AVRIL 2004

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Les trésors du quotidien chinois

La qipao.

Le vent de l'Est souffle sur l’Occident. Ne devient-il pas alors urgent de s'interroger sur les fondements d'un XXIe siècle qui s'annonce singulièrement chinois? Pour tenter de répondre à cette interrogation, l'exposition « Chine : trésors du quotidien », propose une traversée de la société chinoise au fil du XXe siècle.

En suivant le peuple d'une Chine rurale, l’exposition s'attache à mettre en lumière la permanence de l’histoire au quotidien.
L’historien et commissaire d’expositions sur la Chine François Dautresme (1925-2002) est notre guide. Pendant quarante ans, cet homme a parcouru le pays dans son immensité et sa diversité et a patiemment réuni plusieurs milliers d'objets. Cette fructueuse collecte est d’autant plus riche qu’elle semble unique en Occident et constitue, aujourd’hui, les archives matérielles d'un XXe siècle en voie de disparition. Cet esprit curieux à l'œil exercé affectionnait autant les marchés que les humbles échoppes de village. Des œuvres provenant du musée Guimet répondent à cet ensemble hors du commun qui n'appartient guère aux cantons traditionnels des collectionneurs. François Dautresme demeure avant tout un pionnier, un découvreur. La présentation d’une si grande abondance se fait à partir d'exemples concrets et suit les âges de la vie. Ainsi, l'enfance, la jeunesse, la vie au travail et la vieillesse permettent de fédérer nombre d'éléments significatifs des us et coutumes.

Du berceau au tombeau…

 

Une noria près de fleuve Jaune, une vue encore familière dans certaines campagnes.

L'enfance est abordée grâce à une iconographie modelée ou imprimée. Un ensemble de statuettes en céramique offre un panorama des Han aux Qing (206 av. J.C.-1911). On prend ainsi conscience que l’enfant n'a jamais été conçu comme un simple adulte en réduction, mais qu'il requiert une façon d'être bien à lui, avec un code spécifique riche en emblèmes de toutes sortes. Les estampes, le mobilier, les vêtements et les jouets participent de cet univers magique qui, semble-t-il, a pour vertu essentielle non seulement de créer un monde singulier, mais aussi de conjurer les forces maléfiques qui pourraient attenter à l'équilibre de l'enfant.
La jeunesse est évoquée en suivant les deux modalités chinoises traditionnelles yin et yang, féminin et masculin. Le portrait de la jeune Chinoise est retracé depuis la fin de l’Empire jusqu’à l’établissement de la République populaire. Sobre ou sophistiquée, l’image de la femme épouse le siècle ou s'impose en fonction des aléas d'un statut en permanente évolution. Au début du XXe siècle, le corps est gommé sous le carcan hiératique de la robe mandchoue. À partir des années vingt, avec la recrudescence de l'influence occidentale, la qipao exalte la silhouette. Enfin, à la fin des années cinquante, le retour à l'uniforme tente d'abolir non seulement le corps, mais aussi le sexe, l'âge et le milieu social.

Vase à pied de la dynastie des Ming (1368-1644) avec motif d'enfants jouant au ballon.

La seconde partie du XXe siècle est consacrée à son compatriote masculin. La prise du pouvoir en 1949 par les troupes communistes projette le héros révolutionnaire au premier plan. La reconstruction du pays est à l'ordre du jour, paysans, ouvriers et soldats constituent les fers de lance de la nouvelle société. La caserne représente un modèle social, le soldat, un idéal.
Le corps principal de l'exposition est dédié au monde du travail à la campagne, sur la mer et les rivières, et au village. L’exposition insiste sur les moyens de production : outillage, traités techniques, machines plutôt que sur les produits manufacturés. En avant-propos du travail de la terre, ont été réunis des mingqi, ces modèles réduits en céramique disposés dans les tombes. Ils témoignent de l'ingéniosité des paysans de l'époque Han (206 av.J.C.-221 apr.), tout en illustrant les liens qui existent encore aujourd'hui avec certaines des techniques. Trois manuels classiques d'agronomie voisinent avec des petits outils.
La présentation des métiers de la pêche procède de la même logique. Boussoles et cartographie attestent de la précocité de la Chine dans le domaine de la navigation. Nasses, filets, casiers, épuisettes, hameçons de toutes sortes renseignent sur les méthodes en usage. Un radeau pour la pêche aux cormorans, ainsi qu'une jonque entièrement équipée, permettent de matérialiser une activité installée principalement en Chine centrale et méridionale. Poissons ou coquillages ont été l'objet d'une abondante iconographie et certaines de ces représentations, la plupart en porcelaine, ponctuent cette évocation du monde des eaux.
En ce qui concerne le travail au cœur du village, il s'agit essentiellement de celui de petits artisans qui pourvoient au quotidien, assurant localement une réelle autonomie par rapport aux grands centres urbains. Le fabricant de sandales, le forgeron, le tisserand ou le médecin appartiennent au paysage familier du village. La part belle revient au potier où de nombreux éléments ont été rassemblés à proximité du tour : ouvrages techniques, outils et créations témoignages d’un savoir-faire unique et que les Chinois ont porté au plus haut niveau.

Dans tout l’Extrême-Orient, la vieillesse est synonyme à la fois de sagesse et de liberté. Le vieillard est un homme serein qui bénéficie de loisir important. Il vit la plupart du temps, protégé par les siens, dans la droite ligne de l'éthique confucéenne et savoure les moments passés avec les gens de sa génération. Bonnets, lunettes, pipes, flacons à tabac, cages à oiseaux, cages à souris, arènes à grillons constituent son quotidien. Ces objets de confort et de plaisirs voisinent avec l’autel des ancêtres. Il est ici suggéré par une grande peinture et achève cette traversée d'une Chine rurale du XXe siècle.

Provence Alpes Côte d'Azur – Monaco, Grimaldi Forum
Du 10 avril au 16 mai 2004