Alors que les Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022 débutent ce 4 février, accueillant des athlètes du monde entier prêts à rivaliser dans les 109 épreuves de la compétition, l’histoire de Fabian Beltran ouvre une nouvelle fenêtre sur les sports d’hiver ainsi que sur la culture chinoise.

Les membres du club de nage hivernale de l’Université Tsinghua jouent dans la neige après s’être baignés dans l’eau glaciale.

Coup de chaud, coup de froid

Fabian Beltran vient de Colombie, pays tropical et ensoleillé d’Amérique du Sud, où il n’y a pas d’hiver. Chez lui, il a toujours aimé nager par temps chaud, sans savoir qu’un jour, il baignerait dans une culture, à l’autre bout du monde, où l’on aime… nager en hiver !

En 2009, il a commencé un nouveau chapitre de sa vie en quittant la Colombie afin de poursuivre une maîtrise en enseignement en Chine. Sa destination était Changchun, dans la province du Jilin, dans le nord-est, où les températures hivernales peuvent descendre jusqu’à -15°C, et même plus bas encore. Au cœur de l’hiver, il s’étonnait de voir des gens braver le froid et nager en plein air.

« Au cours de mon premier hiver en Chine, j’ai été surpris de voir des gens nager dans le lac Nanhai près de mon université », se souvient-il. Il a eu envie d’essayer, mais comme il ne connaissait personne qui pratiquait cette activité, il a renoncé à ce projet. Mais l’hiver suivant, alors qu’il s’était installé à Beijing et qu’il étudiait à l’Université Tsinghua, un camarade de classe, membre du club de nage hivernale de Tsinghua, lui a dit : « Hé mec, pourquoi tu ne rejoins pas notre club ? » Fabian Beltran a accepté l’invitation.

Sa première baignade a été « un choc physique et mental » ; il n’est d’ailleurs pas resté longtemps dans l’eau. Mais quelque chose à propos de ce sport et surtout de ses pratiquants l’a poussé à continuer.

À chaque activité de nage hivernale à Tsinghua, il voyait plusieurs professeurs retraités, âgés de 60 ans et plus, se porter joyeusement volontaires pour nettoyer les allées autour de la piscine et préparer l’eau du bassin, ce qui signifiait parfois y entrer et casser la glace. Cet esprit de camaraderie et d’altruisme l’a impressionné et lui a ouvert une fenêtre pour comprendre la vie hivernale de ce groupe de personnes.

De sa première expérience de nage en eau froide à Tsinghua à son adhésion à d’autres groupes dans des lieux autour de Beijing, Fabian Beltran a rencontré des personnes de tous horizons : des professeurs aux travailleurs d’entreprise et aux étudiants. Outre qu’il a ainsi pu améliorer son niveau de chinois, il s’est également inspiré des gens qu’il a rencontrés.

Nage hivernale et culture chinoise

En s’impliquant dans ce sport d’hiver, Fabian Beltran s’est rendu compte que la nage en eau froide n’est pas une tradition chinoise représentative : de la même façon que tous les Chinois ne sont pas capables de pratiquer les arts martiaux, tous les Chinois ne peuvent pas ou n’aiment pas nager en hiver. Ce constat a permis au jeune Colombien d’apprécier à quel point la culture chinoise est accommodante, embrassant une variété de coutumes et de modes de vie.

Il a également été impressionné par le caractère social de la nage hivernale à Beijing. La natation elle-même n’est qu’une partie de l’activité ; c’est un sport d’équipe qui rassemble, qui fait que ses pratiquants partagent des choses et se soutiennent les uns les autres.

Avant d’entrer dans l’eau glacée, les nageurs s’échauffent en faisant des pompes ou des étirements, en courant ou en exécutant d’autres exercices pour transpirer. Un membre de l’équipe mesure ensuite la température de l’eau pour estimer combien de temps il est possible de nager en toute sécurité. Après avoir nagé et être sortis de l’eau, les pratiquants se réchauffent à nouveau. Cela signifie rester au soleil, tandis qu’ils jouent, mangent ensemble et socialisent.

Alors qu’il nageait dans un lieu appelé Sanjiaodi à Beijing, Fabian Beltran s’est lié d’amitié avec un Pékinois à la retraite. Il a appris que cet homme, allant sur ses 60 ans, avait grandi dans cette région et nageait au même endroit toute l’année depuis son enfance. Même s’il n’y habite plus, il s’y rend chaque semaine à vélo pour se baigner avec ses vieux amis.

Le sportif colombien et son nouvel ami se sont souvent retrouvés pour nager à Sanjiaodi, le premier apprenant des techniques du second. Cette rencontre a également fait comprendre à Fabian Beltran à quel point les amitiés en Chine sont profondes. Pour l’homme de Sanjiaodi, le sport ne consiste pas seulement à nager et rester en forme dans son coin, c’est aussi une question d’interaction sociale et d’amitié. L’amitié est un pilier de la culture chinoise.

De l’adversité au plaisir

« Pour les nageurs que j’ai rencontrés, la nage hivernale est une façon de voir l’hiver », explique Fabian Beltran. Ils ne considèrent pas le froid comme quelque chose à craindre ; au contraire, ils ont trouvé un moyen d’en profiter. C’est un exemple de la manière dont les Chinois trouvent des solutions pour surmonter les difficultés et grandir à travers elles.

En plus des bénéfices sociaux et culturels qu’il a retirés de ses trois années de nage hivernale, Fabian Beltran a récolté de nombreux bienfaits physiques. Sa capacité à supporter le froid a augmenté – il n’a plus froid en hiver. Auparavant, il avait des douleurs aux genoux, ce qui, selon les médecins, entraverait sa capacité à pratiquer des sports vigoureux. Mais maintenant, il se sent mieux. Et plus encore, il a découvert le bonheur : « Je n’ai jamais vu une personne triste pratiquer la nage hivernale », affirme le jeune homme. « Les nageurs hivernaux semblent tous si heureux ! »

Selon les commentaires publiés par des internautes sur le site Web chinois de nage en eau froide China-ws.org, les personnes qui continuent à nager en hiver jouissent de bénéfices physiques, d’une amélioration de leur capacité de base à résister aux températures froides à une amélioration de la circulation sanguine et à une sensation de rajeunissement. Ils ont également un esprit plus fort, allant d’une endurance mentale accrue à un sentiment psychologique d’accomplissement. La nage en eau froide est connue pour aider les personnes souffrant de dépression. Et cette liste n’est pas exhaustive.

Fabian Beltran espère que, comme lui, plus de gens pourront profiter des bienfaits de la nage hivernale, et notamment des amitiés qui en découlent.