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L’arrivée du printemps dans les relations Chine-UE ?

2023-04-28 11:57:00 Source:La Chine au présent Auteur:CHEN KE*
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Le président Emmanuel Macron en visite à l’Université Sun Yat-sen, à Guangzhou (Guangdong), le 7 avril 2023

Dans le sillage du chancelier allemand Olaf Scholz et du Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, le président français Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont effectué une visite conjointe en Chine du 5 au 7 avril. Durant leur séjour, les deux dirigeants ont échangé des points de vue avec la partie chinoise sur les grandes questions internationales et régionales brûlantes ; la Chine et la France ont signé des accords commerciaux majeurs, lancé une série d’échanges culturels et publié une déclaration conjointe.

Cette succession de rencontres sino-européennes de haut niveau est interprétée comme signe annonciateur d’un printemps dans les relations bilatérales. Les années 2023 et 2024 sont symboliques pour les relations sino-françaises et sino-européennes. Cette année marque le 20e anniversaire de l’établissement du partenariat stratégique global Chine-UE, et l’année prochaine seront célébrés les 60 ans de relations diplomatiques Chine-France. Selon certains observateurs, alors que la position de l’UE vis-à-vis de la Chine fait face à quelques désaccords en son sein, la récente entrevue tripartite à Beijing a été d’une importance majeure et a offert une nouvelle opportunité pour le développement des relations Chine-UE.

Reprise des échanges en face à face

L’axe franco-allemand étant le moteur de la construction européenne, après la visite du chancelier allemand en Chine en novembre dernier, celle du président français est apparue comme naturelle. Il s’agissait de son premier voyage en Chine depuis l’éruption de la pandémie et de son troisième en tant que chef d’État.

Contrairement à Olaf Scholz, Emmanuel Macron est venu en Chine en compagnie de la présidente de la Commission européenne, une décision qui a fait couler beaucoup d’encre. Selon Jin Ling, vice-directrice du pôle Europe de l’Institut d’études internationales de Chine, d’une part, cette visite conjointe a résulté d’une coordination au sein de l’UE visant à porter une « voix commune » sur sa politique chinoise, ce qui a permis à Mme von der Leyen de mettre en exergue le rôle de la Commission européenne dans les relations Chine-UE ; d’autre part, la Chine, qui soutient toujours l’intégration européenne, a fait preuve, à travers cet arrangement, de respect envers l’Europe qui veut parler d’une seule voix.

« Au cours des trois dernières années, il y a eu peu d’échanges hors ligne entre la Chine et l’Europe. Sous l’impact de la pandémie, de la crise ukrainienne et de la rivalité entre la Chine et les États-Unis, qui ont des répercussions structurelles et durables, la politique chinoise de l’UE a dévié de son orientation initiale dans laquelle prévalait la coopération », constate Mme Jin. « Tout comme celle d’Olaf Scholz, la visite d’Emmanuel Macron en Chine a été une étape du processus de relance des relations Chine-UE. Les deux parties ont pris conscience de l’importance de combler le déficit de confiance mutuelle stratégique dans l’espoir de parvenir à un consensus sur la stabilité stratégique des relations Chine-UE », explique-t-elle.

Selon Ding Chun, directeur du Centre d’études européennes de l’Université Fudan et président de l’Institut d’études européennes de Shanghai, l’Europe s’aperçoit de plus en plus qu’elle diffère des États-Unis sur la compréhension du conflit russo-ukrainien, le moyen de le régler et le but à atteindre à la sortie de la crise. L’Allemagne et la France, en quête de l’indépendance stratégique, ne souhaitent surtout pas se laisser enrôler pieds et poings liés par les États-Unis dans une « rivalité stratégique » avec la Chine. « Avec son poids croissant dans les affaires internationales, la Chine est devenue incontournable pour résoudre les grands défis mondiaux. Pour l’Union européenne, qui est composée de 27 États membres, promouvoir la mondialisation et le libre-échange est l’une de ses raisons d’être. Un monde sclérosé et une rivalité entre Chine et États-Unis ne sont pas dans l’intérêt de l’Europe », relève M. Ding.

Pour sa part, Mme Jin estime que cette visite doit aussi être analysée sous l’angle de la reprise économique mondiale, qui est encore fragile. Les statistiques montrent qu’à l’heure actuelle, les échanges sino-européens journaliers dépassent les 2 milliards d’euros, et que les deux économies sont leurs deuxièmes partenaires commerciaux respectifs. Leur coopération économique et commerciale s’est avérée mutuellement bénéfique et symbiotique, avance la spécialiste, tout en remarquant qu’elle fait face à diverses perturbations, du fait que la question sécuritaire et d’autres sujets politiques tendent à influer sur la prise de décision de l’UE dans le domaine économique et commerciale, ce qui l’écarte de plus en plus de ses principes d’ouverture et de libre-échange. « La visite d’Emmanuel Macron avec une importante délégation commerciale a envoyé un autre signal positif, à savoir sa confiance dans le marché chinois et sa volonté de poursuivre la coopération économique et commerciale entre les deux pays dans un système mondial ouvert », déclare Mme Jin.

Lors de la rencontre tripartite Chine-France-UE le 6 avril, M. Macron a appelé la France et la Chine à travailler ensemble pour éviter « le piège du découplage et de la rupture des chaînes », à développer une coopération marquée par l’égalité et le bénéfice mutuel, à relever ensemble les défis planétaires pressants comme le changement climatique, et à approfondir sans cesse le partenariat stratégique global UE-Chine. Mme von der Leyen a affirmé que le découplage n’était pas dans l’intérêt de l’Europe ni ne constituait un choix stratégique de l’UE, qui décidait sa politique à l’égard de la Chine en toute indépendance. Et d’ajouter que la partie européenne était prête à relancer avec la Chine le dialogue économique et commercial de haut niveau sino-européen et à promouvoir un développement stable et équilibré de leurs relations économiques et commerciales pour réaliser le bénéfice mutuel.

Un optimisme prudent

Des touristes se prennent en selfie devant le mur des « Je t’aime » à Suzhou (Jiangsu).

La visite d’Emmanuel Macron et d’Ursula von der Leyen en Chine a mis l’accent sur la coopération économique et commerciale, la sécurité régionale et les échanges culturels. L’importance accordée par le président français à la première dimension se voyait à travers la taille et la composition de sa délégation : de nombreux dirigeants d’entreprises de renom figuraient parmi les quelque 80 personnalités de tous horizons. Le 6 avril, les chefs d’État chinois et français ont assisté à la signature de plusieurs accords de coopération bilatéraux dans les domaines de l’agroalimentaire, des sciences et technologies, de l’aviation, de l’énergie nucléaire civile, du développement durable et de la culture.

En plus de ces domaines traditionnels, la Chine et l’UE explorent de nouveaux pôles de coopération, tels que le renforcement de la coopération en matière d’innovation technologique, la formation des talents verts et la construction conjointe de laboratoires neutres en carbone, note Mme Jin. « Cela a porté un coup aux théories actuelles du découplage ou du “dérisquage”, et aidera à fortifier la résilience de la coopération économique et commerciale Chine-UE. »

Beaucoup de médias ont relayé la « diplomatie culturelle » de M. Macron en faveur du rapprochement des deux pays. Le 5 avril, dès son arrivée en Chine, il a assisté au 17e festival Croisements, festival culturel franco-chinois, lors duquel il a interagi avec un acteur chinois. Le 7 avril, il s’est rendu à l’Université Sun Yat-sen à la rencontre des professeurs et étudiants et a commencé son discours par une salutation en chinois mandarin et cantonais. Il a clôturé sa visite en Chine par un message de remerciement sur Twitter.

Malgré cette visite réussie, Ding Chun garde un optimisme prudent quant aux relations Chine-UE, estimant qu’il faudra encore du temps pour qu’elles soient au beau fixe tel qu’elles l’ont été à l’établissement du partenariat stratégique global Chine-UE en 2003. « Il est difficile de changer complètement la donne avec une seule visite. Pour corriger les anomalies dans les relations bilatérales, le plus important est de veiller à ce que le consensus stratégique atteint lors de cette visite soit appliqué durant les prochains échanges. »

Transformer la crise en opportunité

À l’heure actuelle, l’Europe se laisse ligoter par la question ukrainienne, qui a été l’un des sujets fixes à aborder lors des récentes visites en Chine de dirigeants européens, dont Mme von der Leyen.

Le président Macron a salué la publication en février de la Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne, affirmant que « le fait que la Chine participe aux efforts de paix est une bonne chose ». Alors que Mme von der Leyen fait partie d’une faction relativement « dure » vis-à-vis de la Chine au sein de l’UE. Avant son départ le 30 mars, elle a prononcé un « discours de principe » sur les relations bilatérales en évoquant la question de l’Ukraine, affirmant que le rôle de Beijing dans ce conflit serait un facteur déterminant pour définir les relations UE-Chine.

Que la crise ukrainienne exerce une pression multiple sur celles-ci est une réalité incontestable et les deux parties ne sont pas toujours au diapason de la lecture des faits, concède la spécialiste. Mais elles partagent la même position sur la prévention de l’escalade du conflit, le recours aux moyens pacifiques pour mettre fin aux hostilités et la promotion du dialogue de paix, souligne-t-elle. « L’interaction entre Chine et Europe sur la question ukrainienne pourrait transformer la crise en opportunités. » La perception européenne de la position chinoise paraît à ses yeux d’observatrice de plus en plus rationnelle, et plusieurs sons de cloche européens viennent confirmer ce point de vue.

Tout d’abord, l’Europe se rend progressivement compte que la médiation de la Chine jouera un rôle constructif dans la résolution de la crise. Deuxièmement, si la Chine participait aussi à la sanction contre la Russie, l’impact sur l’économie mondiale serait encore plus grave et l’Europe subirait également des dommages collatéraux. Et enfin, suite à la publication en février de la Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne, une voix s’est imposée en Europe : il est déraisonnable de relier la Chine à la Russie coûte que coûte et il faut prêter l’oreille à la Chine.

« Ce sont tous des signes positifs. Le président Xi et le président Macron ont cette fois lancé plusieurs appels conjoints, ce qui a marqué un pas de plus dans le rapprochement Chine-UE sur le règlement de la crise ukrainienne », déclare Mme Jin, ajoutant que la coopération économique et commerciale a toujours fait office de stabilisateur des relations Chine-UE, et que celle sur les questions sécuritaires doit être renforcée. « Si la dimension sécuritaire de la coopération Chine-UE peut être renforcée par un dialogue sur la crise ukrainienne, cela contribuera non seulement à la stabilité et à la santé de leurs relations, mais servira également la cause de la paix dans le monde, notamment dans le contexte actuel où les États-Unis tentent d’“otaniser” l’Asie-Pacifique », conclut-elle.

La Déclaration conjointe entre la République française et la République populaire de Chine est la réalisation la plus importante de cette visite du président Macron en Chine. Elle comporte 51 articles, couvrant presque tous les domaines. La section intitulée Promouvoir ensemble la sécurité et la stabilité dans le monde spécifie que les deux parties œuvrent ensemble à la recherche de solutions constructives, fondées sur le droit international, aux défis et aux menaces qui pèsent sur la sécurité et la stabilité internationales. Elle souligne que les divergences et les différends entre États doivent être réglés de manière pacifique par le dialogue et les consultations. Elle indique également que les deux parties cherchent à renforcer le système international multilatéral sous l’égide des Nations Unies, dans un monde multipolaire.

*CHEN KE est journaliste à China Report.

 

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