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France, UE, Chine : quelles stratégies post-COVID ?

2020-12-31 13:37:00 Source:La Chine au présent Auteur:XAVIER RICHET
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La Grand’Place à Lille, le 28 novembre 2020

 

L’épidémie du COVID-19 a été à la fois un choc, un révélateur, un accélérateur et un point d’inflexion.

 

C’est d’abord un choc qui a paralysé l’activité économique au niveau mondial pendant plusieurs semaines. C’est ensuite un révélateur de l’importance des dépendances entre pays via les chaînes de valeur internationales pour des produits à la fois courants et à plus forte valeur ajoutée, voir stratégiques (médicaments). C’est par ailleurs un accélérateur de tendances déjà perceptibles apparues avec la montée en gamme des exportations en provenance principalement de Chine. Les États-Unis ont réagi en rééquilibrant les échanges commerciaux et en freinant l’avancée des firmes chinoises alors que l’Union européenne (UE) a réévalué le cadre de ses échanges avec la Chine. C’est enfin un point d’inflexion ou de non-retour dans les relations économiques internationales. La politique de découplage appliquée par les États-Unis et la stratégie de « double circuit » proposée par le président Xi Jinping esquissent un probable fractionnement de la mondialisation entraînant la relocalisation de firmes occidentales dans leurs pays d’origine ou à proximité, l’adoption d’un nouveau modèle de croissance tourné vers le marché domestique et la dynamisation des échanges en Asie.

 

Parallèlement au lancement de politiques économiques laxistes (création monétaire, faibles taux d’intérêt, endettement massif), la crise pousse à l’adoption de politiques économiques volontaristes afin de promouvoir les champions nationaux (en Chine) et régionaux (dans l’UE), en facilitant le retour des firmes grâce à des aides financières et fiscales ciblées (aux États-Unis). Mais les chaînes de valeur globales sont résilientes et de nombreuses firmes occidentales et asiatiques vont continuer à opérer en Chine pour servir son vaste marché malgré les dissymétries.

 

Relancer l’économie mondiale en ordre dispersé

 

Les économistes proposent désormais l’adoption de politiques d’inspiration keynésienne et d’accélérer la transition verte ; on invoque l’âge d’or de la planification indicative, on appelle au renforcement du rôle de l’État, voire à la fermeture des frontières.

 

Des mesures conséquentes visent à protéger les entreprises, l’emploi, en adoptant des politiques monétaires, fiscales, budgétaires dépassant les normes jusqu’ici respectées et compatibles avec les objectifs de croissance, gonflant l’endettement dont la charge va obérer pour longtemps les finances publiques.

 

Les gouvernements de l’UE articulent des plans de relance avec un plan innovant et ambitieux à destination des 27, avec un mode de financement et d’affectation qui rompt avec les contraintes budgétaires habituelles et les logiques d’endettement des pays membres. Après un premier plan d’urgence de 540 milliards d’euros initié en avril 2020, l’UE discute de deux autres instruments : le budget pluriannuel 2021-2027, d’un montant annoncé de 1 074,3 milliards d’euros, auquel s’ajoute un plan de relance de 750 milliards d’euros.

 

En France, le gouvernement a adopté un plan de relance de 100 milliards d’euros autour de trois priorités : l’écologie, la compétitivité et la cohésion. Il s’inscrit dans la continuité des 470 milliards d’euros déjà mobilisés depuis mars 2020 pour financer les mesures d’urgence destinées aux entreprises et aux salariés touchés par la crise sanitaire.
 

 

Une nouvelle donne internationale post-COVID-19
 
La « mondialisation contrariée » perceptible avant la pandémie annonce la poursuite de la démondialisation avec la protection des industries stratégiques, leur relocalisation dans leurs pays d’origine ou proches. L’impact des mesures de relocalisation aux États-Unis reste encore faible en termes de volume de production et de création d’emplois. Les firmes qui ne pourront pas être robotisées, si elles reviennent, devront supporter des coûts salariaux plus élevés qui pèseront sur le niveau de vie de la population. L’alternative sera de s’implanter dans des économies proches avec des coûts moins élevés. En Europe, on préconise des investissements en Europe de l’Est, dans les Balkans, et au sud de la Méditerranée.

 

À court terme, les chaînes de valeur internationales vont faire preuve de résilience en raison de leurs avantages concurrentiels. En dépit de la hausse des coûts salariaux depuis quelques dernières années, la Chine a atteint un savoir-faire logistique de premier ordre.

 

Pour les firmes américaines et européennes, le marché chinois est attractif. Les flux d’IDE entrant en Chine continuent à s’accroître. Les grandes firmes comme Volkswagen et Tesla, n’envisagent pas de quitter le marché chinois sur lequel la firme Apple réalise 17 % de ses ventes. Les flux de capitaux chinois sortants pour s’investir en Europe et aux États-Unis ont fortement décliné ces deux dernières années. Le découplage risque de se faire sentir durement pour les secteurs dépendant de composants sophistiqués entrant dans la production finale des produits à hautes et moyennes technologies.

 

Pour se mettre à niveau, le gouvernement chinois a prévu d’allouer 1,4 milliard de dollars américains au cours des six prochaines années dans le high-tech en associant les géants chinois du secteur.

 

En cas de « refroidissement » des échanges, les pays de l’OCDE et la Chine auraient beaucoup à perdre du découplage et de la régionalisation de la mondialisation, comme le suggère une note de la banque Natixis. La Chine risquerait de voir le volume des IDE en provenance de l’OCDE décliner ainsi que ses exportations en direction de cette zone. Les pays de l’OCDE perdraient une partie de leurs exportations vers la Chine et des ventes de leurs de succursales, ainsi que la possibilité d’importer des produits bon marché de Chine. La Chine perdrait ainsi 8 % de son PIB contre 2,7 % pour les pays membres de l’OCDE auxquels il faut rajouter les pertes encourues par l’arrêt de la production des succursales de ces pays en Chine (6 %).

 

La question se pose de savoir quel multilatéralisme mettre en place en prenant en compte ces divergences systémiques qui pourraient perdurer et réduire les fortes asymétries.
 

 

Vers un recentrage de la Chine vers la zone Asie-Pacifique ?
 
Au sortir de la crise sanitaire, le gouvernement chinois a adopté des mesures de politique économique dans un environnement incertain comparé à la crise de 2008.

 

L’économie chinoise connaît actuellement un rebond significatif (une reprise en V) avec des exportations en forte hausse. Elle continue à attirer les IDE notamment en provenance de l’UE et des États-Unis ; les capitaux flottants se portent sur le marché d’obligations émises par les autorités monétaires chinoises, les fonds rachètent les obligations de firmes d’État en difficulté. Les responsables chinois insistent toutefois sur les problèmes structurels auxquels fait face l’économie et appellent à de profondes réformes, notamment dans le secteur financier.

 

La stratégie de croissance retenue vise à asseoir la croissance sur la demande intérieure en stimulant le vaste marché de 1,4 milliard de consommateurs. Du côté de l’offre, elle entend poursuivre des politiques industrielles volontaristes dans les secteurs-clés, notamment technologiques. La réalisation de cette stratégie prendra du temps même si les capacités d’innovation chinoises sont réelles.

 

Les autorités chinoises ont lancé l’idée de « double circuit » qui sous-tend une double stratégie : maintenir et renforcer les liens économiques avec l’extérieur, autour des besoins de la Chine et répondre à la demande extérieure à travers les canaux qu’elle a su développer au cours de ces dernières décennies.

 

La signature du Partenariat régional économique global (RCEP) en novembre dernier, qui rassemble une quinzaine de pays asiatiques (dont le Japon et la République de Corée), est à ce jour le plus vaste accord commercial au monde. Il traduit le recentrage asiatique des échanges et de la croissance et montre l’attachement des principaux signataires aux principes du multilatéralisme.

 

L’impact durable de la pandémie sur la croissance de l’économie mondiale, le rythme de la reprise, son coût économique et social, restent incertains. Les dernières prévisions de l’OMC sont plus optimistes et laissent présager une récession moins longue mais différenciée selon les régions.

 

Au niveau géopolitique, le résultat de l’élection présidentielle américaine pourrait avoir des conséquences importantes sur l’évolution des relations internationales, sur le retour au multilatéralisme, sur la plus visibilité dans les stratégies économiques, et les alliances. Les prochains mois permettront de discerner le cours des relations économiques mondiales avec le contrôle de la pandémie et le retour de la croissance.

 

*XAVIER RICHET est professeur d’économie émérite à l’Université Sorbonne nouvelle.

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