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Les liens du dévelopement qui unissent la France et la Chine — Interview exclusive du directeur de l’AFD chine

2019-03-04 16:10:00 Source:La Chine au présent Auteur:JULIEN BUFFET
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Yann Martres
 
JULIEN BUFFET, membre de la rédaction
 
C’est un fait reconnu par toutes les instances internationales : depuis la réforme et l’ouverture, la Chine est en passe d’accomplir un exploit sans précédent en permettant à plus de 700 millions de personnes de sortir de la pauvreté, son objectif de réduction de la pauvreté figure parmi les 17 objectifs de développement durable fixé par l’ONU.

 

L’augmentation du niveau de vie et de la consommation qui en est la première conséquence a rendu urgentes d’autres priorités de développement liées au climat, à l’écologie et au vieillissement de la population. Autant de questions qui multiplient les opportunités de coopération sino-française dans lesquelles l’Agence française de développement (AFD), institution financière publique, le bailleur de fonds bilatéral de la France, a trouvé sa place en Chine, où elle opère à partir de Beijing depuis 2004. Nommé récemment à la tête de l’AFD Chine, Yann Martres possède une solide expérience de 25 ans acquise en Asie, comme au Vietnam, et dans le monde. L’AFD est la plus ancienne institution de développement au monde, l’agence ayant été fondée dès 1941. L’expérience compte quand il s’agit de coopération et de développement, mais la modestie est de mise, face à la complexité des enjeux et à l’immensité d’un pays comme la Chine. Cette complexité implique d’avoir une vision collective du métier du développement et d’associer ainsi des compétences nombreuses et variées.

 

Une relation de confiance

 

Dès le début, Yann Martres souligne l’originalité du mandat de l’AFD en Chine. En plein accord avec la demande de la Chine, les problématiques sur le changement climatique et l’environnement ont été définies comme la priorité. Effectués jusqu’ici sous forme de prêts souverains, les financements ont déjà permis de réaliser 33 projets dont 27 en faveur du climat, avec un encours actuel de prêt de 1,4 milliard d’euros. Comme le rappelle le directeur de l’AFD Chine, rien n’aurait été possible sans une bonne entente. « Nous mettons en œuvre un portefeuille d’activités qui est discuté avec les autorités chinoises, dont le ministère des Finances et la Commssion nationale du développement et de la réforme, afin d’établir des financements de projets significatifs pour la coopération entre la France et la Chine. » Ce mandat spécifique a donc été la clé de la qualité grandissante du dialogue sino-français, à travers des coopérations avec les acteurs concernés à tous les échelons, national et local, en termes d’actions pour le développement.

 

Toutefois, comme le souligne Yann Martres, l’enjeu principal de la coopération sino-française ne réside pas dans la quantité de projets financés mais dans l’apport de l’expertise française et le soutien de projets pilotes, exemplaires, innovants et répliquables. « Sur chacun des projets sur lesquels nous intervenons, nous souhaitons qu’il soit innovant, au meilleur standard environnemental et social, et exemplaire également sur la transparence, la redevabilité et la durabilité. » En ce sens, l’AFD est l’un des outils privilégiés pour réaliser des projets 100 % compatibles avec l’Accord de Paris. C’est l’une des orientations stratégiques forte du groupe de l’AFD dans le monde, illustrée en particulier en Chine par le renforcement de la coopération entre ce pays et la France à l’intérieur comme à l’extérieur, avec une grande attention portée à la promotion de la finance verte.

 

Dès 2006, l’AFD a prêté 180 millions d’euros aux banques chinoises, Banque de développement de Pudong de Shanghai, Banque Huaxia et Banque des commerçants de Chine, pour le financement de projets verts. Une somme très relative, puisque la Banque populaire de Chine évalue à 300 milliards d’euros les investissements annuels nécessaires pour effectuer la transition écologique, mais significative néanmoins par l’assistance technique qui a pu être apportée par exemple en matière de méthodologie d’analyse des investissements verts. À la fin de l’année 2016, le bilan des financements à ces trois banques s’est révélé très encourageant avec près de 87 initiatives en faveur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables dans 22 provinces ainsi que la formation de plus de 9 000 cadres du secteur bancaire chinois à la finance verte.

 

De nombreux exemples illustrent l’excellence de la coopération sino-française à laquelle l’AFD contribue depuis 15 ans. Dans la capitale du Shandong, à Jinan, un projet de récupération de la chaleur des eaux usées a ainsi permis d’alimenter le réseau de chauffage collectif de la ville couvrant une surface de trois millions de mètres cubes et réduisant les émissions de CO2 de plus de 105 000 tonnes par an. Comme le souligne Yann Martres, le lien entre la protection de l’environnement et le maintien de l’activité économique et sociale est une préoccupation essentielle de l’AFD. « Ce n’est pas l’Homme contre la nature, mais c’est bien l’Homme et la nature. C’est une approche qui je crois est tout à fait souhaitée par les autorités chinoises. »

 

En ce qui concerne le nombre de projets à financer, il précise : « Ils dépassent naturellement notre capacité à faire, d’où l’importance d’être exigeant sur le volet qualitatif. L’effort et la dynamique sont là et je pense que nous allons continuer sur cette tendance. » Cette coopération, dont la répartition sectorielle couvre le développement urbain durable (33 % des projets financés), l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables (45 %) ainsi que la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles (22 %), a contribué à tisser des liens entre les équipes techniques françaises et chinoises dans les provinces où ont été mis en œuvre les projets financés, et a généré une grande confiance. Dix d’entre elles ont déjà bénéficié d’un financement de l’AFD pour améliorer leurs infrastructures urbaines : Qingdao, Shaoyang, Guilin, Xiangyang, Taiyuan, Zibo, Jinzhong, etc.

 

Sur la base de cette expérience de coopération solide en Chine et de son expérience dans le monde, l’AFD se félicite aujourd’hui de pouvoir commencer à travailler à des projets avec des acteurs chinois dans des pays tiers, pour mener des opérations concertées de cofinancement, à la demande et au bénéfice des pays concernés.
 
 
Le village de Gongyu dans le district de Xianju   (PHOTO PAR ZHAO JIANSHENG) 

 

De la biodiversité au vieillissement
 
Habituellement, les montants des prêts consentis par l’AFD varient entre 25 et 100 millions d’euros sur une durée de 20 ans environ, soit la durée nécessaire pour mettre en œuvre des projets complexes avec des amortissements largemement différés, typiques des activités de financement liées aux biens publics mondiaux (BPM). La biodiversité est évidemment l’un de ces BPM qui relève de la responsabilité collective à l’échelle de notre planète. La Chine, en tant que pays de « mégabiodiversité », en sera l’un des acteurs majeurs en 2020, à l’occasion de la COP 15. La situation dans le monde est alarmante, car la perte de biodiversité continue sa progression et il faut des solutions globales comme le rappelle Yann Martres. « On est là à un moment crucial pour une problématique qui concerne absolument tout le monde. La Chine est un acteur global, la France aussi. La COP 15 en 2020 va fixer une feuille de route pour les dix années à venir jusqu’en 2030 pour aboutir à des objectifs aussi ambitieux que possible. » Le financement sera évidemment l’un des nerfs de la guerre pour enrayer la dégradation de la biodiversité et, comme pour le traitement des sujets climatiques, les montants nécessaires sont immenses. Joignant le geste à la parole, le portefeuille de projets biodiversité de l’AFD en Chine occupe la première place au monde de ses investissements, avec près de 250 millions d’euros d’engagements cumulés jusqu’en 2018.

 

À l’heure actuelle, les projets financés par l’AFD ont permis de protéger 450 000 hectares de zones humides, forêts et parcs nationaux. C’est peu si l’on considère les 66 millions d’hectares de zones humides que compte le pays, mais là encore l’essentiel est de diffuser des bonnes pratiques. Une méthode qui fonctionne, puisque la Chine s’est tournée vers le modèle des parcs naturels français. Ainsi, dans le cadre de la réforme des parcs nationaux lancés par le Conseil des affaires d’État en 2014, l’AFD a soutenu à hauteur de 75 millions d’euros la création du parc pilote nommé par le ministère de la Protection de l’environnement à Xianju dans la province du Zhejiang, et a facilité le montage d’un partenariat entre le district de Xianju et le parc naturel régional des Ballons des Vosges en France. Un autre grand succès de la coopération sino-française est la protection et la restauration des zones humides dans le district de Qixian (province du Shanxi), qui intègre aussi une dimension de valorisation du patrimoine, puisque chaque année 1,6 millon de personnes viennent visiter les sites naturels et culturels. L’AFD s’inscrit donc en plein dans la stratégie nationale chinoise de préservation de la biodiversité et de promotion d’une « civilisation écologique ».

 

Plus marginalement, le champ d’action de l’AFD s’étend aujourd’hui à des domaines inédits, en collaborant avec la Banque mondiale, notamment sur le thème « Comment vieillir en bonne santé ». Le quatrième âge commence à prendre son essor en Chine et la province du Guizhou, 35 millions d’habitants, s’intéresse désormais de près aux dispositifs de santé et de prévention pour ses personnes âgées. Yann Martres explique : « L’idée est de pouvoir évaluer à grande échelle les besoins en termes de soin et de prise en charge de la population âgée, avec l’exemple et l’inspiration de méthodes qui viennent notamment de France. Le projet n’est pas encore lancé, on est dans le processus d’instruction, mais on voit déjà qu’il pourrait receler un certain nombre de résultats pertinents. » Une affaire qui sera donc à suivre mais qui illustre une nouvelle fois que la Chine et la France tissent des liens forts pour trouver des réponses aux grands défis du développement et de la qualité de vie du XXIe siècle.
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