHNIES DE CHINE

Les Naxi

Regroupant 280 000 personnes, cette ethnie se distribue principalement dans la région du Yunnan qui confine au Tibet et au Sichuan, ainsi que dans ces deux dernières régions.  Le district autonome naxi de Lijiang est toutefois leur principal lieu d’habitation. Les Naxi s’enorgueillissent d’une culture particulière et bien conservée : la

Des Naxi vénèrent le dieu du Ciel

culture Dongba, dotée de caractères et d’un langage particuliers. Cette culture traditionnelle est ainsi appelée parce qu’elle a été principalement conservée dans la religion dongba qui remonterait à des milliers d’années. Celle-ci aurait été formée à partir de la religion primitive des Naxi et en intégrant des influences culturelles et religieuses des Han et des Tibétains. Cette religion est une forme de chamanisme. La vénération des ancêtres et de la nature constitue la caractéristique principale. Les rituels, qui ont été préservés à travers des pictogrammes, des écritures  et des formes religieuses en sont les principaux propagateurs. Les grands prêtres de cette religion, appelés Dongba, en sont les principaux héritiers et officient aux funérailles, aux mariages et autres événements importants. Le mot dongba signifie « sage ». Ces grands prêtres ont une bonne maîtrise des pictogrammes anciens, connaissent bien les Écritures, sont doués pour le chant et la danse, maîtrisent bien la peinture, le tissage, le modelage de figurines ou la sculpture sur bois, la divination, et ils sont habilités à officier aux rites religieux. Habituellement, ces pouvoirs sont transmis de génération en génération, mais parfois le Dongba  peut chercher instruction auprès d’un maître.

Survol historique

Selon les registres historiques, les ancêtres des Naxi étaient étroitement liés à une tribu appelée Maoniu Yi durant la dynastie des Han (206 av. J.-C - 220 apr. J.-C.), Mosha Yi durant les Jin ( 265-420) et Moxie Yi durant les Tang (618-907).  Du Xe au XIIIe siècles, des seigneurs esclavagistes formèrent peu à peu une caste féodale. En 1278, la dynastie des Yuan (1206-1368) établit la préfecture de Lijiang, représentant la cour impériale dans la province du Yunnan. Durant les Ming (1368-1644), le chef des Naxi, nommé Mude, fut nommé chef héréditaire de Lijiang. Il exerça ainsi le contrôle sur les Naxi et marqua le début d’une économie seigneuriale. Durant les Qing (1644-1911), les chefs locaux héréditaires surnommés Mu commencèrent à être remplacés par des officiels de la cour pour occuper le poste d’administrateur local.

L’écriture dongba et l’art

Des Dongba

Les pictogrammes naxi sont appelés Sijiulujiu en langage naxi, ce qui signifie « marques sur le bois et la pierre ». Une personne des Qing aurait déclaré : « Cette écriture ressemble à un dessin, elle dessine les personnes comme des personnes, les choses comme des choses et les personnes les considèrent comme des caractères. » Elle décrit les divers aspects de la vie. L’on dit donc que les gens n’ont pas besoin d’étudier pour comprendre les quelque 1 400  pictogrammes qui sont uniques au monde. On y retrouve la beauté de l’art primitif de l’archéen, de sorte que ces caractères forment des données précieuses pour l’étude de l’écriture dans le monde. Les Dongba, que l’on pourrait comparer à des chamans,  ont aussi créé et utilisé d’autres caractères appelés Geba un type de langage syllabique.

Les Écritures dongba forment l’encyclopédie de l’ancienne société naxi et sont utilisées par les Dongba. C’est durant la dynastie des Tang et des Song, il y plus d’un millénaire, que ces Écritures furent créées.  Habituellement, elles sont disposées à l’horizontale et mesurent en général 28cmx9cm et sont reliées à gauche. Chaque phrase ou paragraphe est séparé par une ligne verticale ou horizontale. Ces écritures sont écrites avec une plume de bambou et une encre fabriquée par le Dongba lui-même. Certaines sont colorées. Le papier utilisé est fabriqué à partir de daphné odorant qui offre un papier épais, résistant et durable. On trouve actuellement quelque 20 000 volumes de ces Écritures qui sont gardés dans des bibliothèques, des musées et des instituts de 20 pays et régions. Elles couvrent une variété de sujets : philosophie, histoire, religion, médecine, astronomie, folklore et littérature. Parmi ces Écritures, trois sont considérées comme des épopées historiques des Naxi. Cuomu, est l’unique danse enregistrée en pictogrammes dans le monde.

L’art et la littérature des Naxi sont également riches, tant au plan de la forme que du contenu. Outre les travaux des écrivains et des chercheurs  naxi, on trouve une littérature orale abondante.  Des œuvres comme Genèse, Le Riche vole le bœuf,  Fugue amoureuse sont caractérisées par des expressions simples et fraîches et une touche nationale. Les Naxi aiment le chant et la danse, et ils s’y adonnent surtout durant les mariages et les funérailles. Les chansons les plus populaires sont courtes et descriptives, chantées à une très haute tonalité avec un rythme enlevant. Les instruments de musique les plus courants sont les flûtes et les instruments à vent.

L’architecture, la  sculpture et la peinture naxi ont atteint des standards relativement élevés. Leur style a aussi intégré les styles traditionnels han et tibétain. Dans certains bâtiments bien conservés, des peintures murales combinent les traits concis et harmonieux de la peinture tibétaine avec le style taoïste et bouddhiste  des peintures de la dynastie des Tang.

Les rituels dongba

Des pictogrammes dongba

La religion dongba est une religion qui a évolué d’une religion primitive vers une religion plus humaine. Plus de 30 sortes de rituels en forment l’ossature. C’est par les rituels que le contenu des Écritures dongba, véhiculé par les pictogrammes, a été présenté et légué. Ces rituels ont toujours entretenu un lien étroit avec la production et la vie des ancêtres naxi, ont tenté d’harmoniser les contradictions entre l’homme et la nature, entre l’homme et la société et ils ont une forte touche culturelle. Les plus typiques sont la vénération du dieu du Ciel, la vénération de l’esprit errant, la vénération du dieu de la Nature et la vénération de Dinbashiluo. La vénération du dieu du Ciel est la cérémonie la plus importante des Naxi. Chaque printemps et chaque automne, chaque famille ou clan des Naxi tient un rituel à l’endroit prévu pour vénérer le Ciel. Deux  chênes et un genièvre qui représentent le Père du Ciel, la Mère du Ciel et l’Oncle du Ciel sont plantés au centre de la place.  Au pied de ces arbres, on offre des sacrifices et on fait  brûler des bâtonnets d’encens. Le Dongba psalmodiera des Écritures pour commémorer les ancêtres, les héros et la création afin de transmettre les origines historiques, renforcer l’unité de la nationalité et prier pour la paix et une bonne température. Le rituel de l’esprit errant vise à libérer l’esprit d’un défunt qui s’est suicidé ou qui est mort lors d’un désastre ou pendant la guerre. Le rituel au dieu de la Nature vise pour sa part à présenter des excuses à ce dernier. Au cours des temps, l’homme a pollué, détruit les forêts, tuer des animaux et le dieu a commencé à punir l’homme par des désastres et des maladies. On cherche donc à faire venir les bénédictions sur l’homme. La vénération de Dinbashiluo est une cérémonie que l’on tient à la mort d’un Dongba. Dans sa maison, on installe un autel, on déroule une peinture  et on met en place des tables d’offrandes sacrificielles. L’atmosphère de la cérémonie est empreinte d’une atmosphère grandiose. On déroule également un tanka de 15 mètres de long et de 0,3 mètre de large, intitulé «Voie sacrée » et illustrant l’enfer, le monde et le Ciel. On y trouve plus de 360 personnages et dieux et plus de 70 animaux bizarres. Cette Voie sacrée est le tanka vertical le plus long au monde.

 

Us et coutumes

Les femmes naxi portent une tunique à manches larges accompagnée d’un pantalon et d’une veste, resserrée à la taille par une ceinture richement décorée. Elles portent souvent une peau de mouton en écharpe, et sur celle-ci on trouve sept étoiles finement brodées, de chaque côté desquelles se situent la lune et le soleil. Ceci reflète la diligence des Naxi qui aiment à travailler  tôt le matin et ne s’arrêtent que tard le soir. Elles enroulent un turban noir sur leur tête et se parent de gros bijoux d’argent. Les costumes des hommes ressemblent à ceux des Chinois.

 La crémation est de tradition depuis les temps anciens, mais dans certaines régions, on enterre les morts. Jusqu’au milieu du siècle dernier, la famille monogame était courante et à certains endroits, il y avait des familles matriarcales. Cependant, règle générale, l’homme jouissait  d’un statut prédominant dans la famille et la femme avait peu à dire, ne pouvant même pas hériter de la propriété familiale. Les mariages étaient arrangés.

Parmi les Dongbas,  il n’y a pas de niveau social, mais un niveau de connaissances et de savoir-faire, de générations et d’habiletés. Normalement, lorsque les Naxi construisent leur maison, lors des naissances et des décès, des fêtes ou du Nouvel An, ils invitent le Dongba afin qu’il préside à une cérémonie. Les fêtes traditionnelles comprennent la foire des outils de la ferme en janvier, la fête du dieu de la Pluie en mars, la foire du mulet et du cheval en juillet.

Aujourd’hui, les Naxi vivent surtout d’agriculture et ils sont particulièrement fiers du chef-lieu de leur préfecture autonome : Lijiang, qui est maintenant une ville du patrimoine culturel mondial de l’UNESCO.